mardi 18 novembre 2008

Prof, toujours.

Il y a longtemps que je n'ai pas parlé de mon travail. Alors, allons-y et toutes mes excuses auprès de ceux qui ne sont pas profs ou que cela n'intéresse pas. Aujourd'hui a été une journée assez faste dans ce domaine.

Premier plaisir: celui de retrouver Stéphane pour un cours d'une heure et demie en commun sur le thème du livre-objet, avec références à l'Égypte antique. Nous n'avons pas besoin de nous concerter longtemps pour savoir ce que nous allons faire et comment nous allons le faire. En général, quelques minutes suffisent, ce qui a été le cas ce matin. De plus, nos deux paroles sont fluides, simples et complémentaires. Il arrive même bien souvent que nous disions la même chose au même moment. Enfin, la complicité est grande et les fous-rires jamais très loin si un sous-entendu pointe le nez. Je sais qu'il va lire ce billet, sans doute ce soir-même, mais tant mieux (et tant pis s'il rougit): je tiens à lui redire combien me tiennent à cœur cette amitié de plus en plus profonde et cette complicité joyeuse.

Ensuite, une réunion à trois (français) pour aider une collègue en instance d'inspection à prendre du recul par rapport à sa préparation de cours. Je sais d'expérience que, pour celui qui va passer sur le grill, le moment de l'échange avec ses collègues est très angoissant, parce que, souvent, on démolit une partie de ce qui a déjà été préparé. Mais c'est le but de l'exercice de confronter les opinions et de choisir la solution pédagogique qui semble la plus appropriée à la séance envisagée. A la fin de l'heure de travail, nous avions réussi, il me semble, à bâtir quelque chose de cohérent. A Isabelle maintenant de se l'approprier, de l'assaisonner à sa sauce, de peaufiner les derniers détails en imprimant une marque qui la mettra, elle, à l'aise.

Enfin, atelier écriture ce soir. Malgré mes protestations, il semble bien qu'aucune solution ne puisse plus être trouvée maintenant pour dédoubler mon groupe de vingt-cinq élèves. L'ironie du sort veut que (mais j'en suis heureux pour eux) ce soit mes autres collègues dans la même situation qui aient profité de mes récriminations: ils ont obtenu pour la plupart des groupes moins nombreux.

Je gère ce groupe comme l'an dernier dans le décor agréable du CDI avec l'aide de la documentaliste. Ainsi échappons-nous un peu au cadre trop franchement scolaire du bureau professoral face aux alignements de pupitres d'élèves. Et j'ai bien l'impression que de tous les livres qui nous entourent émane une atmosphère propice à la belle écriture.

En tout cas, aujourd'hui, ce fut le cas: les élèves devaient apporter un texte personnel évoquant "une chambre où j'ai couché". Pas de consigne plus précise. Ainsi, certains ont écrit des descriptions sèches et presque anatomiques, sans aucun sentiment exprimé: photographie en mots de l'ordonnancement des lieux et des meubles qui les occupent. D'autres ont raconté une anecdote qui leur est arrivée, drôle ou terrifiante, avec pléthore de fautes de conjugaison sur le passé simple (je n'avais pas demandé le passé simple!). D'autres, aux textes plus subtiles, ont évoqué des bruits, des odeurs, des couleurs, formant ainsi un bouquet de sensations personnelles agréables à découvrir chez des élèves encore bien jeunes.

L'heure s'est ainsi passée très calmement, à lire son texte, à écouter et commenter ceux des autres, avant de tâcher de les améliorer. Tous avaient fourni un travail très sérieux, à défaut d'être toujours remarquable, et je les en ai remerciés. Ce que j'apprécie vraiment, et qui commence à se mettre en place même dans ce groupe nombreux, c'est la confiance accordée aux autres, confiance qui les mène à ne pas avoir peur de se livrer un peu dans leur texte et à échanger sans peur sur les textes des autres. C'est de l'écriture à cinquante mains mais, à quelques moments précieux, j'ai parfois l'impression qu'il n'y a qu'un seul cœur.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Chuis pô prof ( me demande bien ce que j'aurais pu enseigner !!) mais ça m'intéresse...
"une chambre où j'ai couché"...qui donc avait choisi ce sujet?...peut y avoir une double interprétation...personne n'a dérapé? dommage, m'en s'rais donné à coeur joie!! ;-)

Calyste a dit…

Devine? C'est moi, bien sûr. Non, personne n'a dérapé: un peu jeunes pour ça.
Mais ta version personnelle du thème m'intéresse. Allez, au boulot, avec l'interprétation que tu veux. Ecris-nous un joli texte. D'ailleurs pourquoi n'ouvres-tu pas un blog? Je serais ton premier lecteur. Amitiés.

Tef69 a dit…

Oui, je rougis ! Mais sache que ces cours passés en ta compagnie sont un véritable plaisir pour moi. ;-)

Anonyme a dit…

Bah, comme l'expliquait Barthes, le passé simple signale le texte littéraire... C'est un temps qui conserve sans doute une part de mystère et qui garantit, à leurs yeux, la qualité d'un texte "écrit".

Anonyme a dit…

Je mon souviens d'une professeure qui nous avait donné pour sujet d'évoquer un animal de compagnie. J'avais été élevé avec des chats et des chiens, mais je m'étais attardé sur les orvets que souvent nos chats rapportaient dans le jardin. Ces bêtes me fascinaient, et la prof fit de moi la risée de la classe...
Je t'espère plus indulgent avec tes petits écrivains ^^

Calyste a dit…

Très vrai, ce que tu dis, Christophe. Le plus beau, c'est qu'en s'écoutant,ils se corrigent eux-mêmes et s'apprennent ainsi mutuellement cette conjugaison qui ne passe pas en cours traditionnel tant qu'ils n'en ont pas vu l'utilité.

Déjà pas génial, le sujet de rédaction, Kab-aod. Bien sûr, la proportion de chiens et de chats devait avoisiner les quatre-vingt quinze pour cent. Personnellement, j'ai tendance à ne pas trop aimer les clichés et les devoirs tout faits et sans surprise. Je crois que j'aurais aimé ton histoire d'orvets. Un secret: moi, ce sont les blattes qui me fascinent, même si j'évite d'en avoir chez moi. Depuis une émission de radio où j'ai découvert que ce sont des insectes intacts depuis la nuit des temps et doués d'une "intelligence" qui semble remarquable.

Anonyme a dit…

Bon, j'ai été un peu long a répondre, j'espère que je ne serais pas puni, mais j'avais bcp de boulot et l'écriture c'est vraiment pas mon fort tu vas vite t'en rendre compte. Déjà je ne supporte pas mon écriture manuelle irrégulière et désordonnée (le clavier à résolu ce problème) mais reste l'écriture sans style, la lourdeur des phrases, la pauvreté du vocabulaire qui me décourage vite. Il y a bien longtemps que je ne suis pas risqué à ce genre d'exercice et c'est bien pour te faire plaisir et en remerciement de celui que je prends ...à te lire ;-):

Une chambre où j’ai couché….
Il va donc falloir faire un choix et pour cela commencer par faire défiler les souvenirs, remonter dans le temps. Je remarque de suite qu’il y a longtemps qu’il n’y a pas eu de chambre, en fait depuis…mais c’est une autre histoire. Bien sur il y a toutes mes chambres mais j’y ai beaucoup plus dormi que couché et puis il y a eu toutes ces autres ou brusquement je pénétrais l’intimité d’inconnus, ou de si peu connu…. Ces chambres, le plus souvent je les découvrais au réveil ou lorsque la fièvre des ébats était retombée, avec des sentiments mêlés de curiosité, de m’y sentir déjà chez moi, parfois de gêne ou d’intérêt. C’était en général selon ce qui c’était passé avant car si on dit communément que « comme on fait son lit, on se couche » on pourrait bien rajouter «comme on le défait on se réveille »
Je pourrais parler de la première chambre où j’ai couché... même si elle n’avait rien d’extraordinaire le souvenir en ai présent et précis et je pourrais parodier la chanson de
Brassens :
« Jamais de la vie tu ne l’oubliera
La première chambre où tu coucheras»
Mais j’ai plutôt choisi cette autre dont le souvenir est plus flou mais avec un petit goût de mystère.
C’est une de ces soirées où le besoin de sortir me vient brusquement. L’envie de musique, de bruit, de lumière, de regards qui se cherchent, se fuient, se rattrapent, de corps qui se frôlent...peu de place pour la parole dans ces moments et c’est tout naturellement que je le suis chez ce que j’imagine être chez lui pourtant il m'a bien dit qu'il n'était que de passage mais qu'importe. Le dédale des rues de la vieille ville nous conduit devant une antique bâtisse. Derrière la porte un long couloir sombre débouche sur un grand hall dont la verrière laisse filtrer la clarté de la lune nimbant la pièce d’une lueur duveteuse. Le silence est palpable et nos pas résonnent étrangement quand nous gravissons l’escalier de pierre usé qui permet d’accéder à la galerie du premier. Encore trois marches et nous voilà devant une grande porte fermée à clef. C’est la chambre puisqu’on distingue un lit, il n’a pas allumé la lumière et la clarté diffuse vient de grandes fenêtres aux verres opalescents sans rideaux ni volets donnant sur une cour intérieure. La pièce parait grande, haute de plafond et tout en longueur avec des boiseries. Hormis le lit elle est abondamment meublées d’un mobilier anciens, armoires commodes secrétaires…mais tout ça manque de vie, il flotte une atmosphère de maison inhabitée depuis longtemps, je retrouve l’odeur des tiroirs de la commode chez ma grand-mère où sont conservés tous les souvenirs des ancêtres : les lettres soigneusement nouées d’un fin ruban rouge, des robes de baptêmes, la pipe et le lorgnon de l’aïeul le plumet du casque militaire de l’arrière grand oncle, un bouquet de marié desséché et une paire de gants en dentelle jaunis, et une foule d’objet que j’aimais découvrir et redécouvrir à chaque fois en m’enivrant de cette odeur si particulière des vielles choses enfermées. Mais je n’ai pas le temps de m’appesantir sur mes souvenirs car je me retrouve rapidement sur le lit occupé à d’autres découvertes…J’aime de contact frais des gros draps de toile sur ma peau et les grincements du vieux lit dont les bois me font penser à la coque d’un bateau. La houle nous ballotte de plus en plus fort jusqu’à ce que le lit décolle en tournoyant dans la chambre et tout disparaît dans une lumière étincelante.
Un bruit me tire de mon sommeil : des coups à une porte. Lentement les souvenirs me reviennent, la soirée, la vielle maison silencieuse, la chambre et …la suite. Visiblement quelque chose ou quelqu’un semble décidé à réveillé la maison car les coups redoublent à la porte, la poignée est violemment secouée et je me rends compte que la porte avait été prudemment fermée à clé derrière nous. Maintenant les coups s’accompagnent de cris que je ne comprends pas, un fort accent ou une langue étrangère, je n’arrive pas à savoir. Je frissonne mais la chaleur du corps près du mien et les bras qui m’entourent me rassurent. Je sais qu’il est réveillé, qui aurait pu dormir avec un tel vacarme, mais il ne bronche pas, il ne semble pas inquiet ni même surpris, à peine laisse-t-il échapper un léger soupir d’agacement au bout de quelques minutes. Combien de temps cela va-t-il durer, j’essaie de comprendre mais mon esprit embrumé se refuse au moindre effort. Quand enfin les coups et que des pas s’éloignent avec un bruit exagéré qui pourrait faire croire à une grossière ruse, sa main vient doucement exciter mon désir, je retiens mon souffle, j’ai l’impression d’une présence diffuse dans la pièce, comme si tous les meubles nous épiaient, j’entends leur souffle étouffé et ça accroit mon excitation...
Lorsque les premières lueurs de l’aube me réveillent tous est calme, silencieux. La chambre a perdu son coté fantasmagorique mais un rapide coup d’œil me confirme que ce n’est pas une chambre à dormir ou alors pour cent ans à la suite d’un mauvais sort. Les quelques bibelots et objets présents semblent ne pas avoir bougé depuis des lustres. Dans cette atmosphère figée le désordre du lit a quelque chose d’incongru de crument vivant. Mais je ne ressens pas de malaise, au contraire je me sens bien, j’aimerais que le temps reste ainsi suspendu. Je m’étire longuement, m’enroulant dans la moiteur des draps imprégnés de l’odeur de nos désirs assouvis et brusquement je me lève, je dois partir, de suite. Un rapide baiser, un adieu murmuré à l’oreille et déjà j’ai franchis la porte, je dévale l’escalier, traverse le hall sans un regard et me retrouve dans la rue étourdi. Je m’éloigne prestement mu par le désir de garder intact le mystère de cette nuit dans cette chambre étrange avant qu’il ne s’évanouisse à la lumière du jour et à l’éclairage de la banalité du quotidien
Ainsi bien des années après, en savourant ce souvenir au parfum si particulier, je me demande si ce n’était pas un rêve…

Bin voilà ! c'est pas du tout ce que je voulais raconter..
Hein? ah oui, t'avais demandé un joli texte...n'avais pô vu...en plus c'est très long! tant pis je ne vais pas recommencer. Tu devrais pouvoir supprimer ce commentaire quand tu l'auras lu, j'espère...ça t'apprendra à vouloir me donner des devoirs ;-))

Calyste a dit…

Effacer ton commentaire? Sûrement pas. Parce qu'il me fait plaisir d'abord, parce que, malgré ce que tu en dis, il est bien écrit et rend très bien l'atmosphère un peu onirique (ah! la lune!) que tu voulais exprimer. Parce que par lui je te connais un peu mieux (à peine!). Tiens, tu me donnes une idée. Je vais me mettre aussi au devoir. Rendez-vous un peu plus loin. Et merci, Piergil.

Anonyme a dit…

J'ai suivi le lien..et j'aurais pô dû!! la relecture est ...limite ridicule! heureusement le prof est indulgent.
conclusion : expérience à ne pas renouveler...je parle du récit, pas de "coucher" dans une chambre!! ;-))

Calyste a dit…

Je ne passe pas pour un prof indulgent, et je ne trouve pas ton récit ridicule, je t'assure. Mignonne, la photo avec Potomac sur l'écran. On s'amuse bien, à ce que je vois! Depuis tout à l'heure, mon adresse mail apparaît sur mon profil. Si ça te dit!