Années soixante-dix, peut-être quatre-vingts. Je lisais Sinouhé l'Egyptien de Mika Waltari. Un gros ouvrage que m'avait offert un ami perdu de vue depuis, un de ces volumineux romans qui pesait lourd le soir dans le lit mais que je ne lâchais pas. Parfois, la nuit, le bruit qu'il faisait en tombant sur le sol me réveillait en sursauts. J'avais lu jusqu'à ce que mes yeux se ferment, au bas d'une page, entre deux mots.
Quelques années plus tard, voyage aux Pays-Bas, seul. Pierre me rejoindrait plus tard. Un mois entier à sillonner les musées, à me nourrir de nourriture artistique à défaut de nourriture terrestre convenable. J'avais établi mon QG à Utrecht et, là-bas, rien n'est bien loin par le train: Amsterdam bien sûr et Rotterdam et La Haye où je fis connaissance avec le petit mur jaune. Pourtant, ce qu'il m'en reste est ailleurs. A Leyde, au Rijksmuseum van Oudheden, section égyptologie.
Ce musée possède une impressionnante et passionnante collection d'objets égyptiens qui pourrait presque rivaliser avec celle du Louvre. Une tombe devant moi. En me penchant pour lire le panneau qui l'identifiait, je crus rêver: il s'agissait de celle du général Horemheb, qui débuta sa carrière militaire sous le règne d'Akhenaton et la poursuivit sous celui de Toutankhamon. À la mort de Ay, il monta même sur le trône d'Égypte. Un peu auparavant, il s'était fait construire une tombe privée à Saqqara. Ce qui est exposé à Leyde en provient.
Une tombe d'un général égyptien dans un musée d'égyptologie, cela n'a rien de très insolite. Ce qui l'était davantage pour moi, c'est que, depuis ma lecture de Sinouhé, j'avais toujours cru que cet Horemheb était un être de fiction. Me retrouver à toucher des yeux la sépulture d'un personnage de roman me troubla beaucoup. Je dus passer un sacré temps devant ce trésor avant de me rendre à l'évidence: ce n'était pas moi qui étais tombé dans la fiction mais la fiction qui m'avait rejoint, à un moment où je m'y attendais le moins. Ce genre d'expérience fait perdre ses repères. Sans doute est-ce à cause de cet instant de flottement que je m'en souviens si bien.
Mais, en écrivant ce billet, je crois me souvenir que j'ai déjà parlé de tout cela. Que l'on veuille bien m'en excuser.
mardi 13 décembre 2011
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7 commentaires:
"un ami perdu de vie depuis"...
Même remarque que Laplume...
Sinon, c'est curieux cette situation. Ce qui prouve que les écrivains n'inventent strictement rien, ils se contentent de broder ! (je ne dis rien de l'art de la broderie)
La plume: beau lapsus! J'espère pour lui qu'il n'en est rien!
Calyste: si les personnages de ce roman sont pour la plupart réels, l'intrigue, elle, est totalement fictive. Et puis, il existe de très jolies broderies!
Pas mal quand même Calyste : tu "lapsusise" et tu aggraves ton cas en m'appelant Calyste ;-)
Bien sûr qu'il y a de jolies broderies, dont un chef d'oeuvre fromfromien qu'il faudra bien que je finisse par photographier et montrer.
Cornus: et il y en a qui ne me croient pas quand je dis que je suis fatigué!
Il y en a qui comprennent...
Cornus: et qui compatissent, j'espère. :-)
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