Et si finalement, ça venait très vite à me manquer ? Je ne sais, bien, faire que ça: transmettre. J'ai passé ma vie à essayer de donner à d'autres ce que, moi, j'avais reçu à leur âge et qui m'avait enchanté au point de structurer toute ma vie. J'y ai réussi parfois. on me l'a dit, les intéressés, et, sans fausse pudeur, je le crois.
Je suis parfois allé au travail malade, plein de doutes (jamais d'appréhensions) et de lassitude. C'est mon orgueil, je le croyais, qui m'interdisait de prendre, comme certains de mes collègues, quelques jours de congé pour me reposer. Je ne l'ai fait que rarement et contraint et forcé par mon état. Aujourd'hui, je sais que l'orgueil n'avait pas grand rôle dans l'affaire. J'allais au travail parce que j'aimais, malgré tout, ce que je faisais. Il suffisait d'une heure, parfois d'une matinée, derrière le bureau, face à ces enfants assis qui me regardaient tantôt amusés, tantôt intéressés, tantôt inaccessibles, pour que je retrouve la flamme, la rogne, l'énergie qui me tenaient et faisaient qu'en quittant le collège, j'étais fatigué certes mais bien dans ma tête, soit avec de la joie, soit avec de la colère, mais bien et vivant.
J'ai gardé chez moi, dans une pochette, des dessins, des mots écrits à l'orthographe quelquefois hasardeuse, des cartes postales, sur mon bureau ou sur mes étagères des cadeaux. Aujourd'hui, les mails les ont remplacés. J'en éprouve toujours le même plaisir parce que ça a toujours été des cadeaux gratuits, de ceux qui n'attendent rien en retour mais remercient. J'ai failli, l'autre jour, en publier quelques-uns, et puis je me suis dit que cela passerait pour bien vaniteux.
Tout cela va cesser, à la fin de l'année. mais je ne crois pas que c'est ce qui va le plus me manquer. Bien plutôt transmettre une culture, un savoir que j'aime par dessus tout, et voir, peu à peu, le contact s'établir, le visage se détendre, le sourire apparaître et s'épanouir, le rire aussi quand je fais le clown, la petite étincelle imperceptible qui illumine un regard quand l'enfant qui était perdu dans le brouillard a compris ce qu'on voulait lui faire acquérir.
Voilà ce qui m'est passé par la tête aujourd'hui, en rentrant d'un conseil de classe après une longue journée de travail. Allons, il faut que j'y pense. Le choc risque d'être un peu dur.
mardi 11 décembre 2012
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13 commentaires:
Il y a des chances qu'il soit dur, des chances, pas des risques !
Moi aussi c'est ce qui m'a le plus manqué quand j'ai rendu mon tablier de formatrice. Ne plus avoir à transmettre. Et ne plus avoir à m'inquiéter, ou à être contente, suivant les jours, pour chaque stagiaire.
Mais de choc, point. L'avantage du chômage partiel...
A chaque fois que tu abordes la question, je me dis que ce qui commence "à bien faire", c'est surtout l'école en tant qu'institution, non ? Bien plus que les élèves ?
Oui, on peut aisément imaginer que cela te fera quelque chose quand tu n'iras plus à l'école. Il est temps, à ton âge :-)
Pourquoi vaniteux de publier des remerciements ? Pour moi, absolument pas, on en comprendrait facilement le cadre et on saurait faire la part des choses.
en te lisant, je l'ai souvent pensé.
C’est aussi l’idée que je me fais en te lisant ; à défaut de combler toutes tes attentes, ton travail donne un sens. C’est bien rare ! Et puis tu trouveras certainement une occasion d’exercer tes talents et tes besoins de partage.
Depuis le temps qu'on te le dit!
Faut que tu trouves quelque chose (même de pas terrible, quitte à changer plus tard) à faire (réellement) pour la fin août.
C'est une question de temps. Le temps de se donner une vie différente, avec d'autres gens. Celui de découvrir d'autres intérêts et parfois qu'on n'était pas exactement ce qu'on croyait. Donc penser à ne pas rater cette rencontre avec un autre soi-même c'est le début de la réussite.
Olivier: j'apprécie ton optimisme.
La plume: ben oui, mais moi, je n'ai pas la chance d'être chômeur! :-)
Christophe: certes! Elle est en train de se transformer, mais pas forcément dans le bon sens...
Cornus: j'avais eu le pressentiment à) la maternelle que cela allait durer. D'où des crises qui faisaient se retourner les passants sur mon trajet! Finalement, j'ai bien fait!
Valérie: pense à une solution pour moi, stp!
Jean-Pierre: je l'espère en tout cas.
Jérôme: une de mes amies à la retraite, pour la rentrée des classes, partait à l'étranger: elle ne supportait pas d'entendre le bruit des élèves dans une cour de récréation sans y être.
Didier: un autre soi-même, ça me tente assez. Dans le moi-même actuel, il m'arrive de ne pas me sentir très bien.
Des crises ?
Cornus: oui, de rage et de pleurs.
Ah oui, moi cela n'a existé qu'en petite section de maternelle...
Tout cela va cesser (et non "cessé"). Il va falloir retourner à l'école, mon petit bonhomme.
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