dimanche 12 avril 2009

Tout bien pesé (er)

Parfois l'on se sent lourd, sans savoir vraiment pourquoi. On incrimine le temps, trop gris, trop lourd, ou bien l'effort physique: j'ai couru trop vite, j'aurais dû reprendre plus tranquillement. On peut aussi accuser les rues vides et l'impression d'immobilité d'une ville, comme si la vie s'en était allée le temps d'un week-end trop prolongé.

Et puis l'on se dit peu à peu que la vraie raison est ailleurs, qu'on la connaît mais que l'on n'a pas voulu la voir, l'affronter de face, comme une grande personne. On l'a senti, le moment de rupture où quelque chose se glace une longue seconde, où le mur n'a pas eu le temps de se dresser pour éviter le choc. Mais, presque immédiatement, autre chose est venu tout masqué: ses défenses absurdes, la gêne de la tendresse, lorsque Kikou a voulu me prendre la main et que je fus gêné par ce geste devant son mari. Pauvre idiot que je suis! J'ai trouvé un prétexte pour lui rendre cette main et cacher mon désarroi derrière l'humour, comme d'habitude.

Tout le temps de la visite à l'hôpital, j'ai joué au solide, au joyeux, au désinvolte. Pour cacher la claque que je venais de recevoir devant le visage exsangue, les traits tirés, l'amaigrissement profond de ma plus vieille amie. Pour ne pas montrer ma peine et ma peur devant ce que je venais de comprendre: je vais perdre Kikou. Bientôt. J'ai perdu Amédé et je vais la perdre. Comme je me suis senti seul à ce moment! Et je n'en ai pas voulu, de cette connaissance de l'inéluctable. Je suis reparti et la lourdeur m'a rattrapé sur le vélo.

Le soir, il y a eu la veillée pascale, le rite du feu et celui de l'aspersion qui me bouleversent chaque fois. Il y a eu ces chants et ces prières et cette assistance nombreuse dont j'accepte aujourd'hui de faire partie, même si je ne peux encore que me placer au fond, au dernier rang, comme les clochards qui attendent la fin du rassemblement en espérant récolter quelques pièces. Cette année encore, j'ai été profondément ému. J'en suis ressorti calme et conscient de la cause de mon mal-être.

Aujourd'hui, repas en famille, tranquille, rassurant (là aussi, j'ai bien changé, moi qui les redoutais tant autrefois, ces occasions de se réunir), promenade dans les rues de Villeurbanne, près des Gratte-Ciel, et ce soir, un coup de téléphone qui m'a fait plaisir. La machine est relancée. J'ai envie de faire des projets: sans doute irai-je un jour ou deux en Savoie, près du lac cher à Lamartine. Et dans l'immédiat, j'ai envie d'écouter le Messie de Haendel sur Arte qui en propose une version mise en scène et interprétée par l'ensemble Matheus et le choeur Schönberg sous la direction de Jean-Christophe Spinosi. Sans doute un grand moment. Et la meilleure façon de mettre fin à la lourdeur!

Rectificatif: Haendel, c'est demain soir sur Arte. C'est en tout cas ce que dit le programme télé et il vaut mieux se fier à lui qu'à moi.

2 commentaires:

Lancelot a dit…

"la gêne de la tendresse" c'est un sentiment qui m'est totalement étranger. J'en suis plutôt content d'ailleurs.

Alors je te serre, sans aucune gêne de ma part, et aucun respect pour la tienne, en te disant que j'espère que Kikou va un peu mieux.

Calyste a dit…

Je te remercie et je t'envie. Je commence à peine à savoir laisser transparaître ce genre de choses sans en avoir peur. En fait, je commence à faire confiance aux autres, un peu.