Peut-on lire un livre et n'en rien retenir dès l'instant qui suit le moment où l'on tourne la dernière page? Je ne le croyais pas.
C'est pourtant ce qui vient de m'arriver avec Un Homme disparaît, de Jean-Bertrand Pontalis. Attiré à la fois par le nom d'un auteur que j'apprécie particulièrement et par la première de couverture de Folio qui présente le fameux Homme qui marche d'Alberto Giacometti, je l'ai tout de suite placé près de mon lit, comptant le lire rapidement. Ce que j'ai fait.
Eh bien, je ne peux en parler l'ayant terminé. M'a-t-il déplu à ce point? Pas du tout, bien au contraire. Mais en le lisant les phrases de Pontalis, les épisodes évoqués me faisaient à chaque instant dévier vers le rêve ou vers une réalité connue dans mon passé et dont le souvenir était ravivé à cette lecture, lecture que, même en rêvant ou en me souvenant, je n'interromps pas, étant, hélas, capable de lire et de penser à tout autre chose pendant ce temps. Alors, bien sûr, je relisais le passage en question, me forçant à un peu plus de concentration et, à chaque fois, mon esprit immédiatement s'envolait par un mot sur une autre planète.
J'ai bien vite fini ce petit ouvrage de cent quarante pages, plus romanesque que les autres livres de Pontalis mais je ne peux maintenant défaire l'inextricable fouillis de ce qui appartient à l'auteur et de ce que j'ai rêvé, fantasme ou souvenir. Je le reprendrai sans doute plus tard mais pas maintenant car l'identique se reproduirait.
Le wisky du soir a remplacé le sirop de cassis du goûter mais j'ai la même surprise joyeuse à retrouver ma petite table près de la fenêtre qu'autrefois ma bêche rouillée et ma bicyclette à roue fixe.
A roue fixe: étrange alliance de mots, si étrange, si absurde que je me demande en les écrivant si je ne fais pas erreur, mais qui dit bien ce qui nous rend certains lieux si précieux et leur assure, en dépit de tout, une existence inaltérable. Avec eux, grâce à eux, ce qui bouge et ce qui demeure vont de pair. Nous sommes très exigeants: il nous faut la roue pour nous entraîner et le fixe pour assurer une permanence, nous voulons l'aérien et le terrestre, l'emportement du vent et l'eau qui porte, nous n'aspirons pas à l'amour qui, prétendant nous combler, une fois pour toutes, mettrait fin à tout mouvement mais à celui auquel il est bon de croire pour avoir une chance de le connaître, cet amour qui au long des jours et des nuits renouvelle le don de vie.
mardi 28 avril 2009
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