Je rentre juste d'une soirée très sympathique à Vaulx-en-Velin.
Oui, je sais, cela peut paraître surprenant, Vaulx étant connu pour ses nuits agitées où les voitures prennent parfois l'idée de brûler et pour ses bandes de loulous pas très accueillants. Eh bien, il se passe aussi des choses plus intéressantes dans cette petite ville de la banlieue lyonnaise. Ainsi, ce soir, au Centre Culturel Communal Charlie Chaplin se donnait une oeuvre très peu connue et très peu jouée: Les Canuts, un oratorio de Joseph Kosma, avec poème de Jacques Gaucheron.
Nous avons eu droit au cours de cette soirée à de très larges extraits de cet oratorio, entrecoupés des interventions explicatives de deux hommes très intéressants: Robert Luc, journaliste, écrivain et conteur de rue, et Gérard Pellier, l'archiviste des oeuvres de Kosma. Si le second se perdait un peu parfois dans les méandres de sa mémoire, les précisions historiques et l'éclairage socio-politique apportés par R. Luc étaient très clairs et instructifs.
Bravo aux récitants, aux solistes, à toutes les chorales présentes, dont celle de J. (Pourquoi croyez-vous que j'étais là-bas ce soir ?), qui ont interprété de façon admirable une œuvre sans doute très difficile à mémoriser et à chanter.
Mais je trouve que cette musique moderne (fin des années cinquante) colle bien au propos qui retrace ces journées de révolte des ouvriers de la soierie lyonnaise, en 1831, face à l'indifférence des négociants devant leur misère grandissante et à leur refus d'appliquer le tarif minimal qui venait pourtant d'être négocié. Les dissonances de la partition s'harmonisent parfaitement avec un poème prenant parfois aux tripes et trouvant souvent des échos épiques.
Ainsi cette intervention des chœurs:
Une colline pour prier.
Les ateliers de la Croix-Rousse
Une montagne pour souffrir.
De père en fils, de siècle en âge
C'est nous qui sommes les Canuts.
Avant nous d'autres sont venus
Trépassés dont le sang tissait de la lumière.
Ou cette autre, que l'on croirait écrite d'hier:
Plus je travaille, moins je gagne
Et je me bats contre le temps,
Toujours battu, toujours perdant.
Je me suis entièrement laissé prendre, collé au fauteuil par la puissance de certains chants. Cent cinquante choristes, ce n'est pas rien! Et puis mes racines ouvrières retrouvaient ici un peu du terreau qui leur fait aujourd'hui parfois défaut. Ainsi n'est-ce pas sans une pointe d'émotion que j'ai entendu un des intervenants préciser que, si les Canuts sont sans doute à l'origine de l'idée de syndicat, ils avaient déjà compris qu'ils devaient en même temps protéger leur outil de production: c'est exactement ce que m'avait dit mon père, mineur lui, choqué par les images du film Germinal où l'on voyait les gueules noires s'en prendre au chevalet de leur puits de mine.
Qu'il existe encore des gens pour se préoccuper de tout cela, pour se rappeler et vouloir que l'on se rappelle de ces sanglantes révoltes, me réjouit, surtout dans le contexte social actuel. L'objectif final est de monter l'ensemble de l'œuvre en 2009.
Pour cela il faut trouver les moyens destinés à payer un orchestre symphonique de 70 musiciens (réduit ce soir à un piano et des percussions) et à louer une salle appropriée. Je crois très sincèrement que l'idée est magnifique et mérite qu'on la soutienne, ne serait-ce que pour encourager tout le travail déjà fourni autant par les organisateurs que par les chanteurs. Alors je vous indique quelques coordonnées grappillées sur le programme. L'événement est chapeauté par l'AMP, Association Musicale Populaire, et le site internet est le suivant: www.oratoriocanuts.com
A me lire, vous aurez compris que je ne regrette pas mon déplacement dans l'est lyonnais. Alors encore une fois: Merci qui? La suite, vous la connaissez. Allez, tous en chœur: Merci J. !
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire