Étrange sentiment aujourd'hui en recevant mon courrier. Une lettre grand format avec un timbre en cœur et l'adresse rédigée à l'encre dorée, un peu comme le font les collégiennes à l'âge où je les côtoie. Tampon illisible, pas de mention de l'expéditeur. J'ai pensé à une naissance ou à un mariage. Je n'étais pas loin.
La fille d'un couple de mes anciens amis a épousé un cubain en février à La Havane en présence de la famille cubaine. Ses parents, mes amis donc, projettent d'organiser une soirée mi juillet chez eux, dans le Brionnais et j'y suis invité.
Tout est pour le mieux alors? C'est effectivement d'abord un sentiment de joie qui m'a envahi. Puis, les heures passant, je ne suis plus très sûr de rien.
Ces amis-là, j'en n'en ai jamais eu de nouvelles depuis quatre ans, depuis la mort de Pierre. Comme elle en particulier m'était très intime, j'ai d'abord été surpris de leur silence, puis peiné. Je m'y suis résigné ensuite, pensant les avoir perdus définitivement, sans que je sache pourquoi. Et mon état de tristesse à ce moment-là m'interdisait de m'imposer où que ce soit.
Et puis voilà une lettre, ou plutôt un faire-part sans aucun message personnel, aucune ligne manuscrite. Et moi, je me mets à être heureux. J'ai, depuis, pensé à mon chien qui, lorsque nous rentrions, l'un ou l'autre, d'une absence prolongée, commençait par nous faire la fête puis, se souvenant de son "abandon", entreprenait alors une longue parenthèse de "tirage" de gueule. Sur ce coup-là, je lui ressemble un peu. Une fois le plaisir d'avoir de leurs nouvelles passé, je me suis interrogé: ces gens font partie de mon autre vie. Ai-je envie de les retrouver?
Ce sera alors au milieu d'autres invités que je connais aussi et qui ont tous été aussi silencieux. Il faudra que j'explique, que je fasse des résumés, des bilans, que je réponde à des questions sur moi, sur mon deuil, sur ma souffrance peut-être, et je n'en ai pas envie. De plus, comment interpréter l'envoi de ce petit signe? Est-il purement protocolaire? Sert-il d'amorce pudique à un retissage des liens anciens? Mais pourquoi la froideur du message officiel sans le moindre clin d'œil autographe?
Je ne suis plus le même et je n'ai pas envie de rendosser, même pour une unique soirée, mon habit d'autrefois, chose qu'automatiquement on me forcerait à vivre, par économie de sentiments, pour ne pas avoir à faire soi-même le point sur image nécessaire. Je ne suis plus deux, comment me verront-ils seul, sans connaître la lente évolution qui m'a conduit à aujourd'hui? Je ne sais pas que penser de tout cela. La seule question que j'ai à me poser est en fait simple: les revoir me fera-t-il plaisir? Mais, si la question est simple, la réponse, elle, ne me le semble pas.
mercredi 22 avril 2009
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8 commentaires:
Ils doivent vouloir reprendre contact et le font pour une occasion festive. Je ne vois pas pourquoi tu devrais tout déballer de ce qui t'es arrivé ou de ce que tu penses. Pourquoi ne pas profiter simplement de la fête ?
Bises, J.
Bin faut y aller! y'aura surement plein de cu...bains! en plus fument surement le cigare....;-)
Le timbre en forme de coeur a-t-il des dents ?
Un mariage n'est-il pas le signe qu'on n'est plus tout seul, du moins au début ...? Ils endossent d'autres habits, eux aussi.
Et puis cette phrase de René Char :
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront. »
L'idéal aurait été l'invitation à Cuba, maintenant que le rapprochement avec les USA semble en bonne voie.
Mariage = pièce montée.
Tout dépend, bien entendu, du degré d'intimité que tu partageais avec eux, lequel facilitera, ou non, le naturel des retrouvailles.
Mais si j'ai bien compris ton billet, tu mets en relation leurs quatre années de silence avec la disparition de ton conjoint, pilule difficile à avaler, effectivement.
Idem et tout pareil. Les amis d'autrefois, ce sont les amis d'autrefois. Il y a un jour où ça ressemble à du lait tourné et du pain rance....
Moi aussi, suis un peu d'avis de Kranzler. A toi de savoir si tu souhaites les revoir? Mais parfois après une longue abscence, nous n'avons plus grand chose à nous dire (tellement nos vies peuvent être differentes), sauf si nous étions très très proches. Quoi que tu choisisses, reste toi même.
Bises, S.
Très bizarre, tout cela. Tout comme toi, recevoir une telle invitation après quatre ans de silence me plongerait dans des abîmes de perplexité.
Et si, avant d'y aller, tu leur écrivais une lettre....? Ca aussi, très gênant. Savoir quoi écrire dedans serait tout aussi embarrassant que de te retrouver à la fête avec 'les anciens' sans savoir quoi attendre.
Je ne juge personne, bien sûr. Mais cette façon de procéder, c'est épuisant : 1) Plus de nouvelles, on doit gérer seul sa tristesse 2) Silence, on s'habitue à l'oubli. 3) On s'est habitué, et voilà qu "ils" reviennent tout chambouler dans le nouvel horizon. En te laissant, évidemment, le soin d'interpréter seul ces revirements fantaisistes et anarchiques.
Dur. Dur.
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