Il est là. C'est la deuxième fois que je le vois. Il attend. Attaché à la barrière devant le supermarché. Pendant que je règle mes courses, je l'observe. Il m'observe. Un labrador. Beige. Une femelle. Vieille. Très vieille sans doute.
Elle a la même pose que la première fois. Assise sur son derrière, le ventre exposé, les tétons répartis sur ses bourrelets de chaire rose, tous ses tétons offerts, en vain: elle n'aura plus de chiots. Parfois, elle glisse sur le carrelage glacé. Elle fait un petit saut et se repositionne, pour glisser encore un peu plus tard.
Elle ne manifeste aucune impatience. Elle attend. Calmement. Maîtresse? Maître? Je ne l'ai jamais vu. Seul le chien est là. Traces brunes du sillon sous les yeux, gouttière des larmes involontaires. Cicatrice de la vieillesse. La truffe est mouillée et brille sous les néons lorsqu'elle bouge de côté. Elle détourne la tête, pour voir passer les gens qui ne la regardent pas. Elle ne s'étonne de rien, ne frétille pas, ne s'inquiète pas. Déjà demi Bouddha, sage affaissé.
Son regard humide, plein de la bêtise larmoyante de l'âge. Un visage comme en ont les humains à la fin de la vie, quand ils ne peuvent pas plus maîtriser leur émotivité que leurs déjections. Un regard de vérité. Lorsqu'on se montre, qu'on n'a plus peur des autres. Quand on fait voir l'intérieur avant le ravage final. État des lieux, et puis l'on brade.
Je suis passé près d'elle et je l'ai saluée. Elle m'a à peine regardé, stupide.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
4 commentaires:
C'est la joie en ce moment. L'approche des fêtes de fin d'année ?
Non, Petrus, ici c'est l'aboie! :-))
VILAIN.
Un gentil labrador (quel que soit son âge, sa couleur, et son sexe) c'est jamais stupide.
Un membre du club-de-ceux-qui-en-ont-marre-d'entendre-dénigrer-les-chiens-au-profit-des-chats
Ah non, là, tu te trompes, Lancelot: je suis chien à 200%. Envoie-moi le formulaire: j'adhère à ton club.
Enregistrer un commentaire