Confier à l'autre son sommeil est peut-être la seule impudeur. Laisser se regarder en train de dormir, d'avoir faim, de rêver, de se tendre, de s'évaser, est une étrange offrande. (Pascal Quignard, Villa Amalia.)
En lisant ces lignes, hier soir avant de m'endormir ou ce matin en me réveillant trop tôt, j'ai été frappé par la justesse de l'observation. Le fait de voir quelqu'un dormir m'a toujours fasciné. Encore sans doute un des aspects de mon voyeurisme invétéré!
Lorsque quelqu'un dort et qu'il a donc les paupières baissées, il n'y a plus l'expression du regard, la flamme et la chaleur des yeux pour donner au visage son ou ses expressions habituelles. On découvre alors un autre être, plus doux ou plus sauvage, plus vulnérable ou plus tendu, quelqu'un que l'on n'a jamais vu et que l'on reconnaît à peine.
L'offrande qui est accordée est celle de la fragilité, de la vulnérabilité. Accepter de dormir aux côtés de quelqu'un, c'est lui faire une grande confiance, risquer de se livrer à lui tel que soi-même on ne se connaît pas. C'est accepter de montrer l'enveloppe extérieure de ses rêves, enveloppe qui, si elle ne les livre pas, en laisse transparaître l'intime contenu.
J'aime regarder quelqu'un dormir. Je suis capable de ne plus bouger, de retenir mon souffle, de supporter longtemps une crampe ou une mauvaise position, pour ne pas réveiller l'autre, pour ne pas interrompre cet instant, pour lui de ses rêves, pour moi des miens éveillés.
La dernière fois que cela m'est arrivé, c'est avec J., en Allemagne. Nous avons dormi dans le même lit. La couette nous tenait chaud, trop, et dans son sommeil, il s'en était dégagé les pieds qui apparaissaient, sages et bien alignés, au bas du lit. Je ne voyais pas son visage, tourné à l'opposé, mais j'ai aimé ses pieds et moi qui, habituellement, n'apprécie pas trop cette partie du corps, je les ai trouvés beaux.
J'aimerais connaître ce que devient mon propre visage, ce qui transparaît de mes pensées lorsque je suis endormi. J'aurais peut-être des surprises à le découvrir. Une seule solution pour savoir: en parler à mon radio-réveil. Promis, je lui demande dès ce soir et je vous tiens au courant!
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6 commentaires:
Ben faut faire des photos, enfin, en faire faire, pis tu te verras dormir.
Alors, je lance un appel: qui veut tenir l'appareil? :-)
Bravo! belle ambiance des photos qui donne envie de s'y rendre l'année prochaine...
Totem, c'est dans deux ans puisque biennale. D'autre part, je pense que vous avez voulu commenter le billet précédent!!!
LOL mais non, Totem ne se trompe pas : simplement il te propose de venir te prendre en photo à ton réveil l'an prochain.
Ta note m'a rappelé une autre que j'avais rédigée en mai, ou en avril de l'an passé, je ne sais plus. C'est ici :
http://boatonthesea.hautetfort.com/archive/2008/05/08/matinale.html#comments
(et, komdab, je me fais de la pub à moi-même. Dieu me pardonne, je deviens narcissique...)
Je viens de lire ton billet du mois de mai, Lancelot. Quelle tendresse! Oui, il y en a qui ont de la chance!
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