dimanche 5 avril 2020

Mercis

Quand les vivants se font rares, les morts viennent tenir compagnie. Gentiment, sans reproches, n'insistant pas si on les repousse, réchauffant pour peu qu'on les accepte. Le silence les aide à parler, comme les oiseaux. Ou bien parlent-ils toujours et ne les entend-on pas, comme les oiseaux ?  Cette nuit, mon père était là, dans mon rêve et c'est à Ernst Wiechert que je le dois, je le sais.

Mais c'est aussi à mes amis disparus  que je pense entre deux pages. Chacun m'a laissé quelque chose. A Pierre, j'ai déjà dit merci, sur son lit de mort. Ce fut mon dernier mot pour lui. A-t-il pu l'entendre d'où il était parti ? Mais les autres, souvent morts loin de moi, je n'ai jamais eu l'occasion de les remercier. Aujourd'hui, je le fait. Merci à :
- André, le pied-noir, pour le goût de la mauresque et l'amour, une nuit d'été, sur un balcon.
- Amédé, l'avignonnais, pour le mastic à mes fenêtres et la découverte de la tapenade. Et pour tant d'autres choses.
- Paul, le parisien, pour les belles nuits d'Uzès, promenade Jean Racine, et son portrait dans ma chambre.
- François, l'ajaccien, pour les baignades nus dans la crique isolée et pour la joie de vivre.
- Yvon, mon autre frère, pour mon enfance et mes premières années d'homme.
-  Maurice, le savoyard, pour les fruits de mer et les surprises du matin.
- Jean-Luc, le bressan, pour la statue en bois sur ma  bibliothèque et sa fin de vie rassérénée d'avoir retrouvé son père.
- François, le CRS, pour sa voix au téléphone qui me tint sous le charme pendant plus de quatre heures.
- François, le jésuite, pour mon premier appartement avec Pierre et pour mon travail.
- Michel, le provençal, pour les apéritifs enfumés et le rire ensoleillé malgré les yeux tristes. 
- au brésilien dont je n'ai pas retenu le nom pour la carte à sa mère dans un livre de Bernanos acheté par hasard.

Merci à tous de votre visite.

4 commentaires:

Cornus a dit…

J'ai appris qui était Ernst Wiechert.
Je suis sûr que eux te disent au moins autant merci aussi, où qu'ils soient.

karagar a dit…

pas une femme?

CHROUM-BADABAN a dit…

Frères humains ... !

Calyste a dit…

Cornus : pour Wiechert, j'ai lu les deux-tiers de son pavé. Tu ne vas pas tarder à en entendre encore parler.
Peut-être as-tu raison pour les mercis mais ce qui compte, c'est que moi je le fasse.

Karagar : non, aucune aussi proche.*

Chroum : poème admirable, bien placé dans mes favoris (et je ne suis guère fan de poésie écrite).