Se prendre en plein visage la violence du monde. ne pouvoir l'éviter, être incapable de la minimiser. Ne pas en avoir le temps avant qu'elle ne vous bouleverse. Pourquoi aujourd'hui plutôt qu'hier. pourquoi ces images, ces mots plutôt que d'autres, parfois plus cruels?
A midi, j'ai vu, à New Delhi, de jeunes policiers qui partaient à la chasse à l'homme dans les rues de la ville. L'homme, c'était un vieillard, maigre et buriné, un long bâton dans une main, une boîte de conserves métallique dans l'autre. Son tort: il mendiait. Un des policiers l'a projeté au sol et a expliqué ce qu'il faisait à la caméra, un sourire carnassier de vainqueur aux lèvres: on lui avait donné l'ordre de débarrasser la ville de tous ces trop nombreux mendiants, il obéissait aux ordres. Pas seulement: apparemment, il y prenait un grand plaisir.
Dans un sursaut de désespoir, le vieillard a tenté de fuir en se mettant à courir sur ses maigres jambes au milieu de la circulation. On l'a à nouveau plaqué au sol puis mené dans un bus qui tenait lieu de tribunal itinérant. Il avait pris l'attitude de l'orant, les deux mains jointes tendues vers son chasseur, aussi dérisoire qu'un lapin qui demanderait grâce à un fusil. Dans le bus, un juge enturbanné, l'air guilleret et les mains manucurées, dans un costume civil sombre. Pas d'avocat: l'homme de "justice" explique que la vidéo prise avant et pendant l'arrestation du vieillard tient lieu de preuve incontestable.
L'homme applique son pouce trempé dans l'encre sur un papier "officiel" et est immédiatement condamné à un an d'internement dans un camp spécialement réservé à tous ces hommes ramassés au coin des rues. Plusieurs centaines, désœuvrés, qui attendent que leur peine soit écoulée avant de sortir. S'ils récidivent, ils écoperont de trois ans. Et que peuvent-ils faire d'autre?
Vrais pauvres ou faux mendiants, comme il en est aussi chez nous, comment faire la différence? Est- ce cela, l'essentiel? Je n'ai pas l'angélisme chevillé au corps. Il en est sans doute parmi eux qui, comme on le disait autrefois, ne valent pas la corde pour les pendre. Mais peu m'importe. Ce qui m'a choqué, blessé même, c'est cette chasse à l'homme comme à un animal que l'on est sûr de prendre, ce déni de toute dignité, de tout respect, ce sourire triomphant du jeune devant le corps décharné du vieux. Tout ceci a l'air d'un jeu totalement déshumanisé, où les plus forts s'amusent beaucoup. Et malheur aux vaincus. Plus la peine de se déplacer pour aller dans un ciné club revoir Les Chasses du Comte Zaroff: vous l'avez en direct aux informations à la télévision, juste après le repas, sur la digestion.
samedi 25 septembre 2010
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6 commentaires:
Que peuvent-ils faire d'autres ?, dis-tu.
Et nous, que faisons-nous ?
Réponse identique pour deux questions fort différentes.
Je voudrais, j'en rêve et j'en serais, que les peuples se soulèvent contre tous les oppresseurs, de quelque nature que soit l'oppression. Mais nous passons l'hiver au chaud, l'été au soleil et notre assiette est pleine.
Exactement comme tu le dis, Olivier!
Pas vu, mais cela fait froid dans le dos. Je connais peu l'Inde, mais j'aurais espéré mieux.
Le plaisir, bien sûr qu'ils doivent en prendre. Sinon, comment expliquer ce que faisaient les SS et leurs complices pendant la guerre ? Assurément, il n'y avait pas que de l'obéissance aux ordres.
Mais on croise ce genre de sadiques dans la vie courante, Cornus. Je crois même que certains de mes collègues sont sur la bonne voie!
Affreux.
Quelle idée ai-je eue de venir lire ça ce soir.
Ca, et le reste.
Ben dis donc! J'espère que ça va mieux aujourd'hui!
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