dimanche 16 décembre 2012

Après coup

Je me suis toujours plus attaché à la représentation de la chose qu'à la chose elle-même, au souvenir de la chose plus qu'à sa réalité. J'aurais sans doute été heureux dans la caverne de Platon car, pour moi, l'ombre portée de la réalité vaut mieux que la réalité, aussi éblouissante soit-elle. Sans doute est-ce pour cela qu'il me faut sans cesse faire un effort pour vivre dans le présent.

Je pensais à cela en me remémorant hier la promenade faite avec Émile à l'abbaye de Hautecombe aux dernières vacances de la Toussaint. Que m'en reste-t-il aujourd'hui? Une image, celle qui, immanquablement, me revient quand j'évoque ce souvenir. Pas celle du bâtiment ni des tombeaux qu'il abrite, pas celle du couple discret qui fit la visite avec nous, encore moins les précisions historiques et artistiques distillées par l'audioguide. Non, c'est le lac lui-même que je revois d'abord.

Il avait plu ce jour-là, il pleuvait encore au moment de notre arrivée sur les lieux. En sortant, la masse de nuages sombres s'était déchirée et le soleil perçait timidement par cette faille unique. Le lac du Bourget, noir sur la quasi totalité de sa superficie, resplendissait au centre comme une lame effilée de poignard. Vision d'autant plus précieuse que je la savais fugace. J'avais alors pensé à Lamartine et à madame Charles qui ressurgissaient à ce moment précis de mes études littéraires. Est-ce pour cela que le spectacle de la nature m'a plus marqué que la construction des hommes, aussi précieuse soit-elle ?

5 commentaires:

Cornus a dit…

Je peux aisément le concevoir.

Jean-Pierre a dit…

Ça ne m'étonne pas que tu ressentes la présence du lac en pensant à Hautecombe, j'ai les mêmes ressentis en pensant à d'autres lieux (La grande Chartreuse, Abbaye de Tamié...). Le lieu n'est pas neutre. Aussi beaux soit-ils, les abbayes et monastères sont souvent situés dans des paysages fortement suggestifs qui impriment leur caractère aux lieux. Mystique secrète de la nature ou puissance du créateur ?

Calyste a dit…

Cornus: explique!

Jean-Pierre: c'est aussi ce qui se dégageait de la lumière qui était splendide à ce moment-là, très court.

Cornus a dit…

Le lac et son atmosphère qui s'imprime pour longtemps en soi. Personnellement, je n'ai aucune vraie intimité avec ce lac, mais je sais que je pourrais facilement tomber sous le charme et cela me paraît assez difficile à décrire comme ça.

Calyste a dit…

Cornus: oui, d'ailleurs, j'ai eu du mal à écrire ce billet qui ne rend d'ailleurs pas exactement compte de ce que j'éprouvais à ce moment-là.