lundi 12 décembre 2016

Anne, ma soeur Anne

Elle s'appelait Anne. C'était une sœur mais pas ma sœur. Une religieuse que ses compagnes appelaient Annette et que nous les profs, nous appelions sœur Anne.

Sans qu'elle le sache, je lui avais trouvé d'autres noms : la "sœur reproductrice", parce c'était elle qui se chargeait de la plupart de nos reproductions. Nous lui donnions à l'avance nos stencils et elle faisait tourner la machine à alcool (je parle bien sûr d'un temps que les moins de 20 ans...). A l'avance ? C'était bon pour mes collègues femmes mais les hommes, et particulièrement moi (mais je n'en abusais pas), pouvaient, en lui faisant un grand sourire, obtenir leurs copies dans la minute qui suivait.

"Sœur Colisée" aussi. Non pas parce qu'elle était grosse (mais elle l'était) mais parce qu'un jour, quelqu'un lui avait donné un vieux manteau en poil de chameau , beaucoup trop étroit pour elle mais qu'elle adorait et mettait constamment en le boutonnant de haut en bas. Résultat : ça tirait beaucoup sur les boutons et ça formait tout du long des sortes d'arcades qui m'avaient fait penser au monument romain.

Ce surnoms de ma part peuvent paraître irrévérencieux mais ils ne l'étaient pas. J'aimais beaucoup cette femme, car, avant d'être sœur, elle était femme pour moi, et femme de caractère. Une originale comme j'en ai peu rencontré (l'autre étant la bonne de cure de l'oncle de Pierre). Elle menait une vie presque totalement indépendante de la communauté où elle habitait, par ses fonctions d'aide aux enseignants d'abord, par son appartenance à une chorale qui lui permettait de sortir certains soirs de la semaine pour les répétitions.

Et ceci me fait resurgir un autre souvenir : un jour, nous l'avons vue arriver en salle des profs avec une coiffure totalement improbable : légèrement frisée mais surtout bleue sur le devant ! Elle allait se faire coiffer uniquement dans une école de coiffure et prêtait sa tête aux élèves en contrepartie de la gratuité. Croyant qu'elle n'avait pas encore remarqué la particularité de son (ses) coloris , je la lui avais fait gentiment remarqué. Elle l'avait bien vue, mais, me dit-elle, comme, lors des spectacles de la chorale, elle n'apparaissait que de face, cela n'avait pour elle aucune importance !

Une femme heureuse, je pense, jusqu'à ce que l'âge l'oblige à se déplacer avec un déambulateur, elle qui aimait tant "s'enfuir". Elle vient de mourir, à 102 ans. Cette semaine, j'irai à ses funérailles.

2 commentaires:

Cornus a dit…

C'est adorable ces souvenirs.

Calyste a dit…

Cornus : C'est une femme que, malgré ses défauts, j'aimais bien et qui me laisse un souvenir "souriant".