George et moi

L'infirmier est venu ce matin. Il a tenu à remplir lui-même ma feuille de soins. Comme si j'étais malade, ou vieux! Mais la perspective qu'il me libère de l'entrave l'a emporté sur l'agacement. Une minute après, c'était fait. Une légère douleur, là aussi bien moindre que je ne le redoutais.

Cette nuit, je pensais mal dormir. J'avais mis le réveil pour avoir le temps de me préparer avant l'arrivée du soignant. Sommeil profond et réparateur et, lorsque la radio s'est mise en route, elle m'a tiré d'un rêve absurde mais qui va faire bien des envieux: j'étais en train de prendre le petit déjeuner chez moi, avec un invité de marque: George Clooney qui me lançait ses plus beaux sourires tout en me tenant tendrement la main. J'aurais bien prolongé!

Une fois l'infirmier parti, je me suis remis au lit, heureux, déjà. Les volets ouverts, j'avais refermé les tentures et la pièce baignait dans une lumière reposante. Je me suis lové dans mes draps, comme un animal, sensuel jusqu'au bout des doigts de pieds. J'ai pris le dernier tome du Journal de Sevran et j'ai lu longtemps, comme toujours avec ce journal dont l'écriture m'est naturelle. J'ai fini par me rendormir, dans le bien-être le plus total. George n'est pas revenu. Tant pis. Pour la première fois de ma vie, j'étais heureux de ne rien avoir entre les jambes.