lundi 5 juin 2017

La patience du bousier

 Je l'ai vu arriver de loin, le petit bousier sur la dune. Plutôt, j'ai d'abord vu la boule qu'il poussait avec la tête, la guidant avec ses pinces pendant qu'un plus petit que lui, la femelle peut-être,  l'accompagnait. Une grosse boule, quatre ou cinq fois plus grosse que lui, bien ronde, bien compacte. Un petit monticule de sable, il poussait. Un trou dans le sable, il laissait glisser avant de se repositionner.

J'ai appelé Frédéric. Nous l'avons observé longuement. Dix minutes à peu près pour avancer de trois mètres, et des trous et des bosses. L'autre ne faisait rien, se contentait de l'accompagner. Arrivé presque à la lisière d'une touffe d'herbes sèches, il a commencé à creuser, envoyant le sable voler derrière lui. Plus il s'enfonçait, plus l'effort était rude pour remonter ce sable et l'éloigner suffisamment pour qu'il ne retombe pas. La boule s'est peu à peu enfoncée. Lui est passé dessous, il disparaissait à notre vue puis réapparaissait et remontait, encore et encore, le sable. L'autre s'était installé sur la boule pour aider de son poids à l'enfouissement.

Nous étions fascinés par tant de patience, par tant d'ingéniosité. Je ne sais pas s'il avait conscience de notre présence mais il n'en faisait aucun cas. Pourtant, d'un simple coup de pied, nous aurions pu détruire tout son labeur. Mais, j'en suis sûr, il aurait recommencé. Bientôt, les deux bousiers ont disparu sous la boule. Lorsque nous sommes partis, la boule était devenue invisible, comme si rien ne s'était passé.

9 commentaires:

plumequivole a dit…

Formidable !

Cornus a dit…

Un autre scénario de Microcosmos. Bravo Calyste !

Valérie de Haute Savoie a dit…

Du coup je suis allée lire sur wikipedia à quoi servait cette boule et j'ai lu que parmi les espèces il y avait le pilulier qui faisait ça en couple. Le mâle se trimballait la boule toujours en ligne droite et une fois que le coupe trouvait un terrain meuble, le mâle creusait, enfonçait sa boulet et ensuite le couple s'accouplait dessous :) Voilà tu as assisté aux prémices d'une copulation bien réfléchie :D

Nicolas a dit…

On a tellement à apprendre des insectes, sans doute des bousiers (je ne les connaissais pas jusqu'à cet article) à moins que ce ne soit une métaphore politique ;)

Calyste a dit…

Plume : ça l'était, pour me tenir immobile aussi longtemps !!!

Cornus : mais je n'y suis pour rien. Le héros, c'est le bousier. S'il m'avait fallu, proportionnellement à mon poids, transporter autant de sable, j'aurais été moins en forme que lui !

Valérie : le pilulier s'accouple donc sans risque, vu son nom ?

Nicolas : dire qu'il y avait copulation sous la boulette ! Je regrette de ne pas avoir attendu pour voir ça !

Cornus a dit…

Les insectes bénéficient d'un exosquelette, ce que nous n'avons pas. Par ailleurs, il a été démontré que pour la force, le rapport de taille entre les insectes et nous n'était pas proportionnel. Autrement dit, si le bousier ou autre insecte faisait notre taille, il ne serait pas capable de mouvoir une boule 4 ou 5 fois plus grosse que lui (à densité équivalente), mais il pourrait néanmoins faire beaucoup mieux que nous.

Nicolas a dit…

Justement, c'est bien ce que je disais : on finit toujours par se faire b....

karagar a dit…

Quel naturiste... euh... naturaliste, tu fais!
En effet, rien n'est proportionnel dans ce domaine. Les animaux géant ne sont pas (plus) si nombreux, et c'en est peut-être une raison.

Calyste a dit…

Cornus : tu imagines un bousier de notre taille ! De quoi avoir des sueurs froides !

Nicolas : se faire bousier ?

Karagar : mais tu ne te trompes pas : je faisais du naturisme quand j'ai vu ça !