mardi 6 décembre 2016

Au fond de la mémoire

Sur l'écran de télévision tourne une publicité pour une eau de parfum. Cate Blanchette récite : si a la leggerezza, si a l'amore, si a me stessa .... Et dans ma tête ressurgit je ne sais d'où une image tout autre : celle d'une maison perdue dans un grand parc humide, en Provence sans doute, un parc où l'on entre par un grand portail en partie affalé sur lui-même, où je pénètre un jour avec un homme que je ne connais pas et dont j'ai oublié jusqu'à l'apparence.

Au fond d'une allée  broussailleuse, une maison délabrée qui a dû être accueillante du temps de sa splendeur. Elle est entourée de bambous et de joncs pourrissant au bord d'une eau verte où surnagent quelques feuilles des arbres qui la bordent. L'homme m'avait ouvert la porte du salon. Il semblait un peu perdu, aristocrate ruiné ou fou, je n'aurais su dire, et m'avait proposé à boire. Il était parti au fin fond de ces innombrables pièces, jusqu'à la cuisine sans doute, où je l'entendais à peine me préparer un verre.

La salle où je me trouvais était envahie de vieux meubles, certains autrefois fort beaux mais aujourd'hui bancals et couverts de poussière, de vaisselle accumulée, de vieux tapis et de napperons défraîchis. Pour échapper à cet enfermement, je m'étais dirigé vers la véranda qui donnait sur le parc. Là, c'était pire encore : une verrière encrassée où s'accrochaient d'anciennes toiles d'araignées, le même empilement de meubles, la même profusion de bibelots, sur une table basse des restes d'un dernier repas où couraient déjà quelques fourmis. J'avais frissonné.

C'est l'image de cette véranda qui m'est revenue hier soir, sans raison, comme un flash autour duquel j'ai replacé le reste, le parc, l'eau verte, le salon encombré, l'homme hagard . Une image que je ne savais pas enfouie au fin fond de ma mémoire. Je ne me souviens de rien d'autre.

6 commentaires:

plumequivole a dit…

Ça alors ça ferait un début de roman tout à fait intéressant, non ?

CHROUM-BADABAN a dit…

Tu ne crois tout de même pas qu'on va psychoanalyser tes fantasmes à l'oeil ?!
D'autant que dans ta "véranda", nella tua testa, ça semble être un véritable capharnaüm !

CHROUM-BADABAN a dit…

Question début de roman on dirait un début de Carlos Ruiz Zafón, dans "Le Cimetière des livres oubliés" !
C'est un compliment...

Cornus a dit…

Alors là, je suis scié. Je n'ai de tels souvenirs, à la fois précis par certains points et tronqués par d'autres aspects que pour la période de mon enfance où je n'étais pas totalement acteur/décideur de mes déplacements. A l'âge adulte, soit je ne me souviens de plus de choses, soit j'ai à peu près tout oublié. Néanmoins, je constate qu'il m'arrive (rarement) de penser que j'ai déjà vécu des événements (pas des lieux, plutôt des idées, des enchainements de faits) similaires sans pour autant décrypter la chose.

karagar a dit…

Je partage l'étonnement de Cornus pour des raisons similaires.

Calyste a dit…

Plume : Tout à fait mais là, ce n'est pas de la fiction.

Chroum : mais je l'aime bien, moi, mon capharnaüm .... Effectivement, grand compliment si j'en juge par le roman que j'ai lu de cet auteur.

Cornus et Karagar : moi aussi, j'ai été scié de voir ressurgir ce souvenir, d'autant que le moment où il a ressurgi n'avait aucun rapport avec lui, que je l'avais complétement oublié et qu'il est revenu avec une réelle précision, comme si j'avais une photo devant moi. Mais j'ai toujours été un visuel : mon œil enregistre mieux que ma conscience et je peux revoir mentalement des sites, des décors sans savoir exactement à quoi les raccrocher. Je ne peux pas vous en dire plus.