lundi 16 novembre 2009

Le corps et la couleur

Sur la gauche de mon écran, il y a tout ce que vous, vous ne voyez pas quand vous venez faire un tour chez moi, tout ce que je cache ou qui se trouve là momentanément, destiné à rapidement être éliminé.

Je viens de l'un de ces sites assez chauds, essentiellement consacré à l'exposition du corps masculin, dans des poses artistiques ou nettement moins. Ce soir, surprise, les photos sont en noir et blanc. Et ça change tout. Le sexe (je n'aime pas le terme de pornographie) disparaît complètement quand la couleur disparaît elle aussi. On n'éprouve aucun autre désir que celui de regarder le cliché, d'en admirer la beauté ou la singularité, mais la libido reste calme.

Si la lumière est adroitement utilisée, cela donne aux lignes du corps une autre épaisseur, comme sculptées dans la pierre, magnifiées dans ses reliefs, et une autre douceur, presque de la fragilité comme si ce corps, sans la lumière, ne pouvait exister. Et c'est un peu le cas. Le visage, lui, y acquiert une sorte de patine, d'aura rayonnante qu'est loin de lui donner la couleur, en général.

L'une de ces photos représente un homme sculptural, le sexe adroitement caché par la main posée là, de trois-quarts, la tête renversée en arrière. Son ventre est plat, creusé des sillons des abdominaux et ses pectoraux, harmonieusement développés, semblent recouverts d'un noir duvet soyeux. La courbe de ses reins est à sangloter de plaisir. Ses bras puissants sont légèrement décollés des flancs et accentuent l'impression d'assouvissement ou d'attente. On ne sait s'il vient d'atteindre l'orgasme et prolonge un instant la jouissance intense ou s'il prie un antique dieu païen à qui il se donne en offrande.

La photo est belle et, bien que récente, intemporelle parce qu'en noir et blanc. Je crois qu'un corps montré en couleur, même s'il est magnifique, est individualisé, que ce corps-là, on sait qu'il est quelque part à se promener, à dormir, à gémir, à mourir, alors que le corps en noir et blanc atteint l'archétype, vidé de toute identification, sans nom, sans réalité, sans histoire: un peu comme l'a montré la statuaire grecque en sculptant des statues de dieux qui, en fait, ne sont que les rêves des hommes, que le rêve de l'Homme.

9 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

A part cette photo hyper retravaillée que des mecs comme ça je ne suis pas sûr que ça existe, mais bref, à part ça donc disais-je, quel rapport avec la gauche de ton écran. A moins d'avoir mal lu, j'avoue n'avoir au moins rien compris.
C'est sans doute cela quand il y a des images, elles captent toute l'attention au texte :)

KarregWenn a dit…

Bien que dans un tout autre registre, ce que tu écris me fait penser au "Ruban blanc" de Michael Hanecke que je viens de voir. Entièrement (et admirablement) filmé en noir et blanc.À la sortie je me suis dit qu'en couleurs on aurait eu une histoire anecdotique, un brin folkloriste, et que le noir et blanc était ce qui donnait l'épaisseur humaine et l'intemporalité à ce film. Les visages en particuliers deviennent aussi intemporels que des statues, et en même temps peut-être même plus expressifs, en tout cas plus "impressionnants" que s'ils étaient en couleurs. Juste des images d'humanité, y compris dans la sauvagerie.

Calyste a dit…

A droite, Olivier, il y a, entre autres, les blogs que je lis, bien visibles sous mon profil. A gauche, pour moi seul, j'ai une longue liste d'autres sites que je fréquente, bien qu'ils ne soient pas tous "fréquentables". Ce que tu dis du "retravaillé" ne fait que soutenir mon idée de l'anonyme, de l'archétype. En fait, ce qui m'intéresse, c'est l'image, pas le mec. S'il n'existe pas tel quel, ce n'est pas grave! Il ne me manquera pas!

Je n'ai pas vu le film, dont j'ai entendu tout et le contraire, mais je comprends ce que tu veux dire. Dans un ordre d'idée parallèle, je me souviens aussi du début du Magicien d'Oz, avant que la couleur n'arrive (mais là, la couleur est également belle pour un conte de fée) et surtout de La Nuit du Chasseur: imaginer la femme du pasteur et sa longue chevelure flottant dans de l'eau bleu ou verte, ça n'a aucun sens!

christophe a dit…

Tu veux un kleenex ? Pour les sanglots bien sûr !

Lancelot a dit…

Idée géniale : organiser une expo de Doisneau recolorisé. Ce serait ENORME !

Calyste a dit…

Et surtout très moche!

Calyste a dit…

La boîte, Christophe, s'il te plait!

piergil a dit…

"Tu veux un kleenex ? .....
...Pour les sanglots bien sûr !"


OUPS!!! n'ai cru un moment que c'était pour pas salir le clavier!!...

Moi, m'en lèche ...les babines et n'ai pas besoin de bavoir ....

Calyste a dit…

Ouf, Piergil! Je croyais que tu avais attrapé la grippe!