Carlos Liscano est un auteur uruguayen qui a connu la dictature militaire dans son pays et passé 13 ans de sa vie en prison où il a commencé à écrire. Son roman Souvenirs de la guerre récente est un clin d'œil littéraire au Désert des Tartares, de Dino Buzzati: un homme jeune est emmené une nuit dans un camp militaire isolé afin de se préparer à une guerre imminente dont personne ne sait rien. Il y passera de très nombreuses années, à ne rien faire ou presque, sans voir un seul ennemi, sans tirer un seul coup de fusil contre un soldat adverse, avant d'être libéré avec ses camarades sans qu'aucune explication ne leur ait été donnée. Au bout d'à peine 10 jours de vie civile, de lui-même il demandera à se faire réintégrer dans l'armée.
Même si l'on voit bien la double intention de l'auteur, à la fois mettre en garde contre l'aliénation de l'être humain par l'enfermement dans un système dictatorial, et, paradoxalement, décrire la découverte profonde de soi-même au sein de cette vie carcérale, je trouve personnellement ce texte un peu dégarni et frisant souvent l'ennui. Il faut aussi que j'avoue que Le Désert des Tartares ne m'avait pas non plus franchement convaincu. J'aime les livres lents et pleins de solitude pourtant. Sans doute est-ce le contexte militaire de cette solitude qui m'a gêné chez Buzzati et me gêne encore ici, même si cette explication me semble, elle aussi, un peu mince.
L'avant-propos, de l'auteur lui-même, Échapper au silence, est cependant un texte magnifique qui, à lui seul, vaut de s'intéresser à ce livre.
On écrit pour être. On se regarde être à travers l'écriture et on se reconnaît dans celui qui écrit. Écrire, c'est faire semblant d'être un autre. On s'observe et on se rend compte qu'on fait semblant. On commence alors à se reconnaître non pas en celui qu'on est, mais en celui qu'on fait semblant d'être. Mais celui qui est sur le papier n'existe pas. Ou bien celui qui n'existe pas serait-il l'Autre, le vrai? Quand on arrive à cette question, toutes les possibilités sont ouvertes. Plus jamais on ne saura avec certitude qui est qui.
(Ed. Belfond. Trad. de Jean-Marie Saint-Lu.)
lundi 6 septembre 2010
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2 commentaires:
Aaah oui, l'avant-propos vaut son pesant d'or en effet...
C'est quand même rageant en lisant un texte aussi pertinent sur le fond qu'élégant sur la forme, de se dire qu'on y adhère à 200%, sans jamais avoir été infichu de l'écrire soi-même... Non, mais ????
J'ai pensé à toi en transcrivant ce passage. J'étais sûr que tu allais réagir. Moi aussi, je m'y retrouve.
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