Je lis, je lis, je lis. Je retrouve ce plaisir intense, au lit le soir, sur le canapé pour la sieste. Parfois le livre accompagne l'appareil photos dehors, pour mes virées urbaines.
Je suis tombé par hasard sur le livre co-écrit par Annie Ernaux et Marc Marie: L'Usage de la photo. Il est paru en 2005 dans la collection Folio. Je n'en avais jamais entendu parler. Au cours de leur relation amoureuse, A. et M., un homme et une femme (les auteurs), ont l'idée quasi simultanée de photographier leurs vêtements éparpillés au sol au moment du désir, de les prendre tels qu'ils ont été jetés la veille ou un instant auparavant, et d'écrire un texte court sur ce qu'ils ressentent en voyant la photo. Un texte chacun, sans avoir communiqué au préalable.
Étonnant essai où la description des choses vues débouche sur le souvenir ou l'évocation d'une émotion, souvent commune aux deux auteurs, sur la présence incessante du cancer d'A. et toutes les manifestations physiques des traitements. Que des vêtements sur les photos, à même le parquet, la moquette ou le carrelage de la cuisine, quelques pieds ou bas de meubles, bibliothèque, lit, tables basses. Jamais de présence humaine. Même du chat on n'aperçoit que le bout d'une patte, sur une seule photo. Tout se joue dans cette forme de présence/absence, dans cette manifestation du désir décrite ensuite à froid, dans le rapport de ce désir, de la photo et des mots pour les dire.
Architecture complexe que ce ménage à trois (désir/photo/écriture) qui veut éviter la mise en cadre, la mise en cage, et y sombrera tout de même, aux dires mêmes des auteurs. Livre troublant pour moi, parce que j'y retrouve quelques-unes de mes interrogations sur la maladie, le désir de retenir et de classifier, la volonté de vivre l'émotion souvent jusqu'à l'user.
De toutes les choses abandonnées sur le sol après l'amour, les chaussures sont les plus émouvantes. Renversées sur le côté, ou demeurées droites mais allant dans des directions opposées, ou surnageant sur un monceau de linge, mais toujours éloignées l'une de l'autre. Leur écartement, quand il apparaît sur la photo, mesure la violence du geste pour les jeter. Le plus souvent isolées, comme on en trouve sur un parking, un trottoir, et qu'on se demande qui s'en est débarrassé et pourquoi. A la différence des autres pièces d'habillement devenues formes abstraites, les chaussures sont le seul élément de la photo qui conserve la forme d'une partie du corps. Qui réalise le plus la présence à ce moment-là. C'est l'accessoire le plus humain.
samedi 1 août 2009
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