Lorsque nous étions enfants, mon frère, de quatre ans mon cadet, était très espiègle et faisait bêtise sur bêtise. Moi, au contraire, j'avais été élevé par ma grand-mère maternelle qui m'avait inculqué, à grands coups de prières et de bons sentiments, tous les préceptes du bon chrétien : ne pas jurer, ne pas voler et surtout ne pas mentir. A cette éducation, il m'a fallu m'accoutumer depuis, ou plutôt accoutumer la vision que j'avais du monde qui m'entourait à ce qu'il était réellement.
Un jour, pourtant, j'enfreignis en une seule fois deux de ces préceptes. Je devais avoir une douzaine d'années, mon frère autour de huit. Nous habitions à la campagne, une ferme spacieuse mais sans confort qui appartenait aux mines où mon père travaillait. Ma grand-mère paternelle était, elle, propriétaire des prés qui entouraient cette maison. De l'autre côté d'une petite colline boisée de châtaigniers, deux frères, deux "vieux garçons" comme on disait à l'époque, (j'en ai oublié le nom, seul me reste Samuel, le prénom de l'un d'eux), possédaient un verger couvert de pommiers et invisible depuis chez nous.
Un après-midi, nous allâmes, mon frère et moi, chaparder quelques pommes, deux ou trois tout au plus, que nous mangeâmes dans le petit bois couvert de bogues et de champignons. Le soir même, une voisine qui nous avait aperçus vint faire son rapport à ma mère qui, elle non plus, ne badinait pas avec les principes. Mon frère nia catégoriquement avoir commis le délit et rien, pas même la plus rude des rossées, n'aurait pu lui faire dire autre chose.
Alors, ma mère, avec toute la confiance qu'elle m'accordait, s'adressa à moi pour connaître la vérité. Moi, elle pouvait me croire ! Je regardai droit dans les yeux la femme qui était encore là, et, de ma voix la plus angélique, avec mon visage le plus innocent, je confirmai la version de mon frère. La femme passa pour une menteuse (ce qu'elle était parfois par ailleurs).
Je n'en ai jamais éprouvé le moindre remords car je trouvais encore pire que le vol la délation de cette vipère. Lorsque je pense aujourd'hui à mon frère, c'est ce souvenir qui me revient d'abord, avec un autre que je raconterai une autre fois.
dimanche 22 septembre 2013
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2 commentaires:
Elle est très mignonne cette évocation et très représentative de l'état d'esprit d'une certaine époque et d'une certaine catégorie de la population (une part importante en l'occurrence). Il est très significatif de voir que ce "vol" de trois pommes t'a marqué à ce point (j'aurais sans doute été marqué à peu près de la même manière dans des circonstances analogues), alors que l'on ne se formalise pas pour des choses bien pires commises par des adolescents actuellement. Je suis sans doute un vieux machin, un affreux privilégié, mais je me désole de constater que personne ne s'est inquiété quand il en était encore temps que quelque chose ne tournait plus rond. Misère sociale et intellectuelle (entre autres), certes... Bon j'arrête là sur ce sujet.
Sinon, cela me fait penser à deux choses :
- la fois où avec le fils des voisins, un peu plus âgé que moi, où nous étions allés piquer quelques cerises en bord de route (je n'étais pas fier), alors que je n'étais pas privé de cerises. Mais les premières avaient une saveur particulières.
- les pommes que mon père avait ramassées et mises en caisses dans le verger de mon grand-père et qui avaient disparu le temps qu'il rentre à la ferme pour revenir avec un tracteur. Avoue que c'était toi Calyste ! ;-)
Cornus : ô tempora, ô mores .....
(C'est pas moi qui ai volé ... l'orange du marchand).
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