Nous avions perdu les pintades. La nuit était tombée et elles n'étaient pas rentrées. Pour nous qui devions nous coucher de bonne heure, c'était toute une expédition que d'aller les chercher dans le noir. Peut-être n'était-il pas aussi tard mais j'étais enfant et le bois qui longeait le pré était très sombre.
Je ne me souviens que de mon père et de moi Mon frère n'apparaît pas dans mon souvenir. Quant à mes sœurs, elles étaient trop petites, et puis ce n'était pas le rôle des filles d'aller chercher des pintades.
J'avais peur mais pour rien au monde, je n'aurais voulu que mon père s'en aperçoive. Il fallut entrer dans le bois, une sorte de vallon encaissé au fond duquel coulait un ruisseau maigrelet. Le jour, nous y jouions souvent et, au fil des ans, avions construit de nombreuses cabanes sur le seul espace à peu près plat. Mais la nuit, c'était autre chose. Je ne reconnaissais rien, j'avais peur, en arrivant au bord de l'eau, de m'enfoncer dans la boue. J'avais peur, surtout, des bruits, des ombres, des troncs penchés comme des monstres menaçants. Je regrettais mon lit, et mes livres.
Mon père avait disparu dans les ténèbres. Était-ce lui que j'entendais marcher un peu plus haut, en faisant parfois craquer les brindilles sous ses pas ? J'aurais voulu l'appeler mais il aurait senti ma peur et ça, je ne le voulais pas. Ou bien était-ce des bêtes qui s'approchaient pour m'attaquer ?
Combien de temps dura la recherche ? Je ne sais pas mais l'expérience fut assez traumatisante pour que je m'en souvienne encore. Nous finîmes par les retrouver, endormies sur un tronc d'arbre plus penché que les autres. Mon père m'expliqua alors qu'il fallait les ramener au poulailler, à cause des renards. Ce qui, en y réfléchissant bien, fut sans doute loin de me rassurer.
lundi 27 juillet 2015
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7 commentaires:
Grosse peur sûrement, mais quelle belle aventure (du moins telle que tu la racontes...on frissonne en entrant dans le bois, on sent les branches qui te frôlent...glaglagla...)
Tu avais dans quels âges ?
Traumatisme vraiment, ou juste souvenir marquant ?
Plume : juste souvenir marquant, heureusement. L'âge, je ne sais pas : entre huit et dix ans sans doute, puisque je suis arrivé chez mes parents un peu avant huit ans.
Tu as déjà raconté ces sortes de "terreurs" nocturnes. Pour ma part, j'aurais sans doute été impressionné, voire pas rassuré non plus, mais je n'aurais pas été à ce stade à ce même âge. C'est sûrement dû à la façon dont les parents apprennent ou non à "apprivoiser" la nuit. Mes parents ne m'y ont pas aidé, mais n'ont jamais rien fait non plus pour m'affoler. Et ce n'est pas mes frères et sœurs qui allaient jouer avec ça...
Cornus : celle-ci, je ne pense pas l'avoir déjà raconté. Mais je peux me tromper. C'est une question que je me pose d'ailleurs de plus en plus souvent : ce blog aura bientôt 8 ans et je ne me souviens pas de tout.
Oui, j'étais un enfant assez craintif, mais ça m'a passé depuis un bout de temps. Maintenant, au contraire, j'aime la nuit. Il n'y a qu'à voir l'heure ou je me couche...
Non, celle-ci tu ne l'as pas racontée, mais la première dont je me souviens est relative à une branche près d'un arrêt de bus.
Cornus : toi qui as une mémoire phénoménale, peux-tu me dire si j'ai raconté la plus terrible : celle où ma grand-mère s'était cachée, faisant semblant d'être partie pour toujours parce que j'étais resté trop longtemps chez les voisins devant la télé ?
Au début, j'ai cru que tu parlais des Dupondt et qu'il s'agissait là de leur nouveau surnom ! :-)
Oui, tu as raconté celle de ta grand-mère qui s'était cachée pour te punir d'être resté trop longtemps chez les voisins.
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