Retour là aussi à de vieilles amours. Depuis longtemps, j'avais abandonné Philippe Besson. Le voir fermer définitivement le journal de Pascal Sevran m'a redonné l'envie de le lire. Et j'ai lu Un Homme accidentel dans la journée.
Je crois d'ailleurs que c'est ainsi qu'il faut le lire. Ne pas s'arrêter, ne pas reprendre car l'on risque de ne plus marcher. Philippe Besson est un malin, en effet. Toutes les ficelles, il a l'air de les connaître, un peu trop même. Il semble écrire facilement, je dirais même qu'à mon avis, il s'écoute écrire parfois. Je pourrais citer des pages où un mot entraîne l'autre, dans une langue assez jolie, classique et sujette à ruptures parfois, où une comparaison, une métaphore se file un peu plus qu'il ne serait nécessaire, où l'on pourrait économiser, où l'on se dit, après lecture, que les premiers mots auraient suffi et que la page y aurait gagné en intensité à être plus courte.
Pourtant ce fut pour moi un plaisir de lire ce roman. D'abord pour son sujet: un policier qui s'éprend d'une passion violente pour le criminel qu'il est censé traquer. Pour l'angle d'écriture adopté aussi: le narrateur est ce policier après les faits, au moment de sa déchéance. Un homme qui a derrière lui sa belle et son unique histoire d'amour. Enfin, si souvent Besson est un "phraseur", il lui arrive aussi de nous faire tressaillir par des intuitions, des touches rapides, fulgurantes qui nous font apercevoir son univers intérieur et sa fragilité masquée.
En quatrième de couverture, Dominique Fernandez parle, dans le Nouvel Observateur d'une "simple chronique de quelques jours fragiles". Jours chancelants mais pleins, jours décomptés où s'inscrit à jamais le sens de toute une vie sacrifiée, jours "accidentels" qui jamais n'auraient dû être vécus et qui le furent parce que cet amour-là s'est moqué des conventions.
Alors, bien sûr, je suis d'accord avec Kab-Aod lorsque, dans son commentaire à un de mes billets, il parle de roman pour ados homos en mal de fantasmes (je cite de mémoire). Disons que, l'espace d'une journée, je me suis glissé dans cette ancienne peau boutonneuse et je m'y suis senti bien.
Et puis, entre les silences et les étreintes, les mots sont venus, ceux qui racontaient sa vie d'avant et la mienne, ceux qui remplissaient les blancs, ceux qu'on échange d'ordinaire longtemps avant le premier baiser. Aucun de nous deux n'avait exprimé la nécessité de savoir. Simplement, il était quelquefois cocasse de délivrer des vérités élémentaires, de fournir des informations essentielles à un être dont on connaissait, par ailleurs, la moindre parcelle de peau et les soubresauts intimes. Oui, c'était bien de faire les choses à l'envers. De remonter jusqu'à la source.
Une image m'a traversé l'esprit: se présenter à un inconnu en lui tendant la main alors qu'on a goûté à sa bouche.
dimanche 19 avril 2009
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