Longtemps, j'ai détesté les matins. Non, je n'entame pas ici un billet aussi long que les analyses méticuleuses de notre cher Marcel qui lui, chacun le sait, s'est longtemps levé de bonne heure.
Maintenant, je ne sais plus faire autrement et même quand j'en aurais le temps, traîner au lit en étant éveillé m'agace vite. Car le problème est là: avec l'âge, je me réveille plus tôt. Finies les longues nuits de dix heures avec lever quand les autres passent à table. A huit ou neuf heures maximum, je suis debout, même si je me couche très tard.
En temps ordinaire, c'est à dire lorsque je travaille, je règle le radio-réveil sur six heures. Je n'aime pas courir après les minutes le matin, sinon je deviens hargneux et je ne veux pas que les élèves fassent les frais de mes humeurs. Il me faut tout mon temps, tous mes temps: celui de me réveiller correctement, celui de déjeuner sans stress, celui de passer à la salle de bains et de refaire le lit, celui (dix minutes) consacré à l'ordinateur, celui enfin de rouler lorsque la circulation n'est pas trop intense et d'arriver au collège suffisamment tôt pour admirer un lever de soleil par exemple ou bavarder un instant avec quelques collègues calmes, loin de la volière de la salle des professeurs.
A six heures, sur France-Inter, j'écoute les infos, parfois d'une oreille distraite, parfois même en en perdant la plus grosse partie, replongé que je suis dans un état de semi-conscience. En général, le journal des sports me fait enfin mettre les pieds par terre. Direction la cuisine, dans le noir: je n'éclaire jamais le couloir qui sépare la partie nuit de la partie jour de l'appartement. La lumière me blesse et j'aime m'y accoutumer peu à peu. Première occupation: le pipi du matin. Puis préparation du petit déjeuner tout en écoutant la suite des émissions de France-Inter.
J'émerge peu à peu à la conscience du monde qui m'entoure. Je ne suis pas particulièrement grognon. Je l'ai cru longtemps mais je me suis rendu compte que, lorsque j'avais des amis chez moi au réveil, j'étais de loin le plus enjoué et le plus souriant. Simplement il ne faut pas que la machine s'emballe. Au menu du premier repas de la journée: thé (qui a remplacé le café depuis environ un an), jus d'orange pressé (par mes soins, avec des oranges fraîches) et brioches avec confiture.
De retour dans la partie nuit, j'aère la chambre et refais le lit. Le voir tout lisse et bien tendu me procure le premier plaisir de la journée. En général, c'est là que se situe le petit tour sur l'ordinateur pour vérifier si j'ai eu des lecteurs pendant la nuit, pour être sûr qu'on pense toujours à moi. C'est absurde, mais j'aime bien trouver un petit commentaire nouveau au réveil. J'ai des lecteurs qui se couchent très tard, d'autres qui se lèvent très tôt. Il y a donc presque toujours du nouveau à découvrir.
Mon cartable est prêt depuis la veille au soir, toujours. Je n'y rejette jamais un coup d'œil avant de partir le matin. Souvent, il y a un deuxième passage aux toilettes. J'ai beaucoup aimé l'humour d'un commentaire, chez Lancelot, qui parlait des effets rapides de la nourriture et de la boisson du matin et des inconvénients qui en découlent. Je suis bien d'accord avec ce commentaire. Aussi la douche n'arrive-t-elle qu'en fin de parcours. D'abord parce que je suis pratiquement incapable de faire quoi que ce soit de correct avant d'avoir déjeuné, ensuite parce que l'eau, élément que j'aime beaucoup pourtant, est assez violente de contact le matin, enfin parce que j'aime être encore sous cette sensation de grande propreté en sortant de mon immeuble pour rejoindre ma voiture.
Contrairement à certains que je connais, je ne m'attarde pas outre mesure dans la salle de bains. Que voulez-vous, quand on a un corps de rêve, inutile d'angoisser! Le plus long est en général le choix des vêtements car on dirait qu'ils prennent un malin plaisir à ne pas se coordonner. Ce qui semblait aller de soi le soir ne convient plus du tout le lendemain matin. La paire de chaussettes choisie arbore un beau trou à l'une des extrémités, le sweat vous jette à la figure une tache qui n'est pas partie au lavage et que l'on n'avait pas vue la veille, le pantalon est mal repassé, il manque un bouton à la chemise, là, juste sur le devant. Alors voilà, il faut recommencer et ça prend du temps.
Une fois dans la voiture, c'est parti: la journée commence. Souvent je chante, parfois à tue-tête, et, s'il pleut, je me dis que c'est bien pour ma carrosserie qui ne connaît pas souvent la laverie. Je m'amuse à considérer mes voisins aux feux rouges, je leur invente une nuit, des histoires, un but. Parfois on se sourit, avec l'un d'eux. C'est un des moments que je préfère dans la journée, celui où je me dis: allez, il faut y aller, il faut l'avaler, en tirer le maximum de joies et d'intérêt et en faire profiter les autres.
En somme, j'ai appris, avec les années, à aimer le matin. Le seul hic, c'est que j'aime toujours le soir également. Résultat: des nuits parfois bien étriquées et parfois aussi (souvent?) un manque de sommeil certain. En plus, j'ai toujours l'impression de ne pas avoir fini ce que je voulais faire, de ne pas avoir pu m'intéresser de suffisamment près à tout ce qui m'attire. Il faut que la fatigue se fasse vraiment sentir pour que je me couche. Mais, une fois au lit, tout va bien: mon livre est là pour assurer la transition entre réel et monde des songes.
lundi 18 mai 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
6 commentaires:
Que de points commns !! Entre toi et moi , ça commence à devenir une rengaine... j'avais moi aussi oublié de mentionner que, lorsqu'il fait sombre, moi non plus je n'aime pas allumer la lumière trop vite, et découvrir le jour progressivement.
Copier-coller? Je suis sûr que, lorsque l'on se rencontrera, on finira bien par se trouver des dissemblances.
La volière de la salle des prof. J'aime bien cette image qui décrit parfaitement ce à quoi ressemble cette salle que j'évite le plus possible et pas seulement le matin. Je n'ai jamais compris pourquoi les collègues papillonnent à grands effets de verbe dès le matin alors qu'ils auront une journée de cours où ils ne cesseront de parler. Quelle énergie! Ou quelle folle prodigalité de paroles, bien souvent sans importance...
J'espère que ce petit commentaire participera à ton rituel matinal ;-)
J'espère simplement que, pour certains d'entre eux, leurs cours sont moins creux que leurs discours du matin!
Je n'ai pas attendu le matin, Zeus, pour te lire, mais ça fait aussi beaucoup plaisir le soir!
Est-il suffisamment tard pour que ce message vous arrive demain matin ? :-)
Suite à un évènement qui m'a bien occupée j'ai pris beaucoup de retard dans la lecture des blogs...
Merci, Discrète, pour ce message, lu effectivement ce matin.
Enregistrer un commentaire