Étrange livre que ce roman de Haruki Murakami, pavé de 850 pages que j'ai mis deux mois à lire, ou à peu près. C'est le titre qui avait attiré mon œil d'abord, ma main ensuite. Je l'ai laissé empilé avec d'autres pendant longtemps et puis je m'y suis mis. Lentement, de plus en plus lentement depuis que mon rapport à la lecture change. Oui, j'ai l'impression que je ne lis plus les livres comme autrefois où ils faisaient partie intégrante de ma vie, où ils étaient ma vie, je n'ai pas peur de le dire. Aujourd'hui, ils l'illustrent plutôt, et la "vraie" vie, celle des gestes, des actions, des échanges a repris le dessus, secondée, confortée et consolidée ô combien par l'écriture. Mais je ne suis pas parti pour parler de ça.
L'histoire des "Chroniques"? Inracontable. Formée de plusieurs pans liés entre eux par le personnage principal et quelques-uns plus secondaires, des pans qui ont, j'en ai l'impression, été écrits séparément, sans lien que celui rajouté plus tard par l'auteur. Pour ce couple tranquille de jeunes japonais, la vie se métamorphose le jour où leur chat disparaît. Puis ce sera au tour de la jeune femme. Le livre sera sa quête à lui pour la retrouver, la reconquérir et tenter de comprendre tous les mystères qui l'entourent, de la maison maudite voisine au puits à sec à la jeune étudiante toujours à prendre le soleil sur la pelouse d'en face, en passant par le vieux combattant de la guerre russo-japonaise qui lui proposera quelques clés de lecture.
Habituellement, à lire aussi lentement, l'intérêt pour ce qu'on lit se perd et l'on a souvent à se forcer si l'on veut terminer l'ouvrage. J'ai fini celui-ci, avec le plaisir il est vrai de pouvoir passer à un autre (un De Luca, petit bijou travail d'orfèvre), mais sans ennui profond tant la structure, très intellectuelle, en est bien faite et intéressante en elle-même et le style simple et accessible.
Il fallait remplir les blancs qui existaient dans un passé hors de son atteinte. En écrivant lui-même ce qui s'était passé alors, il tentait de remplir les chaînons manquants. Il avait tiré des histoires que sa mère lui avait répétées enfant des récits dérivés qui lui permettaient de recréer la figure énigmatique de son grand-père dans un nouveau décor. Quant au style, il avait repris fondamentalement celui de sa mère, et le principe en était le suivant: la vérité n'est pas forcément dans la réalité, et la réalité n'est peut-être pas la seule vérité. La question de savoir quelles parties de son récit étaient véridiques et lesquelles ne l'étaient pas n'était sans doute pas essentiel pour Cannelle. Le point crucial n'était pas ce que son grand-père avait fait, mais ce qu'il aurait pu faire. Et cela, s'il racontait efficacement, il l'apprenait lui-même au fur et à mesure que son histoire se déroulait.
(Trad. de Corinne Atlan avec Karine Chesneau.)
dimanche 8 février 2009
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3 commentaires:
Un oiseau à ressort, donc... Ben ça alors !
Ça te laisse baba, Olivier! C'est vrai qu'il y a de quoi rêver.
Ce livre est fascinant, avec son air d'opéra comme durée idéale de cuisson de pâtes, les pastilles citron, les chassés croisés, et le puits vers lequel tout converge. Ce qui m'a surprise (et séduite) à la lecture de ce livre, c'est la cohérence profonde en l'absence de toute logique.
C'est curieux, ce changement de rapport par rapport à la lecture : lire cela, c'est tout à la fois recevoir l'évidence de ce que je lis également différemment, et le caractère paradoxal qu'elle devient secondaire lors même qu'elle est renforcée par l'écriture...
[Mais je m'incruste en toute impolitesse - veuillez excuser cette intrusion. J'aime découvrir de nouveaux blogs et m'enthousiasmer de concert à travers une pollution de commentaires.]
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