dimanche 22 novembre 2009

Tapage nocturne

Cette nuit, j'ai dû changer de chambre, quitter la pièce de la cour et m'installer dans celle donnant sur la rue. Tout un groupe d'étudiants (je suppose) faisait la java dans l'appartement de l'un d'entre eux. Tant que j'ai été devant mon ordinateur, de l'autre côté, je n'ai rien entendu mais, dans mon lit, bien difficile de ne pas suivre le rythme de la musique et les cris stridents l'accompagnant.

Ma première réaction fut d'abord de me dire que ce n'était pas bien grave, qu'ils pouvaient bien fêter un anniversaire ou je ne sais quoi, que moi aussi j'avais fait la même chose quand j'étais plus jeune, et que je finirais bien par m'endormir. Effectivement, je parvins à m'assoupir un instant avant d'être réveillé par des rythmes encore plus marqués et des cris encore plus hystériques. Comment peut-on écouter de la musique à un tel niveau d'intensité? Je me suis dit que même si, le lendemain matin, j'allais, juste pour me venger, sonner à leur porte, j'aurais bien du mal à les réveiller et pouvais faire le pied de grue un moment avant qu'ils ne m'entendent.

J'ai donc rejoint mon ancienne chambre et mon petit lit, ceux que j'occupais quand Pierre était encore là. Cette chambre donne sur la rue et est plus spacieuse mais aussi plus bruyante que celle donnant sur la cour. Je n'y ai pas recouché depuis environ trois ans, je pense. Me retrouver dans ce lit que j'ai tant aimé m'a fait bizarre. Je m'y sentais maintenant un peu à l'étroit et j'ai eu un instant le sentiment d'avoir rajeuni, non pas seulement de quelques années, deux ou trois depuis mon changement de pièce, mais de bien plus, de retrouver des sensations, des sentiments de mon adolescence ou du début de mon âge adulte. Impression étrange mais agréable, à aucun moment morbide.

La singularité de cette perception m'a tenu éveillé encore un long moment, à la fois chez moi et étranger au cadre qui m'entourait. J'écoutais le bruit que faisaient en passant les quelques voitures qui roulaient encore et j'aurais aimé qu'il ait plu pour reconnaître ce crissement que j'aime: celui des pneus sur le bitume mouillé. Des gens sont passés, bavardant et riant. Je les ai imaginés le temps que leurs voix disparaissent au coin de la rue suivante. J'ai mal dormi, constamment assailli par des pulsions trop fortes pour un endormissement léger. Nuit lourde qui m'a fait sauter du lit aux premiers frémissements dans l'immeuble.

Pourtant, à aucun moment dans la nuit, je ne me suis demandé où je me trouvais, je n'ai été désorienté par rapport aux masses sombres et aux rais de lumière diffuse que la pièce me présentait: je savais où j'étais, je savais que j'étais chez moi et je savais que ce chez moi n'était plus le mien, que le mien se trouvait de l'autre côté du petit hall, derrière une porte fermée où Pierre n'était plus et ne serait plus. Les lieux et ce qu'ils représentent ont changé en même temps que moi. J'en ai eu la claire conscience cette nuit.

4 commentaires:

karagar a dit…

Lorsque j'ai vécu en appart, après 13 ans de cambrousse, j'étais devenu d'une sensibilité extrème à ce genre de bruits, au point de craindre les samedis soirs...
J'aime, même dans une situation coutumière, me représenter mentalement la topographie domestique et m'y situer avant de m'endormir. Donc, en extrapolant, j'ai assez fortement ressenti la fin de ton texte.

Calyste a dit…

Depuis, j'ai réintégré mon lit, bien content de retrouver mes "marques". Je ne regrette pourtant pas cette petite expérience particulière.

Lancelot a dit…

La chambre où tu as dormi était pourtant baignée d'atomes et d'ondes positives, que les précédents occupants avaient tenté d'y laisser infuser....

Bon, c'est vrai qu'en quelques semaines, tout ça a dû se dissiper....

Calyste a dit…

Infuser! Mais Lancelot, j'ai aéré depuis! Pourtant, quand j'y entre, un je ne sais quoi me rapproche encore de vous. Sois-en sûr, ami!