Les paroles ne sont rien, du vent, tout au plus les promesses avortées d'un projet qui ne voit jamais le jour. Je n'aime pas les projets, je leur préfère les rêves ou alors les faits, la réalité ou le roman, pas ces mots écrits bénins au détour d'une lettre ou d'un message électronique: "On se voit bientôt. Merci pour cette soirée formidable; la prochaine fois, ce sera chez nous. " On ne se voit plus, ou alors des années plus tard. Il n'y aura aucune soirée, ni chez les uns, ni chez les autres.
Pourquoi s'estime-t-on obligé de remplir le silence de ces mots inutiles? Ne dis pas que tu aimes, aime. Montre ta tendresse chaque jour, ne la punaise pas au bas d'une lettre, dans une formule que l'on nomme de politesse. La politesse est l'envers de la vie, son juste contraire. Dans un roman, il n'y a pas de politesse. J'y aime les mots parce qu'ils sont par essence faux et qu'ils se donnent comme tels: fiction, c'est faux, n'y croyez pas mais évadez-vous et si ce radeau coule en pleine mer, vous vous retrouvez pourtant les pieds au sec, à l'endroit d'où vous êtes partis.
La fiction est rêve par essence, donc fausse et assumée comme telle. Je n'aime pas les mots qui se croient vrais alors qu'ils ne sont que masques de néant. Ne parle pas, agis, et si tu ne peux agir, alors contemple. J'ai longtemps cru aux mots, du moins je le pensais alors que je découvre que je n'en écoutais que la musique sans chercher à en connaître le sens ni l'intention. Aujourd'hui, je ne crois plus qu'aux taches qu'ils font sur les pages tournées soir après soir.
Jean-Claude est venu terminer mon parquet cet après-midi: il l'avait dit, il l'a fait.
mercredi 25 novembre 2009
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7 commentaires:
Le pire, à mon sens, ce sont les potes au téléphone ou qu'on crise quelque part qui disent toujours "faut qu'on se fasse une soirée..."
Je ne supporte pas quand ça n'est jamais suivi d'effets. D'autant que le motif revient toujours autour de la disponibilité.
J'ai trouvé interessant (même si je le nuancerais) le propos sur la force des mots sans enjeu dans les relations humaines. Dans le même ordre d'idée, j'apprécie la subjectivité assumée, et lui donne plus de crédit qu' à la prétendue objectivité.
Comme Karagar je nuancerais un petit peu.Il y a mots et mots, je crois. Les mots vides,inutiles et trompeurs, que tu cites "On se voit..." et les mots qui sont des actes en soi. Dire "je t'aime" n'est pas facile...sauf à le répéter 15 fois par jour auquel cas il perd sa force et sons sens. Ce n'est pas de la politesse. C'est parfois la traduction de l'étonnement, de l'émerveillement de celui-là même qui le prononce. Pour aller dans la métaphore religieuse, n'est-ce pas un "acte" de foi ?
Et il y a des mots qui, s'ils ne sont pas prononcés, font tant de dégats par leur absence !
Et puis tiens, je pense à qqch. Le roman que je viens de finir se passe au moyen-âge dans une abbaye cistercienne, et donc Règle du Silence. Évidemment j'ai dû faire parler mes moines ! Mais j'ai essayé de réduire les dialogues au minimum et les mots les plus simples ont soudain pris, ou retrouvé, une force émotionnelle qui m'a surprise moi-même. Pas un qui ne soit un engagement. Le noeud du problème est peut-être simplement dans l'usage, la surconsommation, qui caractérise notre époque ?
Eh bien nous, quand on dit qu'on va se faire une soirée avec des amis, on le fait. D'ailleurs, ta note m'a fait penser qu'il fallait que je relance une invitation à la suite d'une annulation de dernière minute.
Voilà, j'agis. Mais je suis en gros d'accord sur l'esprit (pas forcément la lettre) de ce que tu écris.
Et puis, pour répondre à KarregWenn, c'est vrai qu'il est très très difficile de dire je t'aime la première fois, les premières fois, mais après, ça va beaucoup mieux et franchement, on a toujours envie de le dire et c'est toujours aussi fort (bon j'avoue qu'on est peut-être un peu spéciaux).
Les actes peuvent aussi mentir...
Pour ma part il m'est devenu impossible de me figer dans des déclarations fermées, aussi plaisantes soient-elles. La complexité et le foisonnement souvent insondables qui forment la Vie telle que nous en avons conscience m'empêchent de plus en plus de tirer trop hâtivement des conclusions, voire même des convictions, grandes ou petites.
Bien sûr, les circonstances m'obligent parfois à me positionner mais je sais ce positionnement précaire, maladroit et transitoire ; cette crainte grandissante que j'ai aujourd'hui de confondre "vérité" et "jugement".
Je pense que les mots et les actes ne sont que ce qu'on en fait selon qui l'on est, à un certain moment, dans une certaine circonstance, face à l'un ou un autre.
Personnellement, je n'aime pas les mots vides, les mots galvaudés et les mots automatiques mais, je suis d'accord, il y a aussi des gestes automatiques, se faire la bise, par exemple, qui souvent ne veut rien dire. Il y a aussi le langage du corps, celui de regards et des silences. Et puis le message peut être sincère et l'interprétation erronée! Ah! Que c'est compliqué!
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