samedi 6 septembre 2008

Jeux interdits.

Le ballon prisonnier était le jeu préféré de mon enfance. Aujourd'hui, il a totalement disparu des cours de récréation, peut-être parce que leur sol en est souvent recouvert de bitume et que tomber serait dangereux. Pourtant, nos élèves se livrent parfois sur ces mêmes cours à des activités autrement périlleuses.

J'aimais ce jeu, passionnément. Il fallait d'abord tracer les trois lignes parallèles qui délimitaient les espaces, deux derrière lesquelles se trouvaient les prisons et celle, centrale, qui départageait les deux équipes.

Il fallait ensuite composer ces équipes: les deux capitaines étaient tirés au sort, ou s'imposaient naturellement, et choisissaient à tour de rôle un membre de leur clan. Bien sûr, on privilégiait les meilleurs copains, mais pas seulement: étaient aussi très courtisés les grands ou ceux qui avaient de longs bras, parce qu'ils tiraient plus loin. Pourtant, parfois, les petits étaient préférés, pour leur habileté à se mouvoir plus facilement entre les tirs ennemis et parce qu'ils leur offraient moins de surface de frappe.

Ensuite le jeu commençait, à grand renfort de conseils, de demandes de balle, de cris plus ou moins aigus selon les âges. Nous étions capables d'aller jusqu'au bout de notre souffle pour remporter la victoire, et quelle joie lorsqu'une équipe dont il ne restait plus qu'un membre libre arrivait peu à peu à remonter la pente et finalement à vaincre.

Je me souviens que je tirais fréquemment sur les mêmes camarades, toujours. Je crois que, déjà là, dans ce jeu anodin, pointaient mes orientations futures: ces assauts répétés n'étaient sans doute que les prémices d'autres moins innocents que je me mis à pratiquer un peu (à peine) plus tard. Je choisissais ma proie et lui faisais inconsciemment sentir combien la violence de mon tir cachait mal l'attirance physique que j'éprouvais pour elle.

J'ai la confirmation de ce que je viens d'écrire par un autre jeu qui m'a également beaucoup excité dans mon adolescence: le jeu du foulard. Alors que, l'été, je participais à des camps sous tentes organisés à l'image de ce qui se faisait chez les scouts, nous avions souvent, pour le classement final, à nous battre entre équipes.

Nous engagions notre foulard bicolore dans l'espace entre le pantalon et les reins et il fallait prendre à l'ennemi le maximum de ces foulards, uniquement en allongeant les bras et en feintant pour surprendre l'adversaire.Parfois même, pour corser la chose, nous n'avions droit qu'à une seule main pour opérer. Il était bien entendu interdit d'attacher son foulard à sa ceinture et de renverser de force son partenaire.

Il se trouve que j'étais excellent à ce petit jeu, peut-être à cause d'une certaine longueur de bras. Mais un autre garçon, plus vieux que moi et vaguement apparenté à ma famille, était tout aussi bien armé. Ce qui fait que les combats se terminaient en général par un face à face entre nous deux, les autres ayant perdu depuis longtemps leur appendice caudal provisoire. Si, au début, nous respections les règles, bientôt la hargne montait, la fièvre aussi, et nous nous jetions l'un sur l'autre, pendant que les spectateurs faisaient cercle autour de nous pour nous regarder et empêcher que l'on nous voit de l'extérieur. J'attendais ce moment avec fébrilité, je sais aujourd'hui pourquoi.

Étant le plus jeune, le moins lourd, je me retrouvais systématiquement plaqué au sol, avec tout le poids de l'autre sur moi, son corps collé contre le mien et j'aimais cette sensation de chaleur qui m'envahissait, même si je ne cédais rien dans la suite de la bataille. Je crois que nous n'avons jamais réussi à nous départager. Si, les premières années, il gagna plus souvent, par la suite, les rôles s'inversèrent car j'avais acquis en ruse et tactique ce qu'il avait lui, de supériorité physique.

Une fois le combat terminé, quelqu'en ait été l'issue, il m'aidait à me relever et nous n'avions plus aucun contact, ni physique ni verbal, jusqu'au prochain face à face. Je respectais énormément ce garçon qui m'impressionnait et je crois, je suis sûr, que ce respect était réciproque Je ne l'ai jamais revu . Je sais qu'il est devenu masseur et qu'il habite encore dans la Loire. Je sais aussi qu'il s'est marié et qu'il a eu des enfants. Mais qu'est-ce que ça veut dire?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Rien ! Mais nous avons tous, visiblement, ce genre de souvenirs en nous.

Calyste a dit…

Il y avait aussi le jeu du béret, posé à terre entre les deux adversaires. Je l'avais oublié, celui-là.