jeudi 17 février 2011

Acanthe

J'étais seul, un moment, aujourd'hui, dans le parc du collège, une cigarette allumée qui me parut presque obscène lorsque je sentis l'air. Un air vierge, aigre et doux comme le vin nouveau, un air pas de la ville, un air des solitudes agrestes. Un silence vivant, sans élèves, sans collègues. J'étais bien. Je suis descendu jusqu'au pied d'acanthe que personne ne remarque jamais. Les petites feuilles en étaient affaissées, flétries par un gel précédent mais bientôt remplacées. On m'avait dit qu'il y avait déjà quelques violettes. J'ai préféré les imaginer et j'ai regardé d'en bas le vieux ginkgo biloba, son tronc haut et rectiligne, encore nu, encore laid. Et tous ces arbres nus, si souvent photographiés, en automne surtout. La terre, contre le talus avait été creusée, laissant voir de vieilles racines mortes, et le mur en dessous, vert d'humidité, suintait encore. Derrière moi, le mur du couvent, à peine réchauffé, enflait son ventre plus que centenaire. Moment volé.

8 commentaires:

Cornus a dit…

Un arbre laid ? Cela se peut ?

Valérie de Haute Savoie a dit…

Le Gynko est l'arbre que nous avons planté pour la naissance de G. Symbole de longévité... pour conjurer le sort.

karagar a dit…

Je me suis senti très proche de ce texte mais j'ai eu le même sursaut cornusien à la lecture de l'arbre laid!

Calyste a dit…

Cornus et Karagar: laid aux yeux de tous, parce que nu et squelettique, sans son feuillage, ressemblant à un immense cure-dents. Mais pour moi, il n'est pas laid. J'aime les arbres dépouillés parce qu'ils paraissent encore plus inaccessibles, plus éternels, plus "essentiels".

Valérie: il me semble qu'il doit falloir très longtemps pour qu'il grandisse suffisamment. Dans le même parc, nous avons planté il y a plus de quinze ans, un cèdre rapporté du Liban où l'on nous l'avait offert. Pendant des années, j'ai eu peur que le jardinier, en fauchant, ne le voit pas. Aujourd'hui, il pousse, mais n'est pas encore bien grand. Je doute de faire un jour la sieste sous son ombre!

Nicolas a dit…

Il y a là comme de la tritesse

Calyste a dit…

Peut-être, Nicolas...En tout cas, de la fatigue.

Lancelot a dit…

Ne t'en fais pas, Grand Frère... c'est juste le ressac qui passe... tout renaît, toujours.

Calyste a dit…

C'est bien ainsi que je l'entendais, Lancelot! Mais depuis, je ne vois guère la nature progresser par ici!