Dimanche solitaire. Pourquoi pas? Bonne occasion d'aller nettoyer les tombes des chrysanthèmes flétris dans la Loire. Envie de me promener dans le bourg dont dépend le village où j'ai passé mon enfance. Envie de prendre quelques photos. Envie de vous montrer. Allons-y.
Entrée du bourg. Cette place et la "porte" au fond n'existaient quand j'étais enfant. On a dû démolir quelques maisons ou des hangars. Je ne me souviens pas.
La mercerie où l'on m'envoyait acheter les vêtements de la fratrie. Elle est toujours là, sans doute plus les vieilles filles qui la tenaient à l'époque. Je me souviens d'un pull Jacquard avec écharpe et bonnet assorti pour mes deux sœurs dans les années soixante, ainsi que de ma première (et seule) chemise à fleurs.
Chez les sœurs autrefois. Une de mes grandes tantes y est morte, après avoir bien amusé la galerie par ses répliques à l'emporte-pièces: -"Si vous continuez comme ça, Lisa, vous finirez religieuse." - " Pourquoi pas? Plus on devient vieux, plus on devient bête". Là habitait aussi Marie de Béthanie , sœur au cœur de mère qui soignait les bobos aux genoux et faisait les piqûres. C'est elle, selon la légende familiale, qui m'a guéri du pipi au lit. Une sainte femme qui aurait mérité un nom de rue.
La place devant l'église. En haut, le coiffeur et la pâtisserie où nous allions, après la grand messe, un peu soulager notre estomac vide depuis le matin. Il y avait tout de même quelques kilomètres du bourg au village où nous habitions. Le café ne désemplissait pas, particulièrement au moment des offices, où les hommes n'entraient pas dans l'église.
L'église elle-même qui me paraissait immense à l'époque. J'aimais y chanter les prières en latin, un peu moins venir m'y confesser parce que je ne savais pas quoi dire. Sa partie la plus ancienne date du XII° siècle.
La place où se tenaient les manèges de la "vogue", un des rares endroits plats de la commune. Souvenirs de belles frayeurs en barque-balançoire. Souvenirs d'excitation lorsqu'il fallait décrocher le pompon qui donnait droit à un tour gratuit. Sur la place de l'église, en pente elle, avait lieu en même temps le rituel des "boîtes": on accrochait très haut entre deux maisons des pots de fleurs qui fallait, les yeux bandés, casser avec un grand bâton pour récolter un cadeau ou de l'eau et de la farine, voire quelques grenouilles qui n'appréciaient guère la chute.
L'école privée des filles où ma mère usa ses fonds de culotte et où elle dut laver les planchers pour payer sa scolarité. Aujourd'hui, c'est une cité de l'enfance. Près de la cure, il y avait celle des garçons, qui existe toujours. Sans doute mixte aujourd'hui.
L'école publique où, moi, je fis mes premiers pas (maternelle uniquement) dans la culture. Le plus affreux des souvenirs de ces années-là: nous étions tyrannisés par deux maîtresses aux méthodes ancestrales qui donnaient des coups de règle sur les doigts et nous faisaient mettre à genoux des heures au moindre bavardage.
La rue Jacquard aux anciennes maisons austères qui abritaient des métiers à tisser. J'en ai entendu fonctionner dans mon enfance, avec leur "bistanclac" si caractéristique. Aujourd'hui, aucun bruit: ville morte. Le bourg serait-il devenu une banlieue dortoir de Saint-Étienne?
C'était autrefois un étrange bazar librairie. La plus petite des fenêtres était alors la porte. La deuxième existait déjà et sa vitrine regorgeait de tout ce que l'on peut imaginer. C'est là que j'ai acheté mes premiers livres, des bibliothèque rose puis verte. J'en ai conservé certains. Il y a peine trois ans, rien n'avait changé. La même façade que dans mon enfance, le même capharnaüm.
Ces retours, rares, dans ces lieux qui m'ont vu en culottes courtes me rassérènent et m'anesthésient en même temps. Bientôt peut-être des photos du village dépendant de cette commune, village où j'ai été élevé par ma grand-mère.
dimanche 4 décembre 2011
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5 commentaires:
J'ai bien regardé les photos. Il y avait une belle lumière, je trouve : du gris, un peu de bleu et des humeurs nuageuses.
Kranzler: Bon jour, Monsieur.
Ah je n'avais jamais vu ce bourg sous cet angle, mais peut-être aussi ne l'ai-je jamais découvert sous le bon angle aussi. Merci pour cette balade. Vivement des photos du village.
Les nouveautés de la mercerie : comme le pull jacquard et la rue Jacquard, des coïncidences que la réalité sait ménager à qui l'observe d'un oeil neuf (ou enfantin).
Cornus: pour le village, il faudra que je retourne les prendre. Pas assez de lumière hier en fin d'après-midi.
Dominique: ces coïncidences qui, souvent tissent la vie.
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