mardi 9 janvier 2018

La planche à clous

Je croyais avoir déjà raconté cette histoire mais apparemment non. Alors pour satisfaire la curiosité de Cornus...

Pendant toutes mes années de lycée (c'est-à-dire, à l'époque, de la sixième à la terminale),  j'ai vu un vieux monsieur (en tout cas tel me paraissait-il), un petit bonhomme débonnaire en blouse grise,  passer à chaque heure dans chaque classe pour relever la liste des absents. Avec certains professeurs, il ne s'attardait pas et se contentait de les saluer poliment. Avec d'autres, moins impressionnants peut-être et plus ouverts (ce qui n'était pas la majorité dans l'éducation des les années soixante), en particulier mon professeur de français-latin-grec, celui qui m'a tout appris, il restait quelques instants à bavarder avec eux ou avec des élèves.

Dans ces moments-là, il demandait toujours si nous nous étions bien comportés et si nous avions fait notre travail correctement. Parfois l'enseignant avait quelques reproches à faire à tel ou tel. Alors le bonhomme tentait (vainement) de prendre un air sévère et promettait, la prochaine fois, d'apporter sa planche à clous pour nous en asséner quelques coups sur les fesses : "Vous allez avoir affaire à la planche à clous du père V. (c'est ainsi que nous l'appelions, sans lui manquer de respect, et qu'il s'appelait lui-même). Sacré nom d'un petit bonhomme !". Bien sûr, nous ne l'avons jamais vue, mais la planche à clous est restée mythique dans notre lycée. Et, étrangement, l'élève visé se mettait au travail, plus pour faire plaisir au père V. qu'au professeur, à mon avis. Nous l'aimions beaucoup.

Quelques années plus tard, j'ai eu une collègue de maths qui portait le même nom et était, elle aussi, originaire de Saint-Étienne. Bien sûr, je lui ai parlé un jour de la fameuse planche à clous et de celui qui nous en menaçait. Ma collègue était sa nièce et m'a raconté une fin d'histoire bien triste : celui qui, selon ses dires, avait effectué pendant son service plusieurs fois le tour de la terre à pied  était mort à vélo quelques jours après sa retraite sous les roues d'une voiture.

Lorsque, aujourd'hui, je l'évoque, je revoie encore sa silhouette sympathique, ses yeux rieurs et il me semble encore entendre sa voix. Sacré petit bonhomme !

3 commentaires:

André a dit…

Merci, joli portrait!

Cornus a dit…

Ah ben merci, voilà ma curiosité satisfaite ! Drôle de petit bonhomme, en effet !

Calyste a dit…

André : ça m'a fait plaisir de repenser à lui.

Cornus : effectivement, il était drôle, petit et bonhomme.