Le voyage à Saint-Étienne de mercredi m'a remis en mémoire, en voyant les lieux, un certain nombre de souvenirs de mon enfance, en particulier ceux liés aux frayeurs qu'on nous imposait pour nous faire tenir tranquilles.
Ainsi, un des tout premiers est lié à une vieille sœur, Marie de Béthanie, qui faisait, outre les occupations liées à sa vocation, office d'infirmière bénévole dans le village. Une tendresse de sœur, grasse comme un moine de camembert, mais que mes parents avaient appelée à la rescousse parce que je faisais encore pipi au lit alors que l'âge en aurait dû être passé. Elle m'avait simplement dit: "Si tu continues, je t'emmènerai dans une grande maison à côté d'une petite". Je ne crois pas que ces maisons existaient vraiment mais l'effet de la menace fut immédiat: mon énurésie cessa du jour au lendemain (ou plutôt: de la nuit au lendemain). Sans doute un des premiers symptômes de mon "abandonnite" aiguë, après la mort de mon père et les changements divers de foyers que je connus à cette époque.
Le deuxième (et c'est étrange: Cornus évoque le lieu dans son commentaire à mon billet précédent) vient directement de mes parents. A l'époque, il existait à La Valla en Gier, dans une vallée au-dessus de Saint-Chamond, une institution scolaire religieuse réputée pour la sévérité de sa discipline. Il s'agissait, je le sais maintenant, de Frères Maristes mais nous les appelions simplement les Frères Bleus, à cause de la couleur de leur redingote. Et la peur qu'ils nous inspiraient sans même en avoir jamais vu un de notre vie, était bien de la même couleur que leur habit! Ainsi, la phrase fatidique:"Si tu n'es pas sage, nous te mettrons en pension chez les Frères Bleus!" avait le don de nous calmer immédiatement. Je suppose que l'image que j'en avais à l'époque devait fort ressembler à une gravure de Gustave Doré représentant l'ogre des contes pour enfants.
Comment voulez-vous, après ça, ne pas être traumatisé ? Et encore, je trouve que je m'en tire bien...
jeudi 21 mars 2013
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8 commentaires:
Moi aussi j'ai eu droit, enfant à la menace de me voir expédié sans jugement ni appel "chez les frères" Ce n'étaient pas les frères bleus,ils avaient juste un rabat blanc sur leur soutane noire, mais ceux des "écoles chrétiennes" et se trouvaient à Couhé-Vérac, sur la RN 10 au sud de Poitiers. La seule évocation du bourg de Couhé-Vérac terrorisait le moindre garçonnet momentanément indocile ou un brin paresseux...
Tu t'en tires bien et tu le racontes bien aussi, j'ai presque peur des "Frères Bleus" maintenant.... par contre pourquoi la grande maison à coté d'une petite ont-elles inspirées une si grande peur infantile ?
Encore des petites histoires du coin, encore ! Maintenant que j'habite Saint Etienne, j'aime bien connaître les légendes locales :-)
@ P.P.: j'ai fait mon secondaire chez ces Frères là et ils n'étaient pas bien méchants!
C'est sans doute certain, mais dans le coin, dans les années cinquante, ils servaient d'épouvantail à gamins !
Faire pipi au lit, ça a duré aussi un certain temps chez moi. Personnellement, ce qui a été particulièrement efficace, c'est une machine (pipi-stop) louée en pharmacie.
Les frères maristes (je ne savais pas qu'on les appelait les frères bleus), on n'en parlait pas trop chez nous, mais il faut dire qu'ils devaient être déjà bien moins nombreux et cela n'aurait pas été le genre de mes parents, singulièrement de mon père. Et on ne m'a jamais véritablement menacé de me mettre en pension.
Quant à La Valla, la coïncidence n'est sans doute pas si étrange que ça : nos lieux de naissance et nos familles (du côté de ma mère) restent assez proches géographiquement.
Je ne me souviens pas de telles terreurs enfantines, ni de menaces du genre que tu évoques.
Beaucoup plus tard, une vraie menace terrifique quand mon père me menaça de me faire entrer dans sa banque si je n'avais pas mon bac...Pire que tout !
C'est rigolo je viens de lire une nouvelle de Patricia Hightsmith "la maison noire" en français, qui raconte la persistance des terreurs enfantines sur des adultes (des vieux enfants comme elle les appelle), à propos d'une vieille maison isolée. Très troublant.
In Le jardin des disparus, en Livre de Poche
PP: je vois que tu sais ce dont je parle. Quel besoin y avait-il de nous terroriser ainsi?
Jean-Pierre: je n'en sais rien mais ça a bien marché. peut-être parce que la menace venait d'une femme aussi douce...
Kynseker: tu habites Saint-Étienne! Ça, c'est une nouvelle! J'espère que la ville où je suis né saura te plaire!
Jérôme: c'est sans doute le fait de ne pas les connaître et le nom qu'on leur donnait qui m'effrayaient encore davantage.
PP2: tout à fait d'accord avec toi.
Cornus: c'est sans doute parce que tu n'es pas de la même génération.
La Plume: je retiens l'idée de lecture, d'autant plus que j'aime beaucoup Hightsmith. As-tu lu "Le journal d’Édith" ? Son plus grand bouquin, selon moi (et qui n'est pas vraiment un polar).
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