mardi 30 septembre 2008

Petits contes de printemps.

Malgré tout le travail qui m'assaille, je viens tout de même de réussir à terminer une lecture.
Oh! un livre pas bien gros et composé de petits textes indépendants les uns des autres, lisibles par l'esprit brumeux à demi-ensommeillé qui fut le mien ces derniers soirs. Il s'agit de Petits Contes de printemps, de Sôseki.

J'avais déjà lu cet auteur japonais il y a quelque temps: Choses dont je me souviens, un ouvrage écrit pendant ces derniers jours, pendant sa maladie, il me semble. Ces pages étaient empreintes de beaucoup de sérénité, d'un détachement certain, d'une observation clinique mais exempte de tristesse de ce qui lui arrivait. Une sorte de paix intérieure semblait en émaner.

Eh bien, ces Contes respirent la même tranquille atmosphère. Ce sont en fait des extraits de son journal intime entre le 1er janvier et le 12 mars 1909, extraits portant sur des riens, des broutilles de la vie quotidienne, des sensations fugaces qui pourraient n'avoir aucun intérêt pour tout autre que lui si ne s'opérait dans chacun de ces écrits la magie propre à Sôseki: celle de transmuer la réalité la plus plate en une sorte de calme poème sur la vie qui passe et que l'on laisse filer sans nostalgie.

J'aime décidément beaucoup cette sensibilité, si différente des mondes toujours un peu malsains où vivent la plupart des auteurs japonais contemporains. Ici, rien ne grince, tout est fluide. C'est ce qu'il me faut en ce moment . Sans compter que j'y retrouve quelques-unes de mes obsessions.

Quand j'ai franchi le seuil, je me suis retrouvé dans la grande avenue qui passe tout droit devant la maison. J'ai tenté de l'embrasser tout entière du regard en me plantant au milieu de la chaussée; les maisons qui entraient dans mon champ visuel étaient toutes à trois étages, toutes les façades étaient de la même couleur. la maison voisine de la mienne, comme celle qui lui fait face, sont construites rigoureusement dans le même style, et si je fais mine de revenir sur mes pas au bout de quelques mètres, je ne sais déjà plus de quelle maison je suis sorti. C'est une ville bien étrange.(...)
Pour la première fois, j'eus l'impression que j'étais englouti dans une mer humaine. J'ignorais l'étendue de cet océan. Cependant le flot était calme, quoique immense. Simplement, il ne fallait pas songer à s'en extraire. Je jetai un regard vers la droite, c'était sans issue. Je me tournai vers la gauche, sans issue également. Je regardai derrière moi: l'espace était hermétiquement clos. Pourtant le mouvement se déplaçait en avant, dans un grand calme.(...) Dans cette ville insolite où les maisons ont toutes trois étages, avec des façades identiques, tout est loin de tout. Où tourner? Quelle rue prendre pour retrouver mon chemin? Je n'en ai pas la moindre idée. D'ailleurs, en admettant même que je rejoigne la rue, je me sens incapable de reconnaître la maison où je vais habiter désomais. Quand je l'ai vue hier, elle sez dressait dans l'obscurité, aussi sombre que l'air du soir.

(Trad. de Elisabeth Suetsugu.)

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