Peu de monde aujourd'hui au collège. Peu d'enthousiasme aussi, de ma part au moins. Les festivités commençaient à dix heures, je suis arrivé à dix heures. Ça m'aurait paru impensable il y a seulement quatre ou cinq ans. Aujourd'hui, je n'en ai éprouvé aucune mauvaise conscience. Les temps changent. Je vieillis, mais moi je trouve en bien.
Un seul petit événement pour ces rencontres: j'ai revu une de mes élèves de sixième du début des années quatre-vingts. Elle a aujourd'hui trente-sept ans et venait revoir le collège pour y inscrire sa fille en sixième l'an prochain. En voyant la fille, j'ai cru retrouver la mère il y a vingt-cinq ans: un petit bout de chou très blond et plein de dynamisme. Sa mère, elle, est devenue un peu boulotte mais garde la profondeur de ses yeux noirs et un allant que l'on ne peut pas ne pas remarquer.
En passant en revue les professeurs qu'elle a connus et qui sont pour la plupart en retraite aujourd'hui, je lui ai rappelé quelqu'un dont elle ne parlait pas: son professeur principal en sixième, autrement dit Kicou et je lui ai annoncé son décès. Elle n'a pas réagi et a continué le catalogue des souvenirs. Ce n'est qu'à ma deuxième intervention qu'elle a semblé entendre et m'a dit: "Un sacré tempérament, si je me souviens bien."
Et voilà, tout était dit, la conversation a dévié sur autre chose, sur quelqu'un d'autre. C'est bien ainsi mais je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un petit pincement au cœur. Ainsi toute une vie de labeur au service de la pédagogie et des élèves se traduit-elle par ces quelques mots: un sacré tempérament. C'est abominablement triste et drôle à la fois. Triste parce que c'est un peu court. Drôle parce que qu'attendre d'autre après tout? Kicou était mon amie, pas la sienne. Elle ne l'a pas marquée, c'est la vie.
Je me suis aussi demandé, quand cette femme nous a quittés, quels seraient, s'il y en a, les mots qu'un de mes élèves prononcerait dans vingt ans sur mon compte. Comment me définirait-il? Quels seraient les deux ou trois paroles qui me retiendraient encore un instant dans le souvenir des vivants avant de sombrer dans l'ignorance et l'oubli? J'espère que l'on dira que je fus un bon clown.
samedi 21 novembre 2009
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2 commentaires:
Il, elle dirait que tu fus un bon, un mauvais clown, un professeur attentif, intransigeant, à l'écoute, passionné, inintéressant... toutes les options sont possibles parce qu'il, elle, sont infinis. Certains ne se souviendraient peut-être pas de toi non plus. Hydre à mille têtes. Nous souvenons-nous d'eux en détail, aussi ? Saurions-nous les resituer, les redéfinir, en une seule phrase, belle et précise ? Ainsi va la vie.
Même si seuls dix élèves se souvenaient de moi, je serais content.
Sic transit gloria mundi, Chevalier!
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