Je peux vous assurer que la culture, ça donne aussi de beaux mollets. Combien de kilomètres ai-je parcourus en cette première journée du patrimoine? L'ennui, dans tout ça, c'est que le soir on a des tas de choses à raconter et une fatigue bien pesante qui s'installe durablement.
Avant de partir ce matin, je m'étais fait une liste de sites à voir: les prioritaires, ceux auxquels je ne renoncerai pas, et les deuxièmes choix, s'il reste du temps ou en solutions de repli. Je n'ai presque pas dévié de mon projet, à l'exception, en fin de matinée, du Fort Lamothe et de la Grande Mosquée, abandonnés par manque de temps. La file d'attente devant la prison Montluc était en effet plus longue que prévu.
Car pour la première fois, ce haut lieu de l'histoire de la dernière guerre mondiale s'ouvrait au public. Les locaux où passèrent successivement Jean Moulin, René Laynaud, Marc Bloch, les écoliers d'Izieux, les fusillés de l'Homme de pierre, dont l'un, Albert Chambonnet, habita l'appartement où je loge actuellement, et, plus récemment, un de leurs bourreaux, Klaus Barbie, ces locaux, utilisés ensuite comme prison de femmes, et ce jusqu'en 2009, sont aujourd'hui vides et en cours d'aménagement. Dans les années qui viennent, la région a l'intention d'en faire le Mont Valérien de Lyon. On a maintenant la certitude que ces bâtiments historiques, dont l'architecture n'a absolument rien de remarquable, ne seront pas détruits.
La foule était impressionnante à faire la queue devant la petite porte d'entrée où ne passaient que peu de gens à la fois. Plusieurs fois, j'ai longé ces murs, à à peine plus de cinq minutes à pied de chez moi. J'y suis entré aujourd'hui. Quelques rénovations ont déjà été faites à l'intérieur dans le respect de ce qui était au moment de la guerre, en particulier la peinture grisâtre des cellules, couleur authentifiée par quelques survivants. Le rez-de-chaussée du bâtiment principal comporte un réfectoire où était aujourd'hui aménagée une exposition retraçant l'histoire du site. Jouxtant ce réfectoire, une première série de cellules dans chacune desquelles on découvre la photo et le sort de l'un des 8000 détenus passés par Montluc entre 1942 et 1944. Certaines, la plupart, sont attribuées au hasard, d'autres sont celles où le prisonnier cité a effectivement été interné, comme celle où sont mentionnés Élise Rivet et François Boursier.
De là, on monte au deuxième étage (le premier n'a pas encore été restauré): même agencement de 32 cellules, dont celle de Jean moulin, authentifiée elle aussi. Dans ce qui fut la crèche de la prison pour femmes, dans une cour dont les murs sont ornés de dessins d'enfants, d'anciens prisonniers, trois exactement, témoignaient de leur histoire, des raisons de leur arrestation, de la façon dont les nazis procédèrent. Tout près, au fond d'un long chemin entre les hauts murs gris, le mur des fusillés. Dans une autre cours, la "cabane aux juifs".
Le ciel gris et le vent froid qui nous tinrent compagnie durant toute l'heure d'attente étaient bien en harmonie avec la tristesse des lieux. J'ai repensé au Struthof, en Alsace, que je visitais autrefois avec mes élèves et où nous demandions aussi à un ancien du camp de venir témoigner. Lorsque je suis ressorti, le soleil pointait. Petite escale chez moi pour grignoter et le lièvre était déjà reparti par les rues de Lyon. Au programme de l'après-midi: le Musée Saint-Pierre et son jardin intérieur, les Musées Gadagne et leur nouvelle terrasse, la mairie annexe du 5° arrondissement et son exposition sur la citerne Berelle (citerne romaine interdite au public et pour la visite de laquelle je me damnerai), l'église Saint-François de Sales, premier prix pour l'accueil peu sympathique, et les nouvelles archives municipales où je suis arrivé, hélas, après le départ de la dernière visite guidée de la journée.
Outre l'intérêt que j'ai pu personnellement trouvé à ces visites, intérêt diversement partagé puisque nous étions des milliers sans doute à Saint-Pierre et que la citerne Berelle n'a, dans l'après-midi, attiré qu'un centaine de personnes, au dire des étudiantes en charge de l'exposition, outre cet intérêt, j'ai été particulièrement sensible à deux aspects de cette journée: d'abord le professionnalisme de ceux qui reçoivent les visiteurs. Ces journées ont été inaugurées il y a déjà plus de 20 ans et l'on sent, dans la plupart des monuments, que les responsables sont à la fois heureux de faire connaître leurs trésors et capables d'offrir au public le plus grand bien-être et le plus grand sérieux possible.
Ensuite que tous ces gens, gardiennes des salles des musées, étudiants sur le pont pour l'occasion, professeurs bénévoles pour guider les visites, simples employés municipaux, m'ont toujours présenté un visage souriant et bienveillant, acceptant même à l'occasion, et elles furent multiples, de plaisanter et même de me confier leurs préférences esthétiques (Ah! comme elle avait l'air ravi, cette surveillante, de découvrir que moi non plus, je n'aimais pas la dernière acquisition fort dispendieuse du Musée des Beaux-Arts: la Fuite en Égypte, de Nicolas Poussin. Le cartouche en-dessous, d'ailleurs, est beaucoup plus prolixe sur les noms des différents mécènes que sur l'artiste lui-même ou son œuvre. Mais peut-on encore, dans ce cas, parler de mécènes?).
Journée bien remplie, donc. Demain, repos. Enfin presque.
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6 commentaires:
Je n'ai pas le courage d'aller aux journées du patrimoine car il n'y a pas grand chose à proximité immédiate (ou du déjà vu). Et puis faire la queue, très peu pour moi.
La prison de Montluc, je l'ai longée plus quelquefois à pied (c'est même la première prison que j'ai vue). Surtout, terrible vision de femmes avec ou sans enfants en bas âge faisant la queue devant la porte pour les visites. Les prisons me dépriment (ce n'est pas qu'une question de noirceur des bâtiments puisque j'ai eu les mêmes sentiments lorsque je travaillais près de la prison de Val-de-Reuil près de Rouen.
Montluc est plus qu'une prison, Cornus. C'est pour cela que je suis allée visiter ce lieu. Sinon, je suis bien d'accord avec toi: j'ai eu l'occasion d'entrer (oh! seulement un pied) dans un de ces établissements, entièrement neuf à l'époque, de la Loire. Le fait qu'il soit très récent ne le rendait pas à mes yeux plus attractif.
Nous avons profité aujourd'hui de ces JP pour aller visiter un "site" étrusque et le musée gallo-romain de Lattes. Ambiance sympathique, accueil souriant, c'est vrai. Intérêt du site et de la visite guidée beaucoup plus moyen. Le musée, heureusement, compensait. Il est vrai que ces journées sont une bonne chose.
Vu ce midi sur France 2 un reportage sur Montluc. Je ne crois pas t'y avoir vu.
"Je peux vous assurer que la culture, ça donne aussi de beaux mollets."
c'est bien joli mais on aimerait bien avoir des preuves pour pouvoir juger sur pièces
Un site étrusque? Là, il faudra que tu m'en dises plus, Lancelot. Voilà bien un peuple qui m'intéresse.
Pas vu de caméra non plus, Cornus. C'est donc normal!
Saint-Thomas, homme de peu de foi!
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