Lorsque j'avais trois ou quatre ans, avais-je le même air que ce petit garçon que j'ai croisé aujourd'hui, en promenade avec son papa?
Ils s'avançaient tous les deux sur le chemin, seuls au monde, le grand calquant son rythme sur le pas du petit, l'un tenant la main de l'autre, l'un regardant la route et l'autre tout là-haut la tête de son père. Le petit garçon avait un short long qui lui donnait des allures d'adulte, le papa en avait un aussi qui le rajeunissait. Ils se ressemblaient, absorbés par leur conversation. Ils semblaient parler d'une ancienne nounou, Ghislaine, mais je n'ai pas écouté aux portes: c'était trop important et eux seuls devaient être dans la confidence.
Ce que j'ai vu, c'est la marche du petit, pas encore totalement assurée, les deux pieds un peu tournés vers l'extérieur comme pour avoir une meilleure stabilité, et pourtant déjà décidé à emboîter le pas au géniteur.
Ce que j'ai vu, c'est le regard enfantin porté sur l'adulte, sur les yeux de l'adulte, comme pour y chercher confirmation, validation des mots qu'ils venaient de prononcer, aussi peu sûrs d'eux que les pas de sa marche.
Ce que j'ai vu, c'est la tête un instant détournée de l'enfant au moment d'un silence, d'une pose dans l'échange, soit qu'il redécouvre le monde qui les entourait et qu'il avait oublié, soit qu'un rayon de soleil filtrant à travers les branches et un instant posé sur sa joue, un furtif glissement dans le tapis de feuilles au sol ou la trille soudaine d'un oiseau invisible l'aient surpris et emmené dans un rêve.
Ce que j'ai vu, c'est ce voyage express dans un ailleurs que peu à peu il découvre, dans un monde intérieur qu'il fera sien jour après jour et qu'il enrichira après s'en être enrichi, ce monde où son père n'est plus là et où il n'y a que lui, face à lui, à construire.
Ce que j'ai vu, c'est bien vite la tête qui se retourne vers le père et la main qui, l'espace d'une seconde, sert un peu plus fort la paume de l'adulte.
Et puis ils étaient passés.
Je n'ai aucun souvenir semblable. J'espère seulement que je n'ai fait que les oublier. Mais pourquoi ai-je toujours les yeux brillants après?
dimanche 23 août 2009
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5 commentaires:
Et bien moi, j'aurais voulu avoir un père dans ce genre-là.
PS : Plus tu écris, plus je t'.... Ouf, je ne l'ai pas dit
J'en connais un autre!
PS: chut!
On a tous de ces moments là...
Pourquoi, au fond, les images du père dans l'enfance suscitent-ils toujours un grain d'émotion plus fort que ceux de la mère dans les mêmes circonstances ? Parce que c'est moins évident ? Parce que ce sont des instants plus rares et privilégiés ?
Parce que nous sommes des hommes, Messieurs! Et que la tendresse chez les hommes, ça existe aussi!
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