lundi 10 décembre 2012

Requête

Je suis le troisième "p", celui dont personne n'a besoin. Parfois un dysorthographique m'emploie, par erreur, mais il se fait vite remettre sur le droit chemin, le vilain petit crétin, et je disparais sous un trait rouge et rageur. Encore content si la maîtresse, exaspérée, n'en perfore pas la copie. Et les pleurs du gamin n'y changent rien: on ne veut pas de moi et lui, pour faire plaisir, ne se tournera plus vers moi.

Je hais par dessus tout ces égoïstes qui, croyant se distinguer et faire plus chic, vont jusqu'à n'en employer qu'un: apercevoir, par exemple. ce qu'il m'exaspère, celui-là, et son copain qui se la pète, entr'apercevoir! Qu'est-ce qu'il croient, ces deux-là, et leur petite bande de copains? Les autres, la masse, en emploient deux, comme s'ils avaient peur de perdre l'équilibre en en rajoutant! Il y a bien des guéridons à trois pieds. Ce sont ceux qui tournent le plus facilement. Pourquoi pas des verbes à trois "p"? Ça les rendrait joyeux, un troisième "p". Sûr qu'ils auraient envie de danser.

J'avais fondé de gros espoirs sur apéritif. C'est gai, un apéritif, et puis, son nom l'indique, c'est fait pour donner envie de manger, de se goinfrer ou de savourer, selon les palais. Alors, pourquoi être aussi chiche avec moi? Je leur ressemble, après tout, à ces bons mangeurs, avec mon gros ventre et ma jambe fine!

J'ai cherché dans tous les dictionnaires, de toutes les époques: jamais, au grand jamais on n'a voulu de moi. D'ailleurs je ne suis pas le seul dans mon cas. A part le "e" qui, lui, s'étale en trois exemplaires dans le mot "créée", je ne trouve aucun autre exemple. Le "e", on en a marre, nous, les consonnes. Un homme, un seul, nous a vengées en le faisant disparaître de tous les mots de son roman. Et on comprend très bien sans lui! Alors!

J'ai essayé de me mettre à l'envers. On m'a appelé "b". deux copains à moi, qui avaient eu la même idée, se sont tranquillement installés dans l'abbaye mais moi, j'ai encore trouvé porte close. La tête en arrière, je suis devenu "d" mais je n'ai même pas essayé de m'imposer. Et puis, je ne supporte plus que l'on change mon nom quand je fais de la gymnastique.

En lot de consolation, on m'emploie dans des sigles, mais j'en ai honte. Je veux être dans un vrai mot,  moi, pas dans un truc que personne ne comprend. On pourrait faire un effort. Qu'est-ce que ça changerait, hein, d'écrire apppéritif, apppercevoir, pppipppi? C'est aussi clair, non, et, au moins, j'aurais droit au chapitre. Pensez-y! A ppplus....

7 commentaires:

ppplllummme a dit…

D'acccorrrd avvveccc tttoi, Cccalllysssttte, ffforrrmmmonnns un cccommmittté ddde sssoutttien ddde tttoutttes llles ccconsssonnnes qqqui vvveulllennnttt êtttrrre tttrrripppllles !

Calyste a dit…

Llla PPPlllummme: "unnn", ssstttppp!

Cornus a dit…

Tiens, c'est drôle, j'ai souvent un petit doute passager s'il faut mettre 2 p aux mots que tu as cités. Avant même que je lise, j'ai pensé à "créée". Il y a aussi "gréée" et "agréée".

Kab-Aod a dit…

Un billet qui confirme le peu de gravité - ou bien sa poésie - d'une faute d'orthographe, qu'elle soit le signe d'une inadvertance, d'un lapsus ou d'une idiotie :)
Je sais fermement qu'"apprendre" prend deux "p", or bien souvent "apprécier" me piège ! Certaines fautes récurrentes de l'enfance collent à la peau pour toujours.

Calyste a dit…

Cornus: bien qu'enseignant de français, j'ai encore moi aussi parfois quelques petits doutes. Je ne les cache d'ailleurs jamais à mes élèves.

Kab-Aod: oui, c'est sûr! Ainsi, pour ma part, et bêtement, je dois toujours réfléchir avant d'écrire le mot "aventure". Pendant des années, je l'orthographiais automatiquement "avanture", et je trouvais cela beaucoup plus joli!

Yo a dit…

C'est joli "avanture", mais si ça donne un peu l'impression que l'histoire est achevée avant même d'avoir commencé !

Calyste a dit…

Christophe: c'est pas une définition de la vie, ça ?