Je suis en train d'écouter à la radio une émission un peu stupide sur le thème du déménagement. Quelque chose que j'ai bien connu durant toute ma vie. D'abord petit enfant, trimballé entre ma tante, ma grand-mère et mes parents. Peut-être cela m'a-t-il traumatisé en profondeur mais je n'en ai jamais eu conscience et je n'ai jamais consulté de psychiatre. Bien au contraire, je me sentais chez moi dans chacun des lieux ou chez moi nulle part, ce qui revient au même. En fait, chez moi, je m'y sentais dans ma tête, devant ma caisse de jouets dépareillés et dans mes livres.
Puis il y a eu la Maison, la vieille ferme des mines habitée par ma famille depuis des générations et dont j'ai démoli l'intérieur quand il nous a fallu la quitter, les mines ayant décidé de la détruire. Le mal, là, est venu de la voir abandonnée, abandonnés aussi les objets que nous y avions laissés et dont certains avaient "solidifié" mon enfance. Depuis, j'ai mal chaque fois que je vois une maison en démolition, un intérieur exposé à tous où pâlit l'ancien papier peint.
Avant que je ne m'envole, mes parents, pour leur travail, ne cessèrent de déménager. Cela ne me touchait plus. Il y avait eu une Maison, il n'y en aurait plus d'autres. Le premier appartement avec Pierre, qu'il eut tant de mal à quitter et que je quittai sans peine, même si j'y étais beaucoup attaché. Et puis celui-ci, sans doute le dernier, que j'habite depuis 1991, un record pour moi. Après la mort de Pierre, il fut entièrement rénové. Je garde toujours cette folie de ma mère de changer régulièrement les meubles de place mais, seul et plus âgé, cela devient difficile.
En fait, je pense que je pourrais vivre n'importe où, pourtant à une condition : que mon espace "intérieur" ne soit pas altéré, que je continue à voyager dans une tête qui me sert de roulotte.