La journée commençait pourtant bien : après la venue, hier soir, de Paul Auster à la Grande Librairie, son interview ce matin sur France-Inter. Toujours aussi intelligent et intéressant, l'américain. Et puis j'ouvre ma boîte mails et je découvre l'intitulé que je redoute de voir : triste nouvelle. C'est la secrétaire de direction du centre scolaire où je travaillais qui m'annonce la mort de quelqu'un que j'y connaissais.
Et cette fois-ci, c'est quelqu'un que j'aimais beaucoup : l'ancienne directrice du lycée professionnel où j'ai travaillé pendant quatre ans. Une petite femme qui ressemblait à un char d'assaut et qui m'avait embauché en 1980. Je me souviens de mon appréhension ce jour-là. Elle m'avait reçu dans son minuscule bureau donnant sur la tout aussi minuscule cour de récréation encadrée de hauts murs tristes. Elle m'avait proposé des heures de français, bien sûr, mais aussi d'autres d'une matière que je connaissais pas et que l'on appelait à l'époque : Connaissance du monde, et qui regroupait des sujets aussi vastes que son intitulé. Je n'avais jusque là enseigné que le français et le grec, et ce dans un lycée au recrutement relativement sélect.
Devant mon désarroi, bêtement accentué par le fait que je portais une veste de laine bleu marine que m'avait tricotée ma mère, elle m'avait assuré que je pouvais le faire. Et je l'ai fait, avec un plaisir (et une fatigue aussi) que je n'imaginais pas, découvrant un autre monde où les délinquants en herbe et les filles-mères remplaçaient les fort en thème. Lorsque j'ai quitté l'établissement pour un autre plus "normé", je n'ai pas regretté ma fatigue mais les rapports que j'avais établis avec ces élèves difficiles et mes collègues. Je suis sûr que ces quatre ans m'ont définitivement formé et profondément marqué.
En lisant ce mail, les larmes me sont montées aux yeux au souvenir de cette femme que j'avais une dernière fois revue, en fauteuil roulant, lors des obsèques de son directeur adjoint et qui m'avait tendrement pris dans ses bras, comme pour m'adresser un dernier adieu. Je l'aimais : elle avait eu confiance en moi, plus que je ne l'avais moi-même.
Adieu, Anne.
vendredi 12 janvier 2018
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5 commentaires:
La chance que nous pouvons avoir d'avoir rencontré de belles personnes qui nous rendent/ ont rendu meilleur
Ce sont des personnes comme ça qui nous touchent beaucoup. Nous avons parois conscience de ce que ces personnes ont apporté, mais c'est rare. C'est bien pour toi de le réaliser !
Jérôme : J'ai eu cette chance, en vivant avec Pierre pendant 33 ans.
Petrus : parfois, nous nous en rendons compte seulement après.
Le début du portrait commençant par "Une petite femme qui ressemblait à un char d'assaut", je ne m'attendais pas forcément à une telle tendresse.
Il m'est aussi arrivé de croiser à plusieurs reprises des personnes qui avaient plus confiance en moi que moi-même. Ces personnes sont fondamentales. J'ai pu le dire à une de ces personnes, partie récemment en retraite, c'est d'ailleurs un ami.
Cornus : c'est qu'elle allait parfaitement ce côté char d'assaut et une immense tendresse derrière la façade.
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