jeudi 6 août 2009

Rempotage

Pas de billet hier, je n'étais pas là. Pas de billet demain, je pars pour une petite semaine, en montagne, dans cette Savoie que je n'ai pas vue depuis longtemps. Peut-être un petit tour en Italie du nord aussi.

Mardi soir, j'ai pris la route du sud. Le mari de Kicou, Georges, m'avait demandé de l'aider à transplanter dans le jardin, en pleine terre, les immenses compositions florales que nous avions offertes lors de la sépulture. J'ai été très touché de cette demande, mais c'est sur la route que l'émotion, un moment, m'a submergé: de ce côté-là, autrefois, j'avais mes amis, aujourd'hui ni Amédé ni Kicou ne sont là pour en matérialiser le but heureux. Cette route était vide, uniquement emplie de passé. Et puis je me suis repris: et Jean-marc, et Gilles, et Danielle, et Denis, et Roger, qu'en faisais-je dans ma mélancolie?

Pourtant, je redoutais de me retrouver dans cette maison sans elle. J'y suis allé si souvent, elle m'y a organisé tant de fêtes, mes quarante ans quasi orgiaques où, avant l'arrivée des invités, nous avions composé tous les deux des bouquets de chrysanthèmes et d'érables, mes cinquante, plus doux, peu après l'annonce du cancer de Pierre, pleins de tendresse avec un cercle restreint d'amis proches, d'autres fêtes, tant d'autres où elle n'oubliait rien, organisée jusqu'à en paraître maniaque.

Les dernières fois, j'étais descendu seul. Le jour où je devais venir avec J., qu'elle tenait à connaître, elle n'a pas pu nous recevoir tant la fatigue était grande. Je l'ai vue sur sa méridienne, devant la fenêtre qui donne sur le jardin, nous avions fait la sieste côte à côte, moi sur le fauteuil proche. Je l'ai vue, la dernière fois, alitée dans la chambre bleue, celle qui m'était réservée, au rez-de-chaussée. Elle pensait encore à organiser l'avenir. J'étais enfin venu une dernière fois lors de l'enterrement, dans cette maison envahie par des gens, dont certains que je ne connaissais pas.

Après la route en lacets qui gravit les premiers contreforts du Pilat, je me suis arrêté au sommet, sans doute plus pour gagner encore quelques minutes avant l'arrivée que pour admirer la vue splendide sur la vallée du Rhône et photographier quelques meules de foin isolées dans un champ. Je savais que son dernier fils, sa belle-fille et leur petit garçon seraient là aussi et cela me gênait encore davantage: je ne voulais pas d'une visite de convenance agrémentée d'une conversation empreinte seulement de politesse.

Et ce ne fut pas ça. Le soir de mardi, je pus être seul un moment avec Georges. Nous avons parlé de Kicou et de la vie sans elle. Je redis encore la surprise que j'ai chaque fois à voir ce vieil ours, craint de beaucoup et à juste titre, se montrer à moi dans sa vérité de vieil homme vulnérable et sensible. Puis, une fois Georges couché, nous avons longuement bavardé avec Jean-Clause et Sandrine, là aussi mais pour la première fois d'une manière vraie et touchante. Le lendemain, nous pouvions entamer la vie quotidienne dans sa banalité: les bases de l'essentiel avaient été assurées la veille.

Jean-Claude m'a confié que, lorsqu'il était petit, il s'étonnait toujours de voir, à un endroit ou un autre de la ville, des grues souvent nombreuses dépasser des toits ou strier l'horizon. " Mais quand va-t-elle être finie, cette ville?". C'était la question à laquelle il ne pouvait s'imaginer ne pas avoir de réponse. Dans la soirée, il a rajouté: "Finalement, nous sommes un peu comme des villes."

J'ai rapporté de la campagne deux plantes qu'ils m'ont offert: un petit camélia et cette grande plante grimpante ressemblant à un dipladenia aux proportions plus volumineuses dont l'exemplaire que j'avais après la mort de Pierre n'avait pas résisté à l'attaque d'un parasite. Les deux ont trouvé ce matin leur place naturelle sur mon balcon.

2 commentaires:

Lancelot a dit…

Hummm, c'est joli la réflexion de Jean-Claude. Aussi bien celle de l'enfant que de l'adulte.

Si nous sommes comme des villes, alors, qui, quoi, nous sert de grues....?

Calyste a dit…

Pour ma part, je commence à me renseigner sur les étais! (Tiens, c'est un nom et aussi un imparfait! Les deux conviennent en l'occurrence !)