vendredi 17 avril 2009

Le Voyage vertical

Il y avait longtemps que je voyais ce livre de Enrique Vila-matas sur un rayon de ma bibliothèque où attendent les achetés non encore lus. Plusieurs fois, j'ai failli le choisir, chaque fois j'y ai renoncé: trop intellectuel, trop psychologique pour le moment présent. Et puis, pendant ces vacances, j'ai fait le pas. Pour m'en débarrasser, pensant le parcourir en diagonale.

Pas du tout. J'ai même trouvé un certain plaisir à cette lecture. Histoire d'un catalan, Mayol, expulsé de chez lui par sa femme alors que tous deux ont atteint les soixante-dix ans, et qui entame un voyage depuis Barcelone jusqu'à Porto, puis de Porto à Madère, en quête de son moi profond, de celui qu'il est réellement et qu'il a, plus ou moins consciemment, abandonné depuis bien longtemps. Raconté par un mystérieux narrateur qui se révèle, vers la fin du roman, plus proche que prévu du héros, ce périple à la recherche de soi n'a rien de rebutant: l'écriture en est simple et les réflexions psychologiques, si l'on s'en tient aux premiers chapitres, risquent même de paraître au contraire un peu simplistes. En fait, la démarche est de suivre la propre pensée du voyageur, pensée qui, d'un quotidien rassurant mais plein d'ennui et de clichés, parviendra peu à peu, comme Mayol, à se libérer de l'ancien carcan et à atteindre ce "port métaphysique" dont pourtant, au début, elle ne peut pas même concevoir l'existence.

Il ne lui restait plus qu'à dire que Lisbonne serpentait élégamment et était une ville inquiétante où l'on ne savait jamais si l'on était à la fin d'un voyage ou au départ d'un autre. Il ne lui restait plus qu'à dire que Lisbonne était une ville qui semblait parfois surgir comme un serpent de sa peau. Mais il vaudrait mieux que je le dise moi-même qui ai, parfois, l'impression de surgir de ce que j'ai écrit comme un serpent de sa peau, ici dans cette île de palmiers et d'éternité où, tous les jours, je plonge ma plume dans l'encre et où le temps, dans son théâtre fondé sur le calme et l'absence de vent, passe, pour moi aussi, lentement et facilement, parce que ici, la vie est facile, ma montre est très lente et, de plus, pourquoi le nier? je ne suis qu'un débutant, le débutant le plus lent.
(Trad. de André Gabastou.)

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