Quelqu'un pourrait-il m'expliquer pourquoi, lorsque l'on prend du carburant à une station-essence, il n'y a pratiquement jamais moyen de tomber sur un compte rond en euros?
Quarante-deux euros vingt-six, cinquante euros treize, soixante-cinq euros trente et un: ça oui. Mais jamais quarante-deux euros vingt-cinq, cinquante euros dix, soixante-cinq euros trente.
Pourquoi, warum, why, perchè, cur, porche,...?
Moi qui ai un petit fond maniaque (!), ça m'énerve!
dimanche 31 août 2008
Une saison de bonheurs.
Voilà, c'est terminé. On peut remballer l'été 2008. Demain, reprise, rentrée des profs, avec, eux aussi, leurs cartables neufs, leurs crayons bien taillés et leurs idées "vous allez voir ce que vous allez voir". Moi, j'aurai mon vieux cartable, je ne me sers jamais (ou presque) de crayons et mes idées sont plutôt dans le ligne "qu'est-ce que je vais voir cette année?".
Mais mon propos n'est pas de parler de la rentrée ni du scolaire, plutôt de cet été dont, même si le calendrier n'est pas d'accord avec nous, nous rendons la clé demain matin, à la sonnerie plus précoce du réveil. J'ai lu le bilan de celui de Lancelot, les regrets d'Olivier face son août qui fout le camp. Tous deux ont eu une saison heureuse et bien remplie. Et moi? Je l'ai dit: j'ai rarement éprouvé autant de plaisir que cet été. Plaisir dû en grande partie à un sentiment intense de liberté. Mais il y a eu aussi, si l'on veut faire la liste:
- un soleil largement présent sur l'ensemble de ces deux mois (avec quelques jours seulement d'exception).
- aucune copie d'examen à corriger (fait rarissime).
- un très agréable séjour dans la Creuse où des amis m'ont vraiment ouvert leur cœur.
- un nouveau parquet dans ma chambre.
- la lecture, en général plaisante, d'une dizaine de romans.
- la course à pieds, deux ou trois fois par semaine, seul ou en agréable compagnie.
- la rencontre d'un jeune coureur sympathique.
- la rencontre d'un blogueur passionné d'histoire et de gastronomie.
- la rencontre (encore que téléphonique) de son ami d'enfance, autre blogueur qui ne crache pas sur la bonne chair.
- la rencontre d'un blog, dont j'ai déjà parlé il y a peu et de la sensibilité qui l'habite.
- la reprise, après un long silence, d'un autre blog, qui me tient à cœur.
- des heures de farniente au bord de la plage de Miribel, à bronzer comme jamais et à faire plaisir à mes yeux.
- des spectacles musicaux ou théâtraux de qualité.
- des photos, des photos, des photos et des photos.
- de bons moments détendus, des pique-niques, des bavardages téléphoniques, ou via commentaires et emails, avec ceux que j'aime.
Ces rencontres, cette amitié, cette tendresse ont pour noms J., Stéphane, Fabrice, Gérard, Noëlle, Emile, Amédé, Kikou, Danielle, Anna, Philippe, Olivier, Raphaël, Lancelot, et d'autres sans doute que j'oublie.
Comme pour finir en beauté, Août à Lyon nous offre en ce moment-même son dernier orage, qui se voudrait violent mais ne l'est pas, qui gronde un peu avant de s'éloigner,.... comme l'été.
Mais mon propos n'est pas de parler de la rentrée ni du scolaire, plutôt de cet été dont, même si le calendrier n'est pas d'accord avec nous, nous rendons la clé demain matin, à la sonnerie plus précoce du réveil. J'ai lu le bilan de celui de Lancelot, les regrets d'Olivier face son août qui fout le camp. Tous deux ont eu une saison heureuse et bien remplie. Et moi? Je l'ai dit: j'ai rarement éprouvé autant de plaisir que cet été. Plaisir dû en grande partie à un sentiment intense de liberté. Mais il y a eu aussi, si l'on veut faire la liste:
- un soleil largement présent sur l'ensemble de ces deux mois (avec quelques jours seulement d'exception).
- aucune copie d'examen à corriger (fait rarissime).
- un très agréable séjour dans la Creuse où des amis m'ont vraiment ouvert leur cœur.
- un nouveau parquet dans ma chambre.
- la lecture, en général plaisante, d'une dizaine de romans.
- la course à pieds, deux ou trois fois par semaine, seul ou en agréable compagnie.
- la rencontre d'un jeune coureur sympathique.
- la rencontre d'un blogueur passionné d'histoire et de gastronomie.
- la rencontre (encore que téléphonique) de son ami d'enfance, autre blogueur qui ne crache pas sur la bonne chair.
- la rencontre d'un blog, dont j'ai déjà parlé il y a peu et de la sensibilité qui l'habite.
- la reprise, après un long silence, d'un autre blog, qui me tient à cœur.
- des heures de farniente au bord de la plage de Miribel, à bronzer comme jamais et à faire plaisir à mes yeux.
- des spectacles musicaux ou théâtraux de qualité.
- des photos, des photos, des photos et des photos.
- de bons moments détendus, des pique-niques, des bavardages téléphoniques, ou via commentaires et emails, avec ceux que j'aime.
Ces rencontres, cette amitié, cette tendresse ont pour noms J., Stéphane, Fabrice, Gérard, Noëlle, Emile, Amédé, Kikou, Danielle, Anna, Philippe, Olivier, Raphaël, Lancelot, et d'autres sans doute que j'oublie.
Comme pour finir en beauté, Août à Lyon nous offre en ce moment-même son dernier orage, qui se voudrait violent mais ne l'est pas, qui gronde un peu avant de s'éloigner,.... comme l'été.
Pensées
Ne demande pas que ce qui arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu sera heureux.
Manuel d'Epictète, VIII
(Trad. de Mario Meunier.)
Manuel d'Epictète, VIII
(Trad. de Mario Meunier.)
Est-il bien normal, cet homme-là?
Gastronomie.
Il est tard. Je n'ai pas sommeil. Je rentre du restaurant, un bon repas avec Fabrice dans un vrai bouchon lyonnais, La Meunière, Rue Neuve.
J'ai beaucoup trop mangé. Mais je résiste difficilement à cette gastronomie lyonnaise. En entrée, dix saladiers différents: betteraves rouges, céleri rémoulade, salage de museau, pieds de porc, cervelas, harengs et pommes de terre, .... J'ai goûté à tout. Rien que cette entrée, à volonté, aurait suffi à me nourrir. Ensuite, aile de raie sauce gribiche, fromage blanc à la crème (j'ai tout de même pu résister au plateau de fromages secs), et mousse au chocolat à laquelle la serveuse eut la gentillesse d'ajouter une salade de fruits très fraîche (pamplemousse et menthe hachée). Un délice.
Le tout arrosé d'un excellent Brouilly, dont le producteur, si j'ai bien compris, est le frère du patron.
Beaucoup de monde dans les deux petites salles. On s'entendait à peine, ce qui est parfois pénible pour moi qui ai l'oreille un peu dure, mais une ambiance bon enfant, aussi bien de la part des clients que des employés. Fabrice a évoqué, comme il aime le faire, le Lyon d'autrefois dont il est nostalgique et c'est un plaisir, car avec lui j'apprends chaque fois de nouveaux détails sur la vie de la cité.
Pas de longue promenade sur les quais du Rhône ou de la Saône ce soir: l'état de tension de notre peau de ventre interdisait cet ultime exercice. Combien faudra-t-il de tours de parc supplémentaires pour éliminer toutes ces calories superflues... mais tellement bonnes? Peut-être demain matin, si je parviens à me lever assez tôt.
J'ai beaucoup trop mangé. Mais je résiste difficilement à cette gastronomie lyonnaise. En entrée, dix saladiers différents: betteraves rouges, céleri rémoulade, salage de museau, pieds de porc, cervelas, harengs et pommes de terre, .... J'ai goûté à tout. Rien que cette entrée, à volonté, aurait suffi à me nourrir. Ensuite, aile de raie sauce gribiche, fromage blanc à la crème (j'ai tout de même pu résister au plateau de fromages secs), et mousse au chocolat à laquelle la serveuse eut la gentillesse d'ajouter une salade de fruits très fraîche (pamplemousse et menthe hachée). Un délice.
Le tout arrosé d'un excellent Brouilly, dont le producteur, si j'ai bien compris, est le frère du patron.
Beaucoup de monde dans les deux petites salles. On s'entendait à peine, ce qui est parfois pénible pour moi qui ai l'oreille un peu dure, mais une ambiance bon enfant, aussi bien de la part des clients que des employés. Fabrice a évoqué, comme il aime le faire, le Lyon d'autrefois dont il est nostalgique et c'est un plaisir, car avec lui j'apprends chaque fois de nouveaux détails sur la vie de la cité.
Pas de longue promenade sur les quais du Rhône ou de la Saône ce soir: l'état de tension de notre peau de ventre interdisait cet ultime exercice. Combien faudra-t-il de tours de parc supplémentaires pour éliminer toutes ces calories superflues... mais tellement bonnes? Peut-être demain matin, si je parviens à me lever assez tôt.
samedi 30 août 2008
Devant et derrière.
Une petite merveille dénichée cet après-midi alors que je suais sang et eaux pour avancer dans mes préparations latines: ce texte de Martial, poète du Ier siècle ap. J-C, qui est tiré des Épigrammes. Rien que le titre vaut le détour!
Contre un pédéraste masturbant.
Que tu écrases sous ta rude bouche les lèvres délicates du blanc Galésus, que tu couches avec un Ganymède nu, n'est-ce pas déjà trop au dire de tous? Mais restes-en là. Du moins épargne à sa verge les sollicitations d'une main lubrique. Cette main fait plus de mal à ces enfants fragiles que ne leur en fait ton membre. Les doigts créent trop tôt la virilité. De là chez ces mignons cette odeur d'aisselle, ces poils prématurés, cette barbe qui étonne leur mère (...). La nature a donné aux mâles un devant et un derrière: l'un est fait pour les femmes, l'autre pour les hommes. Contente-toi de ton lot.
(XI, 22. Trad de Pierre Richard.)
Je vous jure que je travaillais! Je ne crois pas que je vais m'en servir. De ce texte!
Contre un pédéraste masturbant.
Que tu écrases sous ta rude bouche les lèvres délicates du blanc Galésus, que tu couches avec un Ganymède nu, n'est-ce pas déjà trop au dire de tous? Mais restes-en là. Du moins épargne à sa verge les sollicitations d'une main lubrique. Cette main fait plus de mal à ces enfants fragiles que ne leur en fait ton membre. Les doigts créent trop tôt la virilité. De là chez ces mignons cette odeur d'aisselle, ces poils prématurés, cette barbe qui étonne leur mère (...). La nature a donné aux mâles un devant et un derrière: l'un est fait pour les femmes, l'autre pour les hommes. Contente-toi de ton lot.
(XI, 22. Trad de Pierre Richard.)
Je vous jure que je travaillais! Je ne crois pas que je vais m'en servir. De ce texte!
vendredi 29 août 2008
Un blogueur qui me plaît.
Ce soir, je m'étais dit: sois sage. Un petit billet et basta, repos. J'écris depuis deux heures et j'entame ce troisième billet. Sans doute l'énergie solaire accumulée tout au long de la journée.
J'ai envie maintenant de m'arrêter aussi sur une autre de mes joies de cet été. Je sais que je vais le faire rougir, mais tant pis: il faut que je parle de lui, de celui que j'ai découvert récemment et que, depuis, je lis régulièrement. Oui, il s'agit d'un blogueur qui, après avoir fait naviguer son bateau sur la mer, n'a pas hésité à le lancer dernièrement dans les rugissements et les extases de l'océan. Lui s'est déjà sans doute reconnu. Pour les autres, je parle de Lancelot, du blog Boat on the ocean.
Ce chevalier-là me plaît décidément beaucoup. Je ne sais plus comment j'ai amerri chez lui, mais, depuis, j'y fais de quotidiens voyages, toujours heureux de ce que j'y trouve. Je ne sais presque rien sur lui, je n'ai pas encore remonté ses écrits. Simplement qu'il est prof, comme moi (mais de quoi?), qu'il habite, il me semble, la région de Montpellier, qu'il a son Tinours (c'est mignon, non?) et qu'il a été enchanté par leur voyage en Egypte. Mais cette imprécision me plaît, car elle me permet de me concentrer sur l'essentiel: ses qualités.
D'abord, ses billets sont intéressants, jamais anodins. Ensuite il écrit très bien, et ça, c'est plutôt rare: les mots sont précis, les idées clairement exprimées, les phrases bien construites et rythmées. C'est ce que j'appelle avoir du style. Enfin, j'aime beaucoup la sympathie qui se dégage de ce qu'il écrit, sa modestie, le fait qu'il n'est pas d'un seul bloc, qu'il accepte de montrer ses faiblesses, ses fêlures, d'évoquer ses doutes et ses creux. La vérité comme je l'entends. Je pense très sincèrement que, si nous habitions plus près l'un de l'autre, j'aimerais le compter au nombre de mes amis car il me semble aussi que nous avons, au-delà des différences bien sûr, un certain nombre de points communs.
Voilà, mon cher Lancelot, je m'adresse à toi maintenant. J'espère ne pas t'avoir trop gêné par ce que je viens d'écrire. Mais si mon été fut bon, tu y as toi aussi une petite part. Je vais remonter le temps, ton temps, en lisant tes anciens billets. Je suis sûr qu'ils confirmeront l'image que je me fais de toi. Merci du cadeau précieux que l'on découvre dans ton écrin, dans les soutes de ton bateau, un bien beau bateau.
J'ai envie maintenant de m'arrêter aussi sur une autre de mes joies de cet été. Je sais que je vais le faire rougir, mais tant pis: il faut que je parle de lui, de celui que j'ai découvert récemment et que, depuis, je lis régulièrement. Oui, il s'agit d'un blogueur qui, après avoir fait naviguer son bateau sur la mer, n'a pas hésité à le lancer dernièrement dans les rugissements et les extases de l'océan. Lui s'est déjà sans doute reconnu. Pour les autres, je parle de Lancelot, du blog Boat on the ocean.
Ce chevalier-là me plaît décidément beaucoup. Je ne sais plus comment j'ai amerri chez lui, mais, depuis, j'y fais de quotidiens voyages, toujours heureux de ce que j'y trouve. Je ne sais presque rien sur lui, je n'ai pas encore remonté ses écrits. Simplement qu'il est prof, comme moi (mais de quoi?), qu'il habite, il me semble, la région de Montpellier, qu'il a son Tinours (c'est mignon, non?) et qu'il a été enchanté par leur voyage en Egypte. Mais cette imprécision me plaît, car elle me permet de me concentrer sur l'essentiel: ses qualités.
D'abord, ses billets sont intéressants, jamais anodins. Ensuite il écrit très bien, et ça, c'est plutôt rare: les mots sont précis, les idées clairement exprimées, les phrases bien construites et rythmées. C'est ce que j'appelle avoir du style. Enfin, j'aime beaucoup la sympathie qui se dégage de ce qu'il écrit, sa modestie, le fait qu'il n'est pas d'un seul bloc, qu'il accepte de montrer ses faiblesses, ses fêlures, d'évoquer ses doutes et ses creux. La vérité comme je l'entends. Je pense très sincèrement que, si nous habitions plus près l'un de l'autre, j'aimerais le compter au nombre de mes amis car il me semble aussi que nous avons, au-delà des différences bien sûr, un certain nombre de points communs.
Voilà, mon cher Lancelot, je m'adresse à toi maintenant. J'espère ne pas t'avoir trop gêné par ce que je viens d'écrire. Mais si mon été fut bon, tu y as toi aussi une petite part. Je vais remonter le temps, ton temps, en lisant tes anciens billets. Je suis sûr qu'ils confirmeront l'image que je me fais de toi. Merci du cadeau précieux que l'on découvre dans ton écrin, dans les soutes de ton bateau, un bien beau bateau.
Le jour ultime.
Ma dernière journée de vacances. Oui, samedi et dimanche ne comptent pas, c'est une fin de semaine, un samanche ordinaire, pour tout le monde.
Toute la journée dehors, à profiter du soleil et du beau temps. Parti ce matin à Miribel pour courir avec Raphaël, je fus surpris par la lumière ambiante: pas de celle qui annonce les orages, cachée derrière de gros nuages menaçants. Non, une lumière brumeuse, si cela veut dire quelque chose, fantomatique, qui prédisposait à l'apparition naturelle de dames blanches ou d'esprits errants.
Mais bientôt, comme prévu, le soleil fit sa percée. Sur la plage, Raphaël me quitta et c'est J. qui pique-niqua avec moi. Semblant de sieste suivie d'un intense massage de dos (et de cuisses!) qu'il a semblé apprécier, si j'en crois les petits grognements de contentement qu'il laissait régulièrement échapper.
Ensuite, je comptais rentrer rapidement pour me mettre au travail, un peu tout de même, mais il faisait si beau, si chaud; tout autour de moi, il y avait tant de corps dénudés ou en maillots, bronzés, attirants, gorgés de vie, simplement exposés aux regards, que je finis par ne plus penser à autre chose qu'au moment présent.
Près de moi s'étaient installés trois hommes avec de beaux tatouages et pour l'un d'entre eux un cokring métallique et un piercing au sein gauche. Je leur trouvais l'air farouche jusqu'à ce que le plus proche engage gentiment la conversation avec moi. Une conversation de plage, sans prétention, légère mais agréable et bienvenue.
Résultat: en entrant dans ma salle de bains, au retour, pour prendre une douche, j'ai découvert l'étendue des dégâts. Je ne suis plus bronzé, je suis cuit, de face comme de dos. Seuls les flancs, sous les bras, n'ont rien du homard. Le reste, lui, y fait bigrement songer. Le lait après bronzage dont m'avait fait cadeau ma pharmacienne a vraiment été apprécié.
Et ce soir, petit coucou de J. qui partait pour la boucle en rollers, et téléphone d'Amédé, depuis la clinique où il reste en observation, pour m'apprendre que son ancien ami, dont il n'avait aucune nouvelle depuis cinq ans, venait de le recontacter. Amédé pleurait d'émotion. Il a rappelé Michel quasi immédiatement, après m'avoir demandé non pas un conseil mais un avis. Je suis vraiment heureux que ces deux-là aient renoué le lien. On n'efface pas ainsi dix-huit ans de vie commune.
L'été fut beau pour moi. Et j'aime m'imaginer les couleurs de l'automne qui vont bientôt s'installer dans nos paysages. Merci, la vie.
Toute la journée dehors, à profiter du soleil et du beau temps. Parti ce matin à Miribel pour courir avec Raphaël, je fus surpris par la lumière ambiante: pas de celle qui annonce les orages, cachée derrière de gros nuages menaçants. Non, une lumière brumeuse, si cela veut dire quelque chose, fantomatique, qui prédisposait à l'apparition naturelle de dames blanches ou d'esprits errants.
Mais bientôt, comme prévu, le soleil fit sa percée. Sur la plage, Raphaël me quitta et c'est J. qui pique-niqua avec moi. Semblant de sieste suivie d'un intense massage de dos (et de cuisses!) qu'il a semblé apprécier, si j'en crois les petits grognements de contentement qu'il laissait régulièrement échapper.
Ensuite, je comptais rentrer rapidement pour me mettre au travail, un peu tout de même, mais il faisait si beau, si chaud; tout autour de moi, il y avait tant de corps dénudés ou en maillots, bronzés, attirants, gorgés de vie, simplement exposés aux regards, que je finis par ne plus penser à autre chose qu'au moment présent.
Près de moi s'étaient installés trois hommes avec de beaux tatouages et pour l'un d'entre eux un cokring métallique et un piercing au sein gauche. Je leur trouvais l'air farouche jusqu'à ce que le plus proche engage gentiment la conversation avec moi. Une conversation de plage, sans prétention, légère mais agréable et bienvenue.
Résultat: en entrant dans ma salle de bains, au retour, pour prendre une douche, j'ai découvert l'étendue des dégâts. Je ne suis plus bronzé, je suis cuit, de face comme de dos. Seuls les flancs, sous les bras, n'ont rien du homard. Le reste, lui, y fait bigrement songer. Le lait après bronzage dont m'avait fait cadeau ma pharmacienne a vraiment été apprécié.
Et ce soir, petit coucou de J. qui partait pour la boucle en rollers, et téléphone d'Amédé, depuis la clinique où il reste en observation, pour m'apprendre que son ancien ami, dont il n'avait aucune nouvelle depuis cinq ans, venait de le recontacter. Amédé pleurait d'émotion. Il a rappelé Michel quasi immédiatement, après m'avoir demandé non pas un conseil mais un avis. Je suis vraiment heureux que ces deux-là aient renoué le lien. On n'efface pas ainsi dix-huit ans de vie commune.
L'été fut beau pour moi. Et j'aime m'imaginer les couleurs de l'automne qui vont bientôt s'installer dans nos paysages. Merci, la vie.
L'Apiculteur.
Neige, de Maxence Fermine m'avait enthousiasmé. L'Apiculteur m'a séduit. Bien sûr, la surprise de la découverte ne fonctionnait plus. Je savais plus ou moins à quoi m'attendre: un texte court, au style concis, ruisselant de poésie. Et c'est bien ce que j'ai trouvé là.
En Provence, à la toute fin du XIX° siècle, le fils d'un producteur de lavande se détourne de la tradition familiale et décide de se consacrer à l'apiculture. Mais le feu vient bientôt ravager ses ruches et, après cette lourde perte, Aurélien s'en va pour l'Abyssinie, à la recherche de l'or et de la femme à la peau couleur de ce métal qu'il a entrevue en rêve.
A son retour, il se lancera à nouveau, avec l'aide d'un savant fou cette fois-ci, dans la production de miel à grande échelle. Nouveau coup du sort, c'est la maladie qui anéantira cette deuxième tentative. Mais, derrière ces échecs, il finira par reconnaître ce qui fait "l'or de sa propre vie".
Roman initiatique si l'on veut être sérieux, roman d'aventures si l'on a suffisamment d'imagination, roman d'amour surtout, en fin de compte. Roman plaisant certes, inoubliable sûrement pas.
Un matin de janvier, Aurélien trouva une abeille morte dans la neige. Elle était vêtue d'or et de noir, véritable bijou de feu dans un océan de blancheur. Il la prit délicatement entre le pouce et l'index et la posa sur sa paume.
Au contact de sa peau, l'abeille gelée se brisa comme du verre.
Quand il ouvrit la main et la tourna vers le sol, il vit avec tristesse un peu de poudre d'or scintiller dans les airs et disparaître sur la neige.
En Provence, à la toute fin du XIX° siècle, le fils d'un producteur de lavande se détourne de la tradition familiale et décide de se consacrer à l'apiculture. Mais le feu vient bientôt ravager ses ruches et, après cette lourde perte, Aurélien s'en va pour l'Abyssinie, à la recherche de l'or et de la femme à la peau couleur de ce métal qu'il a entrevue en rêve.
A son retour, il se lancera à nouveau, avec l'aide d'un savant fou cette fois-ci, dans la production de miel à grande échelle. Nouveau coup du sort, c'est la maladie qui anéantira cette deuxième tentative. Mais, derrière ces échecs, il finira par reconnaître ce qui fait "l'or de sa propre vie".
Roman initiatique si l'on veut être sérieux, roman d'aventures si l'on a suffisamment d'imagination, roman d'amour surtout, en fin de compte. Roman plaisant certes, inoubliable sûrement pas.
Un matin de janvier, Aurélien trouva une abeille morte dans la neige. Elle était vêtue d'or et de noir, véritable bijou de feu dans un océan de blancheur. Il la prit délicatement entre le pouce et l'index et la posa sur sa paume.
Au contact de sa peau, l'abeille gelée se brisa comme du verre.
Quand il ouvrit la main et la tourna vers le sol, il vit avec tristesse un peu de poudre d'or scintiller dans les airs et disparaître sur la neige.
jeudi 28 août 2008
Un mystère éclairci.
Pas de billet hier. Mais que se passe-t-il? Qu'est-il arrivé à Calystee? Accident funeste? Manque subit d'inspiration chez ce grand bavard? Départ précipité pour une île déserte en vue d'y savourer le goût du parfait amour en sirotant des cocktails à la noix de coco (beurk!). Non, rien de tout cela.
Calystee n'a tout simplement pas eu le temps! Journée trop bien remplie à ne rien faire qu'à savourer des plaisirs successifs et variés. Le fait de s'exprimer à la troisième personne pour parler de soi n'en étant pas vraiment un, je reviens à la première pour vous raconter la suite.
Qu'ai-je donc fait hier pour finir par délaisser, faute de temps, l'écran et le clavier? Il vous suffit, pour savoir l'essentiel, de vous rendre chez mon compère Tef qui le raconte très bien sur son sien blog. Allez un peu lui rendre visite, ça l'encouragera sans doute à écrire davantage (voir liste de mes favoris, à droite)!
Je vais tout de même vous résumer la chose: course à pied autour du lac de Miribel, avec Raphaël. Il m'épate, ce garçon: il est sportif, certes, mais relativement novice, ce qui ne l'a pas empêché hier de parcourir les onze kilomètres (avec les boucles) en ne cessant de papoter gaîment. Il a du souffle, le gaillard! Ensuite, petite baignade pour se débarrasser du sel sur la peau et se rafraîchir après l'effort.
Un peu plus tard, Stéphane et J. nous ont rejoints sur la plage pour un pique-nique léger. Après le départ de J., qui travaillait, et de Raphaël, nous avons paressé, Stéphane et moi, jusqu'en milieu d'après-midi, à bavarder et à prendre en photos les nombreux cygnes, dont certains, ce jour-là, semblaient un peu agressifs vis-à-vis de leurs congénères. Bon moment d'échange décomplexé et de détente bienvenue.
Après la visite à ma mère et deux longs coups de fil d'amis anciens et nouveaux, départ pour le sixième arrondissement pour dîner avec Marie-Claire. Marie-Claire est une femme de mon âge (je suis son aîné de trois mois à peine) que j'ai beaucoup appréciée tout le temps qu'elle a travaillé avec nous au collège, en tant que cadre administratif et pédagogique. J'ai eu beaucoup à faire avec elle lorsqu'elle devint responsable du niveau cinquième, niveau où je suis professeur principal. J'ai pu alors, je le dis sans langue de bois, profiter de ses talents et de son dynamisme au travail.
Sans doute parce qu'elle faisait sérieusement ombrage à notre directrice de l'époque, réputée pour son incompétence, et parce qu'elle n'était pas du genre à mettre sa langue dans sa poche avec son mouchoir dessus, on trouva un motif sordide pour la licencier. J'étais à l'époque membre du Conseil d'Administration qui gère nos six établissements associés et je me suis battu bec et ongles pour la défendre. Peine perdue, bien sûr: elle fut tout de même renvoyée.
A part une soirée deux ans après son départ, je ne l'avais pas revue depuis treize ans, et c'est par hasard qu'au début de l'été, nous nous sommes croisés dans la rue. Il y a quelques jours, elle m'a rappelé, à ma plus grande joie, et nous avons pris rendez-vous pour hier soir. Visite de son cabinet de psychologue d'abord puis dîner à la Brasserie des Brotteaux, une des plus belles de Lyon.
Nous n'avons pu cacher ni l'un ni l'autre la joie réelle de nous revoir. Aucun ange n'a pu glisser la moindre plume de ses ailes au milieu de notre conversation. Les plats, pourtant délicieux, ont eu le temps, chaque fois, de refroidir avant d'être dégustés. Il fallait combler un fossé de treize ans, laps de temps au cours duquel sa vie encore plus que la mienne a considérablement changé. J'ai vraiment été heureux de la retrouver équilibrée, rassérénée par sa réussite professionnelle, pleine de sourires et de bonne humeur. J'ai parfois un peu de mal à la suivre sur le terrain de son enthousiasme vis à vis des thérapies qu'elle pratique, mais ce dont je suis sûr, c'est que ce n'est pas un charlatan et qu'elle croit profondément en ce qu'elle fait. Elle m'a d'ailleurs confié que la foi chrétienne était un des piliers de sa vie et une référence pour son activité professionnelle.
Marie-Claire m'a déposé devant chez moi tard dans la nuit, tôt ce matin plus précisément, et je n'ai pas eu ensuite le courage de m'atteler à l'écriture. Voilà qui est réparé. Encore une journée pleine de bonnes choses. Et celle d'aujourd'hui? Moins chargée mais tout aussi agréable. Je ne peux tout de même pas vous raconter ma vie! Déjà, je trouve courageux ceux qui sont parvenus à la fin de ce long billet qui, après tout, n'a de réel intérêt que pour moi. D'autant plus que j'avais annoncé un "résumé"!
(Précision ultime pour ce soir: quand j'écris "beurk" au premier paragraphe, cela concerne la noix de coco, pas le parfait amour. Mais vous l'aviez compris!)
Calystee n'a tout simplement pas eu le temps! Journée trop bien remplie à ne rien faire qu'à savourer des plaisirs successifs et variés. Le fait de s'exprimer à la troisième personne pour parler de soi n'en étant pas vraiment un, je reviens à la première pour vous raconter la suite.
Qu'ai-je donc fait hier pour finir par délaisser, faute de temps, l'écran et le clavier? Il vous suffit, pour savoir l'essentiel, de vous rendre chez mon compère Tef qui le raconte très bien sur son sien blog. Allez un peu lui rendre visite, ça l'encouragera sans doute à écrire davantage (voir liste de mes favoris, à droite)!
Je vais tout de même vous résumer la chose: course à pied autour du lac de Miribel, avec Raphaël. Il m'épate, ce garçon: il est sportif, certes, mais relativement novice, ce qui ne l'a pas empêché hier de parcourir les onze kilomètres (avec les boucles) en ne cessant de papoter gaîment. Il a du souffle, le gaillard! Ensuite, petite baignade pour se débarrasser du sel sur la peau et se rafraîchir après l'effort.
Un peu plus tard, Stéphane et J. nous ont rejoints sur la plage pour un pique-nique léger. Après le départ de J., qui travaillait, et de Raphaël, nous avons paressé, Stéphane et moi, jusqu'en milieu d'après-midi, à bavarder et à prendre en photos les nombreux cygnes, dont certains, ce jour-là, semblaient un peu agressifs vis-à-vis de leurs congénères. Bon moment d'échange décomplexé et de détente bienvenue.
Après la visite à ma mère et deux longs coups de fil d'amis anciens et nouveaux, départ pour le sixième arrondissement pour dîner avec Marie-Claire. Marie-Claire est une femme de mon âge (je suis son aîné de trois mois à peine) que j'ai beaucoup appréciée tout le temps qu'elle a travaillé avec nous au collège, en tant que cadre administratif et pédagogique. J'ai eu beaucoup à faire avec elle lorsqu'elle devint responsable du niveau cinquième, niveau où je suis professeur principal. J'ai pu alors, je le dis sans langue de bois, profiter de ses talents et de son dynamisme au travail.
Sans doute parce qu'elle faisait sérieusement ombrage à notre directrice de l'époque, réputée pour son incompétence, et parce qu'elle n'était pas du genre à mettre sa langue dans sa poche avec son mouchoir dessus, on trouva un motif sordide pour la licencier. J'étais à l'époque membre du Conseil d'Administration qui gère nos six établissements associés et je me suis battu bec et ongles pour la défendre. Peine perdue, bien sûr: elle fut tout de même renvoyée.
A part une soirée deux ans après son départ, je ne l'avais pas revue depuis treize ans, et c'est par hasard qu'au début de l'été, nous nous sommes croisés dans la rue. Il y a quelques jours, elle m'a rappelé, à ma plus grande joie, et nous avons pris rendez-vous pour hier soir. Visite de son cabinet de psychologue d'abord puis dîner à la Brasserie des Brotteaux, une des plus belles de Lyon.
Nous n'avons pu cacher ni l'un ni l'autre la joie réelle de nous revoir. Aucun ange n'a pu glisser la moindre plume de ses ailes au milieu de notre conversation. Les plats, pourtant délicieux, ont eu le temps, chaque fois, de refroidir avant d'être dégustés. Il fallait combler un fossé de treize ans, laps de temps au cours duquel sa vie encore plus que la mienne a considérablement changé. J'ai vraiment été heureux de la retrouver équilibrée, rassérénée par sa réussite professionnelle, pleine de sourires et de bonne humeur. J'ai parfois un peu de mal à la suivre sur le terrain de son enthousiasme vis à vis des thérapies qu'elle pratique, mais ce dont je suis sûr, c'est que ce n'est pas un charlatan et qu'elle croit profondément en ce qu'elle fait. Elle m'a d'ailleurs confié que la foi chrétienne était un des piliers de sa vie et une référence pour son activité professionnelle.
Marie-Claire m'a déposé devant chez moi tard dans la nuit, tôt ce matin plus précisément, et je n'ai pas eu ensuite le courage de m'atteler à l'écriture. Voilà qui est réparé. Encore une journée pleine de bonnes choses. Et celle d'aujourd'hui? Moins chargée mais tout aussi agréable. Je ne peux tout de même pas vous raconter ma vie! Déjà, je trouve courageux ceux qui sont parvenus à la fin de ce long billet qui, après tout, n'a de réel intérêt que pour moi. D'autant plus que j'avais annoncé un "résumé"!
(Précision ultime pour ce soir: quand j'écris "beurk" au premier paragraphe, cela concerne la noix de coco, pas le parfait amour. Mais vous l'aviez compris!)
Rectificatif explicatif.
Beaucoup de commentaires à mon billet de photos. Il faut alors que je précise deux ou trois choses.
D'abord le titre: Mes obsessions est un peu racoleur, sans que je l'aie prémédité. J'avais simplement l'intention de montrer le type de photos que je prenais le plus souvent, à savoir des motifs d'architecture isolés de leur contexte et devenant, pour moi, beaux en soi, sans utilité apparente mais beaux. S'ajoutent à cette première "obsession" les chaises empilées, photos qui peuvent s'expliquer de la même manière: c'est la ligne, ou les lignes qui m'intéressent, dans leur répétition, leur démultiplication, leur mise en abîme. Pourquoi surtout les chaises? Parce que, simplement, c'est ce que l'on trouve le plus facilement dehors en cette saison.
Ensuite, j'ai rajouté les deux dernières, celles qui ont le plus intrigué.
La paire de chaussures de sport. Non, je ne suis en aucune manière fétichiste de ce genre d'objets, ni d'aucun autre d'ailleurs, pas vraiment. C'est une photo que j'ai prise au mois de Juin, après la sortie des classes, une fois la horde des élèves partie, laissant derrière elle ces trophées abandonnés. Il y avait dans ce couloir, comme chaque année, des montagnes de vêtements divers et variés, perdus et jamais récupérés, jamais réclamés. Cette paire de souliers m'a intéressé particulièrement, parce qu'elle m'a vaguement rappelé un tableau de Van Gogh montrant deux croquenots déjà bien fatigués. Deux chaussures de marque descendues au rang de détritus rejetés sur le bord de la mer par les vagues de la marée haute. Un petit côté pathétique. De plus, j'aime beaucoup les couleurs de cette photo et l'atmosphère qui s'en dégage.
Enfin la boutique fermée de barbes à papa. Elle est effectivement venue remplacer un autre cliché initialement choisi mais dont le flou s'est vite avéré plus gênant qu'artistique, en tout cas à mon avis. Pourquoi cette image? Parce que, comme la précédente, elle montre des aspects de la vie quotidienne, banale, voire triviale, aspects que j'aime aussi, beaucoup, photographier. Parce que j'aime bien la forme que prend le drapé de la bâche repliée. Et dernière raison: parce que nous étions, un midi, passé récemment avec J. près de ce stand ouvert et j'avais évoqué devant lui cette photo. J'ai donc voulu, petit clin d'œil, la lui montrer ici. Aucun mystère là derrière donc.
Comme je vois que ça a l'air de vous plaire, je vous en ferai une deuxième livraison dans quelques jours. Si vous êtes sages!
D'abord le titre: Mes obsessions est un peu racoleur, sans que je l'aie prémédité. J'avais simplement l'intention de montrer le type de photos que je prenais le plus souvent, à savoir des motifs d'architecture isolés de leur contexte et devenant, pour moi, beaux en soi, sans utilité apparente mais beaux. S'ajoutent à cette première "obsession" les chaises empilées, photos qui peuvent s'expliquer de la même manière: c'est la ligne, ou les lignes qui m'intéressent, dans leur répétition, leur démultiplication, leur mise en abîme. Pourquoi surtout les chaises? Parce que, simplement, c'est ce que l'on trouve le plus facilement dehors en cette saison.
Ensuite, j'ai rajouté les deux dernières, celles qui ont le plus intrigué.
La paire de chaussures de sport. Non, je ne suis en aucune manière fétichiste de ce genre d'objets, ni d'aucun autre d'ailleurs, pas vraiment. C'est une photo que j'ai prise au mois de Juin, après la sortie des classes, une fois la horde des élèves partie, laissant derrière elle ces trophées abandonnés. Il y avait dans ce couloir, comme chaque année, des montagnes de vêtements divers et variés, perdus et jamais récupérés, jamais réclamés. Cette paire de souliers m'a intéressé particulièrement, parce qu'elle m'a vaguement rappelé un tableau de Van Gogh montrant deux croquenots déjà bien fatigués. Deux chaussures de marque descendues au rang de détritus rejetés sur le bord de la mer par les vagues de la marée haute. Un petit côté pathétique. De plus, j'aime beaucoup les couleurs de cette photo et l'atmosphère qui s'en dégage.
Enfin la boutique fermée de barbes à papa. Elle est effectivement venue remplacer un autre cliché initialement choisi mais dont le flou s'est vite avéré plus gênant qu'artistique, en tout cas à mon avis. Pourquoi cette image? Parce que, comme la précédente, elle montre des aspects de la vie quotidienne, banale, voire triviale, aspects que j'aime aussi, beaucoup, photographier. Parce que j'aime bien la forme que prend le drapé de la bâche repliée. Et dernière raison: parce que nous étions, un midi, passé récemment avec J. près de ce stand ouvert et j'avais évoqué devant lui cette photo. J'ai donc voulu, petit clin d'œil, la lui montrer ici. Aucun mystère là derrière donc.
Comme je vois que ça a l'air de vous plaire, je vous en ferai une deuxième livraison dans quelques jours. Si vous êtes sages!
Univers d'écolier.
Page 190 du catalogue Ikea 2009, tout récemment trouvé dans ma boîte à lettres. Une chambre d'adolescent. Titre de présentation: "Faire de la place pour faire ses devoirs". On comprend tout!
Non, je ne parlerai pas de la répétition du verbe archi banal "faire" mais de l'illustration de cette page. Que voit-on? Un pan de mur d'un bleu profond rappelé par des classeurs, un tapis et un couvre-lit de même teinte. Contre ce mur, le coin-travail de ce charmant garçon. (Eh oui, bleu, pour moi, c'est garçon. Je sais, je suis d'un traditionnel! Et je préfère l'imaginer charmant plutôt que moche et contrefait.) Des étagères de bibliothèque, un bureau encastré et quelques rangements, le tout d'un blanc immaculé comme celui de la chaise pivotante.
Bel effet, sans doute. Mais n'oublions pas le titre de cette page: "Faire de la place pour faire ses devoirs". Or, de place libre, je n'en vois point. Le plan de travail est occupé par un ordinateur, écran et clavier. Quant au labeur censé être évoqué ici, pas la trace de l'ombre d'un frémissement de ce côté-là. Je vois au contraire dans un coin une télévision apparemment avec magnétoscope intégré, sur une des étagères des cassettes vidéo et, nec plus ultra, une banquette (pour quoi faire?) sur laquelle trône une console vidéo. Tous objets fortement utiles dans le cursus scolaire de ces futurs bacheliers, comme chacun sait!
Voilà ce qui s'appelle pour moi, en parlant vulgairement, se foutre de la gueule du monde, si l'on veut faire croire qu'avec l'achat de cet ensemble, l'enfant ne peut que réussir ses études. Ou alors, c'est ainsi que la société voit les choses, mais alors il ne faut plus demander aux profs de ramer à contre-courant (et il faut avoir lu les nouveaux programmes de français, entre autres, pour comprendre de quoi je parle) et d'ennuyer les élèves par l'acquisition d'un culture creuse pour eux. A noter bien sûr que l'objet-livre a totalement disparu de cet univers. De quoi frémir!
C'était le quart d'heure "mauvaise humeur" (dû peut-être au simple fait que je n'ai vraiment pas envie de m'y remettre!)
Non, je ne parlerai pas de la répétition du verbe archi banal "faire" mais de l'illustration de cette page. Que voit-on? Un pan de mur d'un bleu profond rappelé par des classeurs, un tapis et un couvre-lit de même teinte. Contre ce mur, le coin-travail de ce charmant garçon. (Eh oui, bleu, pour moi, c'est garçon. Je sais, je suis d'un traditionnel! Et je préfère l'imaginer charmant plutôt que moche et contrefait.) Des étagères de bibliothèque, un bureau encastré et quelques rangements, le tout d'un blanc immaculé comme celui de la chaise pivotante.
Bel effet, sans doute. Mais n'oublions pas le titre de cette page: "Faire de la place pour faire ses devoirs". Or, de place libre, je n'en vois point. Le plan de travail est occupé par un ordinateur, écran et clavier. Quant au labeur censé être évoqué ici, pas la trace de l'ombre d'un frémissement de ce côté-là. Je vois au contraire dans un coin une télévision apparemment avec magnétoscope intégré, sur une des étagères des cassettes vidéo et, nec plus ultra, une banquette (pour quoi faire?) sur laquelle trône une console vidéo. Tous objets fortement utiles dans le cursus scolaire de ces futurs bacheliers, comme chacun sait!
Voilà ce qui s'appelle pour moi, en parlant vulgairement, se foutre de la gueule du monde, si l'on veut faire croire qu'avec l'achat de cet ensemble, l'enfant ne peut que réussir ses études. Ou alors, c'est ainsi que la société voit les choses, mais alors il ne faut plus demander aux profs de ramer à contre-courant (et il faut avoir lu les nouveaux programmes de français, entre autres, pour comprendre de quoi je parle) et d'ennuyer les élèves par l'acquisition d'un culture creuse pour eux. A noter bien sûr que l'objet-livre a totalement disparu de cet univers. De quoi frémir!
C'était le quart d'heure "mauvaise humeur" (dû peut-être au simple fait que je n'ai vraiment pas envie de m'y remettre!)
mardi 26 août 2008
Photos: mes obsessions.
Recentrage
Ce qui va me manquer, dans le nouveau rythme que je serai contraint d'adopter dès la semaine prochaine, reprise oblige, ce sont ces longs rendez-vous du soir, trop longs sans doute, à écrire ces billets, à voyager dans l'univers des autres, à écouter des musiques, à regarder des vidéos.
Il faut absolument que je me réserve un certain nombre d'heures de sommeil. L'an dernier, j'ai un peu trop tiré sur cette corde-là. Il faut dire, à ma décharge, que ma fatigue venait aussi de nuits trop entrecoupées de réveils brusques, avec ou sans angoisses. Le lever étant prévu à la même heure tous les jours, c'est à dire six heures, je voudrais gagner du repos sur la soirée, parvenir à me coucher vers vingt-trois heures, à dormir au moins sept heures par nuit. Je voudrais....
Il est presque sûr, donc, que j'écrirai beaucoup moins. Un billet par soir, c'est probable, mais guère plus. D'ailleurs, j'ai eu l'idée, hier, de vérifier le nombre de billets de ce blog depuis son ouverture: celui-ci doit être le sept cent dix huitième (ou 719°) depuis octobre 2007. Est-ce vraiment raisonnable? Toutes ces heures passées à pianoter sur le clavier! J'en ai tiré beaucoup de joie et d'équilibre, mais tout de même, je frise l'assuétude. Ou alors, je suis extrêmement bavard, ou les deux.
Petit recentrage prévisible donc. Je vais sans doute procéder également à un tri parmi les blogs que je lis, principalement ceux qui n'apparaissent pas dans ma liste de favoris. En effet, certains, qui m'ont intéressé un moment, ne me passionnent plus vraiment, ou sont trop irréguliers dans leurs publications. D'autres étant venus s'y ajouter, je me retrouve aujourd'hui avec une liste assez impressionnante que je souhaite donc alléger. Bien sûr, mes chouchous, mes petits préférés resteront là. Non, pas de noms, il y aurait des jaloux!
P-S: que veut dire "assuétude"? Eh bien, c'est le mot français (issu du latin) que tout le monde, chez nous, devrait employer à la place de cet affreux anglicisme d'"addiction"
Il faut absolument que je me réserve un certain nombre d'heures de sommeil. L'an dernier, j'ai un peu trop tiré sur cette corde-là. Il faut dire, à ma décharge, que ma fatigue venait aussi de nuits trop entrecoupées de réveils brusques, avec ou sans angoisses. Le lever étant prévu à la même heure tous les jours, c'est à dire six heures, je voudrais gagner du repos sur la soirée, parvenir à me coucher vers vingt-trois heures, à dormir au moins sept heures par nuit. Je voudrais....
Il est presque sûr, donc, que j'écrirai beaucoup moins. Un billet par soir, c'est probable, mais guère plus. D'ailleurs, j'ai eu l'idée, hier, de vérifier le nombre de billets de ce blog depuis son ouverture: celui-ci doit être le sept cent dix huitième (ou 719°) depuis octobre 2007. Est-ce vraiment raisonnable? Toutes ces heures passées à pianoter sur le clavier! J'en ai tiré beaucoup de joie et d'équilibre, mais tout de même, je frise l'assuétude. Ou alors, je suis extrêmement bavard, ou les deux.
Petit recentrage prévisible donc. Je vais sans doute procéder également à un tri parmi les blogs que je lis, principalement ceux qui n'apparaissent pas dans ma liste de favoris. En effet, certains, qui m'ont intéressé un moment, ne me passionnent plus vraiment, ou sont trop irréguliers dans leurs publications. D'autres étant venus s'y ajouter, je me retrouve aujourd'hui avec une liste assez impressionnante que je souhaite donc alléger. Bien sûr, mes chouchous, mes petits préférés resteront là. Non, pas de noms, il y aurait des jaloux!
P-S: que veut dire "assuétude"? Eh bien, c'est le mot français (issu du latin) que tout le monde, chez nous, devrait employer à la place de cet affreux anglicisme d'"addiction"
Un grand pas en avant.
Un autre grand pas en avant aujourd'hui: j'ai rouvert livres et cahiers. Même effet que lorsqu'on plonge dans une eau trop froide. Il m'a bien fallu deux heures pour y retrouver un quelconque plaisir.
J'ai donc lu tout ce qu'Evelyne m'avait envoyé dans le courant de l'été et effectivement découvert avec elle que ce que nous faisions en latin n'était plus dans la droite ligne des instructions officielles. Pourquoi ce décalage? Sans doute parce que depuis plusieurs années, nous avons beaucoup plus investi sur le français que sur les langues anciennes, avec la mise en route de notre ambitieux projet d'innovation pédagogique.
Il est donc grand temps de rafraîchir un peu notre façon de faire. Je me suis lancé dans la deuxième séquence de quatrième, à partir de rien puisque notre manuel n'est plus conforme aux programmes (et que, de toute façon, nous pourrons encore attendre longtemps avant qu'il ne soit changé!). Quatre heures plongé dans les différents spécimens engrangés dans ma bibliothèque, quatre heures à essayer de bâtir une progression qui ne soit pas que du cache-misère, du tape-à-l'œil destiné à endormir l'inspecteur. J'ai bien trouvé le thème général et les textes appropriés. Il restera à mettre tout cela au propre et à affiner les différentes questions et exercices.
Ce qui m'a le plus surpris cet après-midi, c'est ce que j'ai encore cette année ressenti pendant quelques minutes. Non pas du découragement devant la tâche à accomplir mais l'impression que j'en étais profondément incapable. Le premier contact avec l'école a toujours été celui-là: la terreur. Enfant, il fallait m'y conduire manu militari, pendant que j'ameutais toute la rue de mes cris perçants. Chaque fois que j'ai passé un examen, j'ai été tétanisé par cette sous-évaluation de moi-même. En fac, je considérais les autres comme beaucoup plus intelligents que moi. Ce qui m'a toujours sauvé, c'est ma hargne, mon tempérament entêté.
Aujourd'hui, je sais bien que ce ressenti ne dure pas, et je n'y accorde pas plus d'importance que cela. Je trouve simplement curieux qu'après tant d'années consacrées à l'enseignement et généralement plutôt avec bonheur, j'en sois encore à m'estimer, pour quelques minutes, incompétent.
Mais la joie de construire est vite revenue et, comme d'habitude, j'aurais poursuivi encore des heures, jusqu'à tomber de sommeil, si je ne m'étais pas souvenu à temps que j'avais décidé cette année de ne pas oublier d'être parfois égoïste. Alors voilà: livres et cahiers sont refermés pour ce soir et attendront un peu.
J'ai donc lu tout ce qu'Evelyne m'avait envoyé dans le courant de l'été et effectivement découvert avec elle que ce que nous faisions en latin n'était plus dans la droite ligne des instructions officielles. Pourquoi ce décalage? Sans doute parce que depuis plusieurs années, nous avons beaucoup plus investi sur le français que sur les langues anciennes, avec la mise en route de notre ambitieux projet d'innovation pédagogique.
Il est donc grand temps de rafraîchir un peu notre façon de faire. Je me suis lancé dans la deuxième séquence de quatrième, à partir de rien puisque notre manuel n'est plus conforme aux programmes (et que, de toute façon, nous pourrons encore attendre longtemps avant qu'il ne soit changé!). Quatre heures plongé dans les différents spécimens engrangés dans ma bibliothèque, quatre heures à essayer de bâtir une progression qui ne soit pas que du cache-misère, du tape-à-l'œil destiné à endormir l'inspecteur. J'ai bien trouvé le thème général et les textes appropriés. Il restera à mettre tout cela au propre et à affiner les différentes questions et exercices.
Ce qui m'a le plus surpris cet après-midi, c'est ce que j'ai encore cette année ressenti pendant quelques minutes. Non pas du découragement devant la tâche à accomplir mais l'impression que j'en étais profondément incapable. Le premier contact avec l'école a toujours été celui-là: la terreur. Enfant, il fallait m'y conduire manu militari, pendant que j'ameutais toute la rue de mes cris perçants. Chaque fois que j'ai passé un examen, j'ai été tétanisé par cette sous-évaluation de moi-même. En fac, je considérais les autres comme beaucoup plus intelligents que moi. Ce qui m'a toujours sauvé, c'est ma hargne, mon tempérament entêté.
Aujourd'hui, je sais bien que ce ressenti ne dure pas, et je n'y accorde pas plus d'importance que cela. Je trouve simplement curieux qu'après tant d'années consacrées à l'enseignement et généralement plutôt avec bonheur, j'en sois encore à m'estimer, pour quelques minutes, incompétent.
Mais la joie de construire est vite revenue et, comme d'habitude, j'aurais poursuivi encore des heures, jusqu'à tomber de sommeil, si je ne m'étais pas souvenu à temps que j'avais décidé cette année de ne pas oublier d'être parfois égoïste. Alors voilà: livres et cahiers sont refermés pour ce soir et attendront un peu.
lundi 25 août 2008
Neige de printemps.
Il y a des années, j'avais acheté ce premier tome de la tétralogie de Mishima, La Mer de la fertilité. Il resta en l'état très longtemps dans un coin de ma bibliothèque. Un jour que, dernièrement, François-Jean me fit découvrir près de chez lui une librairie d'occasion très bien achalandée, je fis l'acquisition des trois autres volumes.
Ce n'est pas d'une lecture très facile. Le récit est lent, très lent et fait, dans ce premier tome, référence à un passé déjà reculé, à un mode de vie aujourd'hui totalement suranné. Le style colle à cette époque, beau et précis mais s'attardant aux moindres détails, ce dont nous avons complètement perdu l'habitude aujourd'hui.
Mishimi est un écrivain intéressant. Pourtant, jusqu'à ce jour, moi qui m'enthousiasme beaucoup pour la littérature japonaise, je n'ai jamais réussi à totalement l'apprécier. Cette histoire d'amour malheureux et romantique dans le Japon impérial au temps de la Belle Epoque m'a parfois un peu ennuyé. Je m'en veux de dire cela, mais c'est bien ce que j'ai ressenti à certains moments à la lecture de ce livre. Si la poésie magnifique des images de Mishima éclate dans de nombreuses pages, si sa sensualité nous trouble, je trouve d'autres de ces images un peu top prévisibles, certaines peu convaincantes et quelques digressions plus encombrantes qu'utiles. Dans quelque temps, je me lancerai cependant dans la lecture du deuxième tome.
La chaleur brûlante du corps de Kiyoaki ne pouvait s'expliquer seulement par la température de la pièce, et une sorte de fièvre semblait picoter ses oreilles. Il rejeta la couverture et ouvrit le col de son vêtement de nuit. Un feu le brûlait encore en bouillonnant sous la peau et il sentit qu'il ne serait soulagé qu'en ôtant son peignoir, exposant son corps à la fraîcheur du clair de lune. A la fin, las de penser, il se tourna sur le ventre et reposa la tête enfouie dans l'oreiller, son dos nu tourné vers la lune, le sang échauffé battant encore à ses tempes.
Il reposa ainsi, la clarté de la lune inondant le blanc lisse incomparable de son dos dont l'éclat accentuait le contour gracieux du corps, révélant les indices subtils et diffus d'une virilité affirmée; c'était là clairement non pas chair féminine mais chair d'adolescent au seuil de l'âge adulte.
La lune brillait avec une intensité éblouissante du côté gauche de Kiyoaki, là où la chair pâle se soulevait au rythme de son cœur. S'y trouvaient trois grains de beauté, petits, presque invisibles. Et tout comme les trois étoiles du baudrier d'Orion s'affadissent sous une lune radieuse, ces trois grains minuscules étaient presque oblitérés par ses rayons.
(Trad. de Tanguy Kenec'hdu.)
Ce n'est pas d'une lecture très facile. Le récit est lent, très lent et fait, dans ce premier tome, référence à un passé déjà reculé, à un mode de vie aujourd'hui totalement suranné. Le style colle à cette époque, beau et précis mais s'attardant aux moindres détails, ce dont nous avons complètement perdu l'habitude aujourd'hui.
Mishimi est un écrivain intéressant. Pourtant, jusqu'à ce jour, moi qui m'enthousiasme beaucoup pour la littérature japonaise, je n'ai jamais réussi à totalement l'apprécier. Cette histoire d'amour malheureux et romantique dans le Japon impérial au temps de la Belle Epoque m'a parfois un peu ennuyé. Je m'en veux de dire cela, mais c'est bien ce que j'ai ressenti à certains moments à la lecture de ce livre. Si la poésie magnifique des images de Mishima éclate dans de nombreuses pages, si sa sensualité nous trouble, je trouve d'autres de ces images un peu top prévisibles, certaines peu convaincantes et quelques digressions plus encombrantes qu'utiles. Dans quelque temps, je me lancerai cependant dans la lecture du deuxième tome.
La chaleur brûlante du corps de Kiyoaki ne pouvait s'expliquer seulement par la température de la pièce, et une sorte de fièvre semblait picoter ses oreilles. Il rejeta la couverture et ouvrit le col de son vêtement de nuit. Un feu le brûlait encore en bouillonnant sous la peau et il sentit qu'il ne serait soulagé qu'en ôtant son peignoir, exposant son corps à la fraîcheur du clair de lune. A la fin, las de penser, il se tourna sur le ventre et reposa la tête enfouie dans l'oreiller, son dos nu tourné vers la lune, le sang échauffé battant encore à ses tempes.
Il reposa ainsi, la clarté de la lune inondant le blanc lisse incomparable de son dos dont l'éclat accentuait le contour gracieux du corps, révélant les indices subtils et diffus d'une virilité affirmée; c'était là clairement non pas chair féminine mais chair d'adolescent au seuil de l'âge adulte.
La lune brillait avec une intensité éblouissante du côté gauche de Kiyoaki, là où la chair pâle se soulevait au rythme de son cœur. S'y trouvaient trois grains de beauté, petits, presque invisibles. Et tout comme les trois étoiles du baudrier d'Orion s'affadissent sous une lune radieuse, ces trois grains minuscules étaient presque oblitérés par ses rayons.
(Trad. de Tanguy Kenec'hdu.)
Veni, vidi, vici.
Ça y est, je l'ai fait. Veni, vidi, vici. De quoi s'agit-il? Qui ne suit pas ici? De quoi ai-je parlé hier? Qu'ai-je prévu de faire? Allez, un petit effort de mémoire! J'ai parlé de mes chaussures de sport neuves, et ensuite, qu'ai-je dit? J'ai évoqué cinq, cinq.... Bon, je vous donne un indice: ça commence par semi et ça finit par marathon. Oui, c'est ça. Bravo, dans le fond. Vous comprenez vite. Eh bien, c'est fait, ce matin au parc de la Tête d'Or (Il va falloir que je trouve une façon plus rapide d'écrire le nom de ce parc, comme celui de Miribel. Cela m'évitera la tendinite du clavier).
Joël, une connaissance de vieille date, que j'avais aperçu samedi en train de courir lui aussi, m'avait proposé de nous entraîner ensemble ce matin, pour poser les premiers repères. Nous nous sommes retrouvés à 10h, et "Fouette, cocher!", "C'est partie, mon Kiki!", "En voiture, Simone!". Nous avons effectué exactement cinq tours et demi, soit 21 kms, en 1h52 minutes. Mon but au départ étant de réaliser moins de deux heures, on peut dire que j'étais à la fois content et fier de l'avoir concrétisé.
Bien sûr, ça n'est pas de tout repos. A des moments de joie réelle et de sensation de légèreté succèdent, sans que l'on sache vraiment pourquoi, des minutes de fatigue et de plomb dans les jambes. Mais Joël, visiblement plus entraîné, m'a bien épaulé tout au long, ralentissant quand il percevait de la difficulté de ma part, calquant sa foulée sur la mienne, qu'il m'a dit ensuite plus petite, moins développée. A certains moments, j'étais vraiment très content qu'il soit à côté de moi, car j'aurais sans doute fortement ralenti, voire abandonné.
Et les bonnes nouvelles ne s'arrêtent pas là. Alors que nous nous adonnions aux derniers étirements après la course, contre l'une des grilles d'entrée du parc, j'ai vu arriver J., son appareil photos sur le torse, qui s'apprêtait, après m'avoir téléphoné inutilement, à passer sa pause tranquillement en réalisant quelques clichés de dahlias ou autres dernières fleurs de l'été. Sans doute pour fêter mon effort et ma victoire sur les deux heures chrono, il m'a gentiment invité à déjeuner dans le quartier des Brotteaux, dans une brasserie où nous nous régalâmes l'œil, non: les deux, les quatre yeux, à reluquer lubriquement le postérieur fort agréablement rebondi du serveur noir. Après l'effort, le réconfort, donc, comme disait tante Marguerite!
Le reste de la journée? Une bonne sieste et de la lecture. Quoi? Moi, je n'ai pas tout le staff présent à Pékin pour m'enduire d'huile de massage, me pétrir les chairs, m'étirer les muscles, me chouchouter, me dorloter, me caresser, me... Et croyez bien que je le regrette!
Joël, une connaissance de vieille date, que j'avais aperçu samedi en train de courir lui aussi, m'avait proposé de nous entraîner ensemble ce matin, pour poser les premiers repères. Nous nous sommes retrouvés à 10h, et "Fouette, cocher!", "C'est partie, mon Kiki!", "En voiture, Simone!". Nous avons effectué exactement cinq tours et demi, soit 21 kms, en 1h52 minutes. Mon but au départ étant de réaliser moins de deux heures, on peut dire que j'étais à la fois content et fier de l'avoir concrétisé.
Bien sûr, ça n'est pas de tout repos. A des moments de joie réelle et de sensation de légèreté succèdent, sans que l'on sache vraiment pourquoi, des minutes de fatigue et de plomb dans les jambes. Mais Joël, visiblement plus entraîné, m'a bien épaulé tout au long, ralentissant quand il percevait de la difficulté de ma part, calquant sa foulée sur la mienne, qu'il m'a dit ensuite plus petite, moins développée. A certains moments, j'étais vraiment très content qu'il soit à côté de moi, car j'aurais sans doute fortement ralenti, voire abandonné.
Et les bonnes nouvelles ne s'arrêtent pas là. Alors que nous nous adonnions aux derniers étirements après la course, contre l'une des grilles d'entrée du parc, j'ai vu arriver J., son appareil photos sur le torse, qui s'apprêtait, après m'avoir téléphoné inutilement, à passer sa pause tranquillement en réalisant quelques clichés de dahlias ou autres dernières fleurs de l'été. Sans doute pour fêter mon effort et ma victoire sur les deux heures chrono, il m'a gentiment invité à déjeuner dans le quartier des Brotteaux, dans une brasserie où nous nous régalâmes l'œil, non: les deux, les quatre yeux, à reluquer lubriquement le postérieur fort agréablement rebondi du serveur noir. Après l'effort, le réconfort, donc, comme disait tante Marguerite!
Le reste de la journée? Une bonne sieste et de la lecture. Quoi? Moi, je n'ai pas tout le staff présent à Pékin pour m'enduire d'huile de massage, me pétrir les chairs, m'étirer les muscles, me chouchouter, me dorloter, me caresser, me... Et croyez bien que je le regrette!
Sous-nombrilisme.
Ce matin, en me rasant, j'écoutais comme toujours France-inter et j'ai entendu un critique parisien parler de la rentrée littéraire et des nombreux romans, nombre en légère baisse cette année, qui vont dans quelques jours envahir les devantures des librairies, pour les plus chanceux.
En parlant de l'un d'entre eux, il établit un distinguo assez intéressant entre frontières et limites. Apparemment, ces deux mots sont proches de sens et pourtant.
Frontières implique une analyse subtile, un art de laisser deviner, de suggérer sans nommer, de donner à voir sans montrer. J'ai dit un jour que mes confidences intimes ici s'arrêtaient au seuil de la chambre et qu'ensuite la porte se refermait comme dans les vieux films américains. C'est un peu la même idée que matérialise le mot "frontières" pour les romans. Or ce genre de littérature, que je dirais pudique en employant un mot un peu désuet, ne trouve plus guère sa place dans les publications actuelles de la rentrée littéraire.
Il faut alors parler de "limites". Ce dernier mot implique souvent un dépassement, une provocation, une volonté délibérée de choquer, au mieux de surprendre. Ainsi, comme dans le cinéma américain plus récent, la violence est omniprésente, violence des armes ou du sexe chez nous. A mon avis, peut-être veut-on paraître plus "djeune" ou libéré, plus intéressant et remarquable, alors que l'on ne fait que conjuguer des situations rabâchées avec des mots éculés, d'une tristesse à mourir.
Je n'ai rien contre la licence débridée en sexualité. On peut même en parler, l'étaler. (Mais, selon moi, les actes sont dans ce domaine plus intéressants que les mots.) Simplement, il faut savoir de quoi l'on parle, de cul en l'occurrence, et que ce de quoi l'on parle sache rester à sa place, une bonne place, agréable et primordiale, mais pas la seule et pas la plus importante. Il faut enfin, je le pense sincèrement, savoir bien manier la langue, sans mauvais jeu de mots, pour transcender ces ébats et les hausser au niveau du Texte.
Un peu dans le même ordre d'idées, Le Lorgnon Mélancolique, sous le titre "Prémonition" à la date du 24 août, a publié un billet concernant une nouvelle assez ancienne de John Cheever, Le Ver dans la pomme. Je vous invite vivement à aller lire ce billet, car l'idée développée par Cheever est assez originale.
Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'en latin, frontières, limites se dit "fines", que l'on prononce comme notre mot français "finesse". C'est apparemment ce dont manque beaucoup la cuvée 2008 de nos auteurs, géographiquement parlant, "sous-nombrilistes".
En parlant de l'un d'entre eux, il établit un distinguo assez intéressant entre frontières et limites. Apparemment, ces deux mots sont proches de sens et pourtant.
Frontières implique une analyse subtile, un art de laisser deviner, de suggérer sans nommer, de donner à voir sans montrer. J'ai dit un jour que mes confidences intimes ici s'arrêtaient au seuil de la chambre et qu'ensuite la porte se refermait comme dans les vieux films américains. C'est un peu la même idée que matérialise le mot "frontières" pour les romans. Or ce genre de littérature, que je dirais pudique en employant un mot un peu désuet, ne trouve plus guère sa place dans les publications actuelles de la rentrée littéraire.
Il faut alors parler de "limites". Ce dernier mot implique souvent un dépassement, une provocation, une volonté délibérée de choquer, au mieux de surprendre. Ainsi, comme dans le cinéma américain plus récent, la violence est omniprésente, violence des armes ou du sexe chez nous. A mon avis, peut-être veut-on paraître plus "djeune" ou libéré, plus intéressant et remarquable, alors que l'on ne fait que conjuguer des situations rabâchées avec des mots éculés, d'une tristesse à mourir.
Je n'ai rien contre la licence débridée en sexualité. On peut même en parler, l'étaler. (Mais, selon moi, les actes sont dans ce domaine plus intéressants que les mots.) Simplement, il faut savoir de quoi l'on parle, de cul en l'occurrence, et que ce de quoi l'on parle sache rester à sa place, une bonne place, agréable et primordiale, mais pas la seule et pas la plus importante. Il faut enfin, je le pense sincèrement, savoir bien manier la langue, sans mauvais jeu de mots, pour transcender ces ébats et les hausser au niveau du Texte.
Un peu dans le même ordre d'idées, Le Lorgnon Mélancolique, sous le titre "Prémonition" à la date du 24 août, a publié un billet concernant une nouvelle assez ancienne de John Cheever, Le Ver dans la pomme. Je vous invite vivement à aller lire ce billet, car l'idée développée par Cheever est assez originale.
Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'en latin, frontières, limites se dit "fines", que l'on prononce comme notre mot français "finesse". C'est apparemment ce dont manque beaucoup la cuvée 2008 de nos auteurs, géographiquement parlant, "sous-nombrilistes".
dimanche 24 août 2008
Momentini.
Petits grains picorés ces derniers jours, petites notes à un hymne à la joie: le soleil revenu, un repas avec J., qui n'était pas prévu, un bon gratin de pâtes, trois tours de parc avec de nouvelles chaussures et l'ambition demain d'en faire cinq, soit à peu près la distance du semi-marathon, un dimanche autour d'une table, que j'avais pensé lourd et assommant et qui fut au contraire rieur et léger, des photos qui me plaisent et une averse qui me transperce, le retour de mon fleuriste sur le marché ce matin.... et toujours le même président ! Non, là, je plaisante!
Pensées;
Dans l'art de l'écriture et de la lecture tu ne peux enseigner avant d'avoir appris. Il en est de même, à plus forte raison, de l'art de la vie.
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, Livre XI, XXIX.
(Trad. de Mario Meunier.)
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, Livre XI, XXIX.
(Trad. de Mario Meunier.)
Aude.
Il est 22h30 et je n'ai toujours rien écrit.
Je me suis égaré dans la lecture d'autres billets, chez ceux que je visite chaque soir et qui me manqueraient si je n'allais pas y voir. Douce errance, en fait, par la diversité des sujets abordés, la différence des styles, des personnalités affleurant derrière les mots. J'y ai parfois glissé quelques commentaires. J'ai lu des mails envoyés chez moi, touchants, sincères, remplis d'amitié et de tendresse, j'ai répondu à tous, lentement, dans la vérité.
Un blog n'est qu'un blog, bien sûr. On y apparaît sans doute déformé, parcellaire, un peu fardé pour embellir la face ou la cacher. Mais ce qui transparaît ne peut être anodin: c'est bien de nous dont il s'agit. Le portrait est retouché mais le modèle est le même, vu de dos ou en pleine lumière. Sinon, pourquoi écrire?
J'aime ces échanges, que je ne connaissais pas il y a un an. Comment expliquer que moi qui suis plutôt pudique de tempérament (je ne parle pas du corps), je n'éprouve aucune réticence à écrire ici sur moi, sur ce qui me préoccupe, sur ce qui fait mes joies ou qui me tracasse? Je n'en sais rien, et je m'en moque.
Est-ce une nouvelle forme d'échange? La communication directe rendue difficile par la rapidité de la vie, par la peur de ne pas être conforme à la norme, par les stéréotypes que chacun se sent obligé de respecter dans son paraître, se confie-t-on plus facilement derrière le rideau de l'écran, à des inconnus que, pour la plupart, on ne rencontrera jamais? Je le pense. N'est-on pas souvent plus en veine de confidences devant un homme rencontré dans un train, le temps bref du voyage, et qui, le convoi arrêté, disparaîtra à jamais au détour du quai, que devant un proche, famille ou ami?
J'ai souvenir ainsi d'un retour à Lyon, depuis Grenoble, en auto-stop, alors que j'étais étudiant. A la sortie de la ville, une femme s'était arrêtée pour me prendre à son bord. Elle n'allait pas à Lyon mais me proposait de m'avancer un peu sur mon chemin. La conversation s'engagea rapidement, sur la littérature très vite. La conductrice me confia écrire de la poésie et, à ma demande, accepta de me réciter quelques-uns de ses vers.
Quand nous arrivâmes à l'endroit de la route où elle devait me déposer pour prendre, elle, une autre direction, elle me proposa une chose insensée: nous allions passer rapidement chez elle, à la Côte-Saint André, car elle y attendait un courrier urgent, puis elle m'emmènerait jusqu'à Lyon. Cela nous permettrait de poursuivre l'échange. J'eus un instant la peur d'être mangé tout cru, moi avec mes dix-neuf ans par cette "vieille" qui avait sans doute dépassé la trentaine. Mais j'ai toujours aimé le risque.
Quand nous arrivâmes à Lyon, nous étions devenus intimes. Nous savions presque tout sur nos vies réciproques et, ce qui restait à dire, nous prîmes le temps de le murmurer autour d'un plat dans la pizzeria proche de la cité universitaire où je logeais.
En fin de soirée, elle me recopia sur un bout de la nappe un de ses poèmes qu'elle me dédicaça, elle ne monta pas dans ma chambre, nous échangeâmes sans doute un chaste baiser sur la joue (mais de cela je ne suis même pas sûr), elle reprit sa voiture et disparut au premier virage. Je ne l'ai jamais revue. Je sais simplement que c'est une des plus belles soirées de ma vie. J'avais connu là une qualité dans l'échange rarement approchée car totalement gratuite et fugitive.
Aujourd'hui, je me rappelle encore son prénom: elle s'appelait Aude.
Je me suis égaré dans la lecture d'autres billets, chez ceux que je visite chaque soir et qui me manqueraient si je n'allais pas y voir. Douce errance, en fait, par la diversité des sujets abordés, la différence des styles, des personnalités affleurant derrière les mots. J'y ai parfois glissé quelques commentaires. J'ai lu des mails envoyés chez moi, touchants, sincères, remplis d'amitié et de tendresse, j'ai répondu à tous, lentement, dans la vérité.
Un blog n'est qu'un blog, bien sûr. On y apparaît sans doute déformé, parcellaire, un peu fardé pour embellir la face ou la cacher. Mais ce qui transparaît ne peut être anodin: c'est bien de nous dont il s'agit. Le portrait est retouché mais le modèle est le même, vu de dos ou en pleine lumière. Sinon, pourquoi écrire?
J'aime ces échanges, que je ne connaissais pas il y a un an. Comment expliquer que moi qui suis plutôt pudique de tempérament (je ne parle pas du corps), je n'éprouve aucune réticence à écrire ici sur moi, sur ce qui me préoccupe, sur ce qui fait mes joies ou qui me tracasse? Je n'en sais rien, et je m'en moque.
Est-ce une nouvelle forme d'échange? La communication directe rendue difficile par la rapidité de la vie, par la peur de ne pas être conforme à la norme, par les stéréotypes que chacun se sent obligé de respecter dans son paraître, se confie-t-on plus facilement derrière le rideau de l'écran, à des inconnus que, pour la plupart, on ne rencontrera jamais? Je le pense. N'est-on pas souvent plus en veine de confidences devant un homme rencontré dans un train, le temps bref du voyage, et qui, le convoi arrêté, disparaîtra à jamais au détour du quai, que devant un proche, famille ou ami?
J'ai souvenir ainsi d'un retour à Lyon, depuis Grenoble, en auto-stop, alors que j'étais étudiant. A la sortie de la ville, une femme s'était arrêtée pour me prendre à son bord. Elle n'allait pas à Lyon mais me proposait de m'avancer un peu sur mon chemin. La conversation s'engagea rapidement, sur la littérature très vite. La conductrice me confia écrire de la poésie et, à ma demande, accepta de me réciter quelques-uns de ses vers.
Quand nous arrivâmes à l'endroit de la route où elle devait me déposer pour prendre, elle, une autre direction, elle me proposa une chose insensée: nous allions passer rapidement chez elle, à la Côte-Saint André, car elle y attendait un courrier urgent, puis elle m'emmènerait jusqu'à Lyon. Cela nous permettrait de poursuivre l'échange. J'eus un instant la peur d'être mangé tout cru, moi avec mes dix-neuf ans par cette "vieille" qui avait sans doute dépassé la trentaine. Mais j'ai toujours aimé le risque.
Quand nous arrivâmes à Lyon, nous étions devenus intimes. Nous savions presque tout sur nos vies réciproques et, ce qui restait à dire, nous prîmes le temps de le murmurer autour d'un plat dans la pizzeria proche de la cité universitaire où je logeais.
En fin de soirée, elle me recopia sur un bout de la nappe un de ses poèmes qu'elle me dédicaça, elle ne monta pas dans ma chambre, nous échangeâmes sans doute un chaste baiser sur la joue (mais de cela je ne suis même pas sûr), elle reprit sa voiture et disparut au premier virage. Je ne l'ai jamais revue. Je sais simplement que c'est une des plus belles soirées de ma vie. J'avais connu là une qualité dans l'échange rarement approchée car totalement gratuite et fugitive.
Aujourd'hui, je me rappelle encore son prénom: elle s'appelait Aude.
samedi 23 août 2008
Le bel été.
Ce titre de Cesare Pavese m'a toujours attiré. Pourtant ce n'est pas de littérature italienne que je vais parler, mais de mon bel été, à moi. Les vacances ne sont pas tout à fait terminées, il me reste encore la semaine prochaine, mais l'été peu à peu s'en va: il fait moins beau, plus frais, les jours diminuent déjà de façon visible, les places de stationnement se font de plus en plus rares, certains lyonnais redeviennent agressifs au volant.
Les jours prochains, je vais encore courir, voir des amis, partir avec appareil photos en poche mais il me faudra aussi remettre un peu le nez dans les cahiers. J'ai promis quelques préparations à mes collègues de français et je n'ai rien fait pour l'instant, qu'acheter mon agenda septembre/septembre et mon carnet de notes. Et puis ce programme de latin à revoir. Et puis ne pas oublier que j'ai demandé une inspection.
Mais, curieusement, tout ceci ne m'angoisse pas particulièrement. On peut même dire que j'éprouve vis à vis de ces obligations un royal détachement. D'où vient cette sérénité? De mon été, que j'ai aimé cette année plus que depuis bien longtemps. Premier été de bonheur. En 2005, c'était la mort de Pierre. 2006: un voyage en Italie qui aurait dû me combler de joie, mais qui fut gâché par un terrible mal au genou et la façon trop ostentatoire qu'eut l'ami avec qui j'étais parti de me montrer qu'il me faisait là la charité de sa présence. 2007: le déménagement de ma mère après la mort de mon père.
Cette année, je suis peu parti, au total. J'ai dû quitter Lyon une petite dizaine de jours: une semaine en Creuse, qui a permis de bien relancer la machine, et trois jours en Savoie. Pourtant j'ai une impression de grand bien être. Hormis la contrainte des visites régulières à ma mère, j'ai vécu absolument comme je le voulais.
Rester très tard le soir devant cet écran, me lever quand bon me semblait après une nuit de bon sommeil retrouvé (il semble redevenir un peu plus capricieux ces derniers jours), ne pas culpabiliser de ne rien faire, y trouver même un plaisir intense, entre lectures, siestes et farniente au soleil de Miribel. J'ai beaucoup écrit, j'ai pu enfin rédiger ce qui me tenait beaucoup à coeur, les Lettres à Pierre, j'ai fait la connaissance d'un blogueur intéressant et d'un coureur sympathique, avec lesquels j'ai passé quelques moments agréables.
J'ai vécu des soirées souvent enthousiasmantes avec les spectacles dehors organisés par la ville de Lyon. Je n'ai eu mal nulle part, j'ai continué à m'approprier mon appartement. A aucun moment, je n'ai ressenti la solitude. Je peux même dire que, lorsqu'elle était effective, elle était la bienvenue. J'avais besoin de repos. Je m'y suis exercé. J'avais besoin de prendre un peu de distance, même avec moi-même. Je l'ai fait.
Il y a très longtemps que je ne me suis pas trouvé aussi bien dans ma peau. Bien sûr, on peut dire: rendez-vous dans un mois, après la période très fatigante de démarrage de l'année. Oui, mais ce qui est pris est pris et j'aborde la rentrée (Dieu, que je n'ai pas envie, cette fois-ci!) avec sans doute de meilleurs atouts en main. Et puis, il y a des gens que je serai très heureux de retrouver parmi mes collègues, et voir arriver de nouvelles classes ne m'a jamais déplu ni angoissé.
Reste à ne pas oublier la recette au détour d'un trimestre, la perdre au milieu des trop nombreuses copies à corriger ou des innombrables réunions à avaler. Penser à se réserver des moments pour être heureux, rien que soi, égoïstement ou en compagnie choisie. Et vivre une année riche et sereine, comme cet été.
Les jours prochains, je vais encore courir, voir des amis, partir avec appareil photos en poche mais il me faudra aussi remettre un peu le nez dans les cahiers. J'ai promis quelques préparations à mes collègues de français et je n'ai rien fait pour l'instant, qu'acheter mon agenda septembre/septembre et mon carnet de notes. Et puis ce programme de latin à revoir. Et puis ne pas oublier que j'ai demandé une inspection.
Mais, curieusement, tout ceci ne m'angoisse pas particulièrement. On peut même dire que j'éprouve vis à vis de ces obligations un royal détachement. D'où vient cette sérénité? De mon été, que j'ai aimé cette année plus que depuis bien longtemps. Premier été de bonheur. En 2005, c'était la mort de Pierre. 2006: un voyage en Italie qui aurait dû me combler de joie, mais qui fut gâché par un terrible mal au genou et la façon trop ostentatoire qu'eut l'ami avec qui j'étais parti de me montrer qu'il me faisait là la charité de sa présence. 2007: le déménagement de ma mère après la mort de mon père.
Cette année, je suis peu parti, au total. J'ai dû quitter Lyon une petite dizaine de jours: une semaine en Creuse, qui a permis de bien relancer la machine, et trois jours en Savoie. Pourtant j'ai une impression de grand bien être. Hormis la contrainte des visites régulières à ma mère, j'ai vécu absolument comme je le voulais.
Rester très tard le soir devant cet écran, me lever quand bon me semblait après une nuit de bon sommeil retrouvé (il semble redevenir un peu plus capricieux ces derniers jours), ne pas culpabiliser de ne rien faire, y trouver même un plaisir intense, entre lectures, siestes et farniente au soleil de Miribel. J'ai beaucoup écrit, j'ai pu enfin rédiger ce qui me tenait beaucoup à coeur, les Lettres à Pierre, j'ai fait la connaissance d'un blogueur intéressant et d'un coureur sympathique, avec lesquels j'ai passé quelques moments agréables.
J'ai vécu des soirées souvent enthousiasmantes avec les spectacles dehors organisés par la ville de Lyon. Je n'ai eu mal nulle part, j'ai continué à m'approprier mon appartement. A aucun moment, je n'ai ressenti la solitude. Je peux même dire que, lorsqu'elle était effective, elle était la bienvenue. J'avais besoin de repos. Je m'y suis exercé. J'avais besoin de prendre un peu de distance, même avec moi-même. Je l'ai fait.
Il y a très longtemps que je ne me suis pas trouvé aussi bien dans ma peau. Bien sûr, on peut dire: rendez-vous dans un mois, après la période très fatigante de démarrage de l'année. Oui, mais ce qui est pris est pris et j'aborde la rentrée (Dieu, que je n'ai pas envie, cette fois-ci!) avec sans doute de meilleurs atouts en main. Et puis, il y a des gens que je serai très heureux de retrouver parmi mes collègues, et voir arriver de nouvelles classes ne m'a jamais déplu ni angoissé.
Reste à ne pas oublier la recette au détour d'un trimestre, la perdre au milieu des trop nombreuses copies à corriger ou des innombrables réunions à avaler. Penser à se réserver des moments pour être heureux, rien que soi, égoïstement ou en compagnie choisie. Et vivre une année riche et sereine, comme cet été.
Tempora et corpora.
De génération en génération, la plastique change. Lorsque l'on voit, dans des archives photographiques ou télévisuelles, les athlètes participant aux Jeux Olympiques, par exemple, quelle que soit leur discipline, on est bien obligé de constater que les corps des années vingt n'ont rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. Et il ne s'agit pas seulement d'une différence de musculature, évidente bien sûr, mais pas forcément signe d'avancée ou de progrès, puisque souvent non naturelle.
Non, la silhouette, la taille ont beaucoup évolué. Combien les français ont-ils pris de centimètres en un siècle? Je ne parle pas seulement des sportifs, mais de l'ensemble de la population. Je me souviens bien du corps des ouvriers, dans mon enfance, de leur torse en particulier. Il me semblait plus ramassé, plus trapu, moins poilu aussi. Leurs bras étaient noueux comme des pieds de vigne, leur visage moins stéréotypé. Sans parler du vêtement, plus standardisé, plus terne de couleurs, plus traditionnel de coupe. Le corps se cachait, alors. Nous vivions encore sur la lancée du XIX°.
Aujourd'hui, qu'ils soient grands ou plus ramassés, les corps n'ont pas le même aspect. Mieux dessinés, respirant la santé, la bonne nourriture, peut-être aussi l'effort moindre au quotidien. Je les envie parfois de ne pas être nés dans l'immédiat après-guerre, à un moment où de sévères carences en apports nutritifs restaient encore à combler. Pour ma part, même issu d'une famille modeste, je n'ai manqué de rien, mais je n'ai pas connu l'abondance non plus. Je crois que les dernières cartes de rationnement ont disparu en France en 1949, et je suis né en 52.
Aussi, quand je les vois dans les rues, sur la plage ou n'importe où ailleurs, à l'aise dans leur corps qu'ils n'ont aucune gêne, au contraire, à montrer, suis-je, dans un premier temps, un peu agacé par leur attitude. Ensuite, bien sûr, le naturel reprend le dessus et je prends plaisir au spectacle.
Pourtant, rares sont les garçons chez qui je repère de la grâce: du sex-appeal, du pousse-au-crime, des formes qui excitent les sens, parfois une ombre de veulerie ou de provocation vulgaire, oui, mais de la grâce, point. Qu'est-ce que j'appelle la grâce? Peut-être le charme lié à l'élégance naturelle. Quelque chose, en tout cas, que l'on perçoit tout de suite et qui n'aiguille pas, à la première seconde, vers la satisfaction de la libido.
Ces hommes (je parlais, bien sûr des hommes), dont les plus vieux ont approximativement trente-cinq ou quarante ans, me semble-t-il, j'ai toujours une image d'eux bébés nourris par Nestlé. Aussi onctueux et sans surprises que ce lait, aussi calmes et repus que les vaches du pays helvétique. Que l'on me pardonne cette exagération, mais c'est bien la première image que j'ai en les voyant. Sans doute existe-t-il des tas d'exceptions (j'en connais), à ce que je veux bien croire une caricature. Et peut-être n'est-ce, après tout, que la manifestation de jalousie d'un vieux pervers?
Moi, la grâce, telle que je l'ai définie, je la rencontre chez des femmes. Mais peut-être y suis-je plus sensible lorsque ma libido affiche le calme plat! Et lorsqu'elle apparaît chez un homme, elle me bouleverse chaque fois, comme la découverte inattendue d'un tableau ou d'une musique.
Non, la silhouette, la taille ont beaucoup évolué. Combien les français ont-ils pris de centimètres en un siècle? Je ne parle pas seulement des sportifs, mais de l'ensemble de la population. Je me souviens bien du corps des ouvriers, dans mon enfance, de leur torse en particulier. Il me semblait plus ramassé, plus trapu, moins poilu aussi. Leurs bras étaient noueux comme des pieds de vigne, leur visage moins stéréotypé. Sans parler du vêtement, plus standardisé, plus terne de couleurs, plus traditionnel de coupe. Le corps se cachait, alors. Nous vivions encore sur la lancée du XIX°.
Aujourd'hui, qu'ils soient grands ou plus ramassés, les corps n'ont pas le même aspect. Mieux dessinés, respirant la santé, la bonne nourriture, peut-être aussi l'effort moindre au quotidien. Je les envie parfois de ne pas être nés dans l'immédiat après-guerre, à un moment où de sévères carences en apports nutritifs restaient encore à combler. Pour ma part, même issu d'une famille modeste, je n'ai manqué de rien, mais je n'ai pas connu l'abondance non plus. Je crois que les dernières cartes de rationnement ont disparu en France en 1949, et je suis né en 52.
Aussi, quand je les vois dans les rues, sur la plage ou n'importe où ailleurs, à l'aise dans leur corps qu'ils n'ont aucune gêne, au contraire, à montrer, suis-je, dans un premier temps, un peu agacé par leur attitude. Ensuite, bien sûr, le naturel reprend le dessus et je prends plaisir au spectacle.
Pourtant, rares sont les garçons chez qui je repère de la grâce: du sex-appeal, du pousse-au-crime, des formes qui excitent les sens, parfois une ombre de veulerie ou de provocation vulgaire, oui, mais de la grâce, point. Qu'est-ce que j'appelle la grâce? Peut-être le charme lié à l'élégance naturelle. Quelque chose, en tout cas, que l'on perçoit tout de suite et qui n'aiguille pas, à la première seconde, vers la satisfaction de la libido.
Ces hommes (je parlais, bien sûr des hommes), dont les plus vieux ont approximativement trente-cinq ou quarante ans, me semble-t-il, j'ai toujours une image d'eux bébés nourris par Nestlé. Aussi onctueux et sans surprises que ce lait, aussi calmes et repus que les vaches du pays helvétique. Que l'on me pardonne cette exagération, mais c'est bien la première image que j'ai en les voyant. Sans doute existe-t-il des tas d'exceptions (j'en connais), à ce que je veux bien croire une caricature. Et peut-être n'est-ce, après tout, que la manifestation de jalousie d'un vieux pervers?
Moi, la grâce, telle que je l'ai définie, je la rencontre chez des femmes. Mais peut-être y suis-je plus sensible lorsque ma libido affiche le calme plat! Et lorsqu'elle apparaît chez un homme, elle me bouleverse chaque fois, comme la découverte inattendue d'un tableau ou d'une musique.
Verba Seniorum.
(Paroles des Anciens).
Si vous avez un coffre rempli de vêtements et restez longtemps sans l'ouvrir, les vêtements qui sont à l'intérieur pourriront. Le même phénomène se produit avec les pensées de notre cœur. Si nous ne les extériorisons pas en actes, elles se gâtent à la longue et deviennent mauvaises.
(Il s'agit de pensées concises, dites apophtegmes, d'ermites du désert égyptien au IV°siècle. Celle-ci, de l'abbé Poemen, est citée dans La Sagesse du désert, de Thomas Merton, Albin Michel, 2006.)
Si vous avez un coffre rempli de vêtements et restez longtemps sans l'ouvrir, les vêtements qui sont à l'intérieur pourriront. Le même phénomène se produit avec les pensées de notre cœur. Si nous ne les extériorisons pas en actes, elles se gâtent à la longue et deviennent mauvaises.
(Il s'agit de pensées concises, dites apophtegmes, d'ermites du désert égyptien au IV°siècle. Celle-ci, de l'abbé Poemen, est citée dans La Sagesse du désert, de Thomas Merton, Albin Michel, 2006.)
vendredi 22 août 2008
Lettre à vous: douzième lettre
Il m'est difficile d'écrire après les deux billets précédents. Pourtant, je veux le faire, car il n'y a aucune tristesse.
L'un , le premier texte, est sans doute ce dont je suis le plus fier dans ma vie. Avoir eu le courage de l'écrire, et surtout de le dire, dans cette église pleine, face à la famille, face aux amis, face aux inconnus. Je ne pouvais laisser partir Pierre sans ce mot d'amour. Son frère l'a compris et m'a aidé. Je l'ai fait, j'en suis profondément heureux. Aujourd'hui, l'émotion est toujours là à la lecture, à l'évocation de petits bouts de notre quotidien, mais c'est la joie d'avoir parlé une dernière fois à Pierre, de lui avoir redit mon amour, qui l'emporte.
L'autre est un texte de Jean de la Croix que j'ai découvert le jour de la sépulture grâce à un ami. Il s'agit bien sûr d'amour divin, mystique, mais dit avec des mots si profondément humains. Un grand amour m'attend, je vais pousser la porte et il sera là. Il me prendra dans ses bras et ni la pluie ni le vent ni le froid ne pourront plus m'atteindre. Je serai dans sa chaleur, dans la lumière qui émane de son être, je m'oublierai en lui. Nous ne formerons plus qu'un. Ces mots sont humains, avant tout, même si la foi les transcende. Pardon à ceux que je blesse en écrivant cela.
J'ai hésité longtemps à retranscrire ici mon ultime message à Pierre. Tout ceci est tellement intime. Mais le courage est sans doute le même que celui que j'ai trouvé à le dire il y a trois ans. Je ne m'expose pas. Pourquoi le ferais-je? J'ai besoin de me le redire à moi, ici parce qu'ici m'a aidé ces derniers mois à laisser partir la barque sans plus chercher à la retenir. Je sais que d'autres lisent ces lignes, vous que je ne connais pas pour la plupart, mais je vous fais confiance. Votre silence ou, dans les lettres précédentes, la beauté de vos commentaires, dont je vous remercie mais auxquels, exceptionnellement, je ne répondrai pas, me rassurent, m'incitent à ne pas garder pour moi ce que j'ai vécu comme un trésor.
Si ce que j'ai écrit sur notre histoire aide seulement une personne, un seul être, à mieux vivre sa vie, je serais très heureux. Le dire m'a aidé, moi, à tourner sans doute les dernières pages de ce livre. Triste de le refermer? Non, heureux de l'avoir feuilleté en savourant chaque page, de pouvoir dire: c'est beau, n'ayez pas peur!, c'est possible, osez! Heureux de l'avoir vécu, d'avoir été choisi pour le vivre. Heureux d'être moi et d'avoir été nous.
L'un , le premier texte, est sans doute ce dont je suis le plus fier dans ma vie. Avoir eu le courage de l'écrire, et surtout de le dire, dans cette église pleine, face à la famille, face aux amis, face aux inconnus. Je ne pouvais laisser partir Pierre sans ce mot d'amour. Son frère l'a compris et m'a aidé. Je l'ai fait, j'en suis profondément heureux. Aujourd'hui, l'émotion est toujours là à la lecture, à l'évocation de petits bouts de notre quotidien, mais c'est la joie d'avoir parlé une dernière fois à Pierre, de lui avoir redit mon amour, qui l'emporte.
L'autre est un texte de Jean de la Croix que j'ai découvert le jour de la sépulture grâce à un ami. Il s'agit bien sûr d'amour divin, mystique, mais dit avec des mots si profondément humains. Un grand amour m'attend, je vais pousser la porte et il sera là. Il me prendra dans ses bras et ni la pluie ni le vent ni le froid ne pourront plus m'atteindre. Je serai dans sa chaleur, dans la lumière qui émane de son être, je m'oublierai en lui. Nous ne formerons plus qu'un. Ces mots sont humains, avant tout, même si la foi les transcende. Pardon à ceux que je blesse en écrivant cela.
J'ai hésité longtemps à retranscrire ici mon ultime message à Pierre. Tout ceci est tellement intime. Mais le courage est sans doute le même que celui que j'ai trouvé à le dire il y a trois ans. Je ne m'expose pas. Pourquoi le ferais-je? J'ai besoin de me le redire à moi, ici parce qu'ici m'a aidé ces derniers mois à laisser partir la barque sans plus chercher à la retenir. Je sais que d'autres lisent ces lignes, vous que je ne connais pas pour la plupart, mais je vous fais confiance. Votre silence ou, dans les lettres précédentes, la beauté de vos commentaires, dont je vous remercie mais auxquels, exceptionnellement, je ne répondrai pas, me rassurent, m'incitent à ne pas garder pour moi ce que j'ai vécu comme un trésor.
Si ce que j'ai écrit sur notre histoire aide seulement une personne, un seul être, à mieux vivre sa vie, je serais très heureux. Le dire m'a aidé, moi, à tourner sans doute les dernières pages de ce livre. Triste de le refermer? Non, heureux de l'avoir feuilleté en savourant chaque page, de pouvoir dire: c'est beau, n'ayez pas peur!, c'est possible, osez! Heureux de l'avoir vécu, d'avoir été choisi pour le vivre. Heureux d'être moi et d'avoir été nous.
Un grand amour m'attend.
Un grand amour m'attend.
Ce qui se passera de l'autre côté
Quand tout pour moi aura basculé dans l'éternité...
Je ne le sais pas!
Je crois, je crois seulement
Qu'un grand amour m'attend.
Je sais pourtant qu'alors, pauvre et dépouillé,
Je laisserai Dieu peser le poids de ma vie,
Mais ne pensez pas que je désespère...
Non, je crois, je crois tellement
Qu'un grand amour m'attend.
Maintenant que mon heure est proche,
Que la voix de l'éternité m'invite à franchir le mur,
Ce que j'ai cru, je le croirai plus fort
Au pas de la mort.
C'est vers un amour que je marche en m'en allant;
C'est dans son amour que je tends les bras,
C'est dans la vie que je descends doucement.
Si je meurs, ne pleurez pas,
C'est un amour qui me prend paisiblement.
Si j'ai peur et pourquoi pas?
Rappelez-moi souvent, simplement,
Qu'un grand amour m'attend.
Mon rédempteur va m'ouvrir la porte
De la joie de sa lumière.
Oui, Père, voici que je viens vers Toi
Comme un enfant, je viens me jeter dans ton amour
Ton amour qui m'attend.
Jean de la Croix.
Ce qui se passera de l'autre côté
Quand tout pour moi aura basculé dans l'éternité...
Je ne le sais pas!
Je crois, je crois seulement
Qu'un grand amour m'attend.
Je sais pourtant qu'alors, pauvre et dépouillé,
Je laisserai Dieu peser le poids de ma vie,
Mais ne pensez pas que je désespère...
Non, je crois, je crois tellement
Qu'un grand amour m'attend.
Maintenant que mon heure est proche,
Que la voix de l'éternité m'invite à franchir le mur,
Ce que j'ai cru, je le croirai plus fort
Au pas de la mort.
C'est vers un amour que je marche en m'en allant;
C'est dans son amour que je tends les bras,
C'est dans la vie que je descends doucement.
Si je meurs, ne pleurez pas,
C'est un amour qui me prend paisiblement.
Si j'ai peur et pourquoi pas?
Rappelez-moi souvent, simplement,
Qu'un grand amour m'attend.
Mon rédempteur va m'ouvrir la porte
De la joie de sa lumière.
Oui, Père, voici que je viens vers Toi
Comme un enfant, je viens me jeter dans ton amour
Ton amour qui m'attend.
Jean de la Croix.
Lettre à Pierre: onzième lettre.
Voici les derniers mots que je t'ai dits, Pierre, il y a trois ans, debout devant le rectangle de bois qui me masquait le monde. Ces mots, je les ai arrachés de mes tripes. Je voulais les prononcer. J'avais peur de ne pas y parvenir. Je ne sais pas si tous m'ont entendu. Ma voix se perdait parfois dans un sanglot trop fort. Maurice, ton frère, était tout prêt de moi. Je l'ai voulu ainsi, nous t'avions accompagné tous deux. Toi, je sais que tu m'as entendu.
Pierre, mon Pierre,
Tu n'es plus là. Pendant trente-trois ans, nous avons cheminé ensemble. Nous avons passé chaque jour de ces trois dernières années à lutter contre ta maladie, à garder toujours l'espoir ancré en nous malgré les souffrances et la peine. Et mardi, tu es parti. Calmement, tu as arrêté de vivre. Le combat était fini pour toi.
Le dernier mot que je t'ai dit à la clinique, c'est merci. Je crois que beaucoup de gens, présents ici ou pas, pourraient eux aussi te dire merci. La plupart ont bénéficié de tes conseils, de ton amitié, de ton intelligence, de ton humour. Si parfois tu n'étais pas payé en retour, tu en étais surpris et tu en souffrais: il était loin de toi, le monde des mesquins! Mais tu continuais avec les autres, avec tous ceux, la majorité, qui furent tes vrais amis.
Nous nous sommes mutuellement épaulés pendant trente-trois ans. Tu m'a appris à aimer Bach, je t'ai appris à aimer les chiens; tu m'a appris à être plus patient, je t'ai appris à te défendre parfois; tu n'es jamais parvenu à m'apprendre le nœud de cravate (la preuve!), je n'ai jamais vraiment réussi à te faire harmoniser chaussettes et pantalon. Mais surtout, nous nous sommes appris à vivre, heureux sans oublier personne. C'est pour cela que je te dis, merci, mon Pierre: pour ce bonheur, cette lumière qui illuminait le bleu de ton regard, cette intelligence qui ne demandait qu'à partager et embrasait l'autre, cette connivence que nous avions au-delà des mots.
Le jour de ton ordination, tu avais choisi la phrase de Saint Irénée: "La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant". Tu es parti mardi, jour de la Saint Irénée, veille des Saints Pierre et Paul. Cette phrase, mon Pierre, je l'aime, car je sais grâce à toi qu'elle est vraie: tu as toujours été et tu resteras toujours pour moi un HOMME VIVANT. J'espère, pour le temps qui me reste à vivre, ne jamais démériter de toi.
Merci, mon Pierre.
Pierre, mon Pierre,
Tu n'es plus là. Pendant trente-trois ans, nous avons cheminé ensemble. Nous avons passé chaque jour de ces trois dernières années à lutter contre ta maladie, à garder toujours l'espoir ancré en nous malgré les souffrances et la peine. Et mardi, tu es parti. Calmement, tu as arrêté de vivre. Le combat était fini pour toi.
Le dernier mot que je t'ai dit à la clinique, c'est merci. Je crois que beaucoup de gens, présents ici ou pas, pourraient eux aussi te dire merci. La plupart ont bénéficié de tes conseils, de ton amitié, de ton intelligence, de ton humour. Si parfois tu n'étais pas payé en retour, tu en étais surpris et tu en souffrais: il était loin de toi, le monde des mesquins! Mais tu continuais avec les autres, avec tous ceux, la majorité, qui furent tes vrais amis.
Nous nous sommes mutuellement épaulés pendant trente-trois ans. Tu m'a appris à aimer Bach, je t'ai appris à aimer les chiens; tu m'a appris à être plus patient, je t'ai appris à te défendre parfois; tu n'es jamais parvenu à m'apprendre le nœud de cravate (la preuve!), je n'ai jamais vraiment réussi à te faire harmoniser chaussettes et pantalon. Mais surtout, nous nous sommes appris à vivre, heureux sans oublier personne. C'est pour cela que je te dis, merci, mon Pierre: pour ce bonheur, cette lumière qui illuminait le bleu de ton regard, cette intelligence qui ne demandait qu'à partager et embrasait l'autre, cette connivence que nous avions au-delà des mots.
Le jour de ton ordination, tu avais choisi la phrase de Saint Irénée: "La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant". Tu es parti mardi, jour de la Saint Irénée, veille des Saints Pierre et Paul. Cette phrase, mon Pierre, je l'aime, car je sais grâce à toi qu'elle est vraie: tu as toujours été et tu resteras toujours pour moi un HOMME VIVANT. J'espère, pour le temps qui me reste à vivre, ne jamais démériter de toi.
Merci, mon Pierre.
jeudi 21 août 2008
Lettre à pierre: dixième lettre.
Mon Pierre, évoquer les chardons. Il le faut bien aussi. Nous nous sommes griffés, nous avons mis parfois des ronces sous nos pas. Innocemment d'abord. Nous avons cru nos coeurs plus grands qu'ils ne l'étaient.
Peut-on aimer multiple? Je n'ai pas la réponse. Nous avons essayé. Frotter des épidermes comme on râpe un fromage, y laisser des lambeaux de rien, ça n'a pas d'importance. Mais aimer? Et nous avons aimé. Chacun ailleurs. Il faut nous rendre cet hommage: nous avons aimé. Nous avons donné sans calculer ce que nous retirions à l'autre, cruellement. Toi d'abord puis moi.
Il sortait d'une cure de sommeil, après une tentative de suicide. Il est entré chez nous. Nous voulions notre porte ouverte. Il était jeune, comme je l'avais été. Tu as voulu l'aider, comme tu m'avais aidé. Et tu t'es mis à l'aimer, comme un fou. Je n'ai pu supporter ce regard d'amour sur un autre que moi. J'étais exclu de la passion. Je ne suis pas parti, je ne t'ai rien interdit. Je t'aimais trop. Je t'ai demandé le silence. Je croyais qu'il me ferait du bien.
Très vite, je descendis dans l'ombre. J'imaginais tes absences, tes tendresses d'ailleurs. Je calculais ton temps, je fouillais tes papiers, je sentais tes chemises. J'en voulais à nos amis de ne rien savoir ou de ne rien me dire. J'étais malheureux, Pierre. Et tu ne le voyais pas.
Jean-Luc ne t'aimait pas autant que tu l'aimais. Il te le dit un jour. Lorsque tu revins à moi, tu étais malheureux. J'étais parti ailleurs. Ce fut notre plus grosse épine. J'ai failli te quitter. Deux mois de passion folle, comme toi. Passion veut dire souffrir, je le sais maintenant. Je t'aimais, je l'aimais. Quand j'étais avec lui, c'est à toi que je pensais. Je nous voulais heureux, tous les trois. Je mesurais les frontières d'un coeur. Il comprit et partit. Alors, tous les deux, nous conjuguâmes nos souffrances.
Pourquoi notre histoire ne s'est-elle pas arrêtée ce jour-là? Quel élan a relancé la vie? Les années écoulées ensemble? L'habitude et le confort? Le partage des valeurs? La joie de l'échange intellectuel? Je ne sais pas. Plus sûrement la certitude que, tout en aimant ailleurs, nous n'avons jamais cessé de nous aimer. De cela, je suis sûr. Plutôt que d'élargir les plaies, nous les avons soignées, ensemble, comme deux chiots d'une même portée attaqués par un renard.
Plus jamais le bateau ne tangua aussi fort. L'innocence était partie. Nous apprîmes à protéger l'autre, à nous protéger aussi. Rencontres de hasard, sans aucun lendemain. Ou bien de l'épiderme, quelques fois répété. Toi, tu devins presque sage. Moi, je m'enivrais souvent du vin des aventures furtives, en revenant toujours me désaltérer à la source d'eau fraîche.
Jean-Luc mourut un jour du sida. Il était devenu mon ami. Profondément. Il ne connaissait pas son père. J'étais seul, moi orphelin de mon géniteur, à comprendre sa quête acharnée. Il y parvint. L'autre ne voulut pas le voir. Il en sortit serein, pourtant. Il avait fait ce qui était dû. Pour cela, je lui ai pardonné, je l'ai aimé, un autre frère.
Et nos amours, faut-il qu'il m'en souvienne. La joie venait toujours après la peine. Elle est revenue, pour des années encore. Nous étions enracinés. Les fleurs ont repoussé. Mon Pierre, veux-tu que je te dise? Notre amour fut intelligent. Et tant pis si cela fait sourire. Tu m'as fait un beau cadeau. Notre vie fut un cadeau. Sur ton lit de mort, je t'ai dit un dernier mot: merci. Je te le redis aujourd'hui. Et je continue ma route. Si mon pas flanche encore, je sais maintenant à quoi me raccrocher.
Peut-on aimer multiple? Je n'ai pas la réponse. Nous avons essayé. Frotter des épidermes comme on râpe un fromage, y laisser des lambeaux de rien, ça n'a pas d'importance. Mais aimer? Et nous avons aimé. Chacun ailleurs. Il faut nous rendre cet hommage: nous avons aimé. Nous avons donné sans calculer ce que nous retirions à l'autre, cruellement. Toi d'abord puis moi.
Il sortait d'une cure de sommeil, après une tentative de suicide. Il est entré chez nous. Nous voulions notre porte ouverte. Il était jeune, comme je l'avais été. Tu as voulu l'aider, comme tu m'avais aidé. Et tu t'es mis à l'aimer, comme un fou. Je n'ai pu supporter ce regard d'amour sur un autre que moi. J'étais exclu de la passion. Je ne suis pas parti, je ne t'ai rien interdit. Je t'aimais trop. Je t'ai demandé le silence. Je croyais qu'il me ferait du bien.
Très vite, je descendis dans l'ombre. J'imaginais tes absences, tes tendresses d'ailleurs. Je calculais ton temps, je fouillais tes papiers, je sentais tes chemises. J'en voulais à nos amis de ne rien savoir ou de ne rien me dire. J'étais malheureux, Pierre. Et tu ne le voyais pas.
Jean-Luc ne t'aimait pas autant que tu l'aimais. Il te le dit un jour. Lorsque tu revins à moi, tu étais malheureux. J'étais parti ailleurs. Ce fut notre plus grosse épine. J'ai failli te quitter. Deux mois de passion folle, comme toi. Passion veut dire souffrir, je le sais maintenant. Je t'aimais, je l'aimais. Quand j'étais avec lui, c'est à toi que je pensais. Je nous voulais heureux, tous les trois. Je mesurais les frontières d'un coeur. Il comprit et partit. Alors, tous les deux, nous conjuguâmes nos souffrances.
Pourquoi notre histoire ne s'est-elle pas arrêtée ce jour-là? Quel élan a relancé la vie? Les années écoulées ensemble? L'habitude et le confort? Le partage des valeurs? La joie de l'échange intellectuel? Je ne sais pas. Plus sûrement la certitude que, tout en aimant ailleurs, nous n'avons jamais cessé de nous aimer. De cela, je suis sûr. Plutôt que d'élargir les plaies, nous les avons soignées, ensemble, comme deux chiots d'une même portée attaqués par un renard.
Plus jamais le bateau ne tangua aussi fort. L'innocence était partie. Nous apprîmes à protéger l'autre, à nous protéger aussi. Rencontres de hasard, sans aucun lendemain. Ou bien de l'épiderme, quelques fois répété. Toi, tu devins presque sage. Moi, je m'enivrais souvent du vin des aventures furtives, en revenant toujours me désaltérer à la source d'eau fraîche.
Jean-Luc mourut un jour du sida. Il était devenu mon ami. Profondément. Il ne connaissait pas son père. J'étais seul, moi orphelin de mon géniteur, à comprendre sa quête acharnée. Il y parvint. L'autre ne voulut pas le voir. Il en sortit serein, pourtant. Il avait fait ce qui était dû. Pour cela, je lui ai pardonné, je l'ai aimé, un autre frère.
Et nos amours, faut-il qu'il m'en souvienne. La joie venait toujours après la peine. Elle est revenue, pour des années encore. Nous étions enracinés. Les fleurs ont repoussé. Mon Pierre, veux-tu que je te dise? Notre amour fut intelligent. Et tant pis si cela fait sourire. Tu m'as fait un beau cadeau. Notre vie fut un cadeau. Sur ton lit de mort, je t'ai dit un dernier mot: merci. Je te le redis aujourd'hui. Et je continue ma route. Si mon pas flanche encore, je sais maintenant à quoi me raccrocher.
Montée vers la lumière.
Ce soir, j'ai envie de musique. le Lento d'ouverture de la symphonie n°3 de Henryk Gorecki, Chants de deuil. J'aime cette musique. Elle n'a selon moi rien de lugubre.
La lente progression du premier mouvement, tiré, comme l'indique le livret, des Chants de Lysagora (15°siècle) du monastère de la Sainte-Croix, est pour moi une progression vers la lumière, la sérénité. Toujours d'après le livret joint au CD, le deuxième mouvement reprend le début d'une prière polonaise à la Vierge, Zdrowas Mario, qu'une détenue du camp de concentration de Zakopane avait inscrite sur le mur de sa cellule. La voix chaude et modulée de la soprano Zofia Kilanowicz lui insuffle toute sa dimension mystique. Pour le dernier mouvement, Gorecki a utilisé un chant populaire dans le dialecte de la région d'Opole. Et la lumière éclate enfin.
Il se dégage de cette oeuvre un calme, un absolu, l'enracinement de la foi sûre d'elle-même que j'ai rarement perçus ailleurs. Lorsque la pâte lève à l'intérieur, image que j'emprunte à Lancelot (pardonne-moi), qu'elle tient trop de place, qu'elle devient trop lourde, je me passe ce disque et le soufflé dégonfle.
Voici la traduction que j'ai faite de ces trois textes, à partir de la traduction anglaise.
1er mouvement:
Mon fils, mon élu, mon amour,
Laisse ta mère partager tes blessures
Et puisque, fils adoré,
Je t'ai toujours gardé dans mon coeur,
Toujours servi fidèlement,
Parle à ta mère,
Rends-lui la joie,
Même si, mon espérance chérie,
Tu me quittes aujourd'hui.
2eme mouvement:
Mère, non, ne pleure pas,
Reine du Ciel toujours chaste,
Aide-moi toujours.
Salut, marie.
3eme mouvement:
Où est-il parti,
Mon fils très aimé?
Tué par le dur ennemi, peut-être,
Dans sa rébellion.
Toi, peuple mauvais,
Au nom du Dieu saint,
Dis-moi pourquoi tu as tué
Mon fils aimé.
Plus jamais
Je n'aurai sa protection.
Que j'assèche
Mes vieilles paupières,
Ou que mes larmes amères
Aient engendré un nouvel Oder,
Elles ne feront pas revenir
Mon fils à la vie.
Il git dans la tombe
Je ne sais pas où
J'ai beau le demander
Partout
Peut-être le pauvre garçon
Git-il dans un fossé raboteux
Au lieu de reposer, comme il le pouvait,
Dans la chaleur d'un lit.
Chantez pour lui, chantez,
Petits oiseaux de Dieu,
Car sa mère
Ne peut le retrouver.
Et vous, petites fleurs du Seigneur,
Puissiez-vous vous épanouir tout autour
Pour que mon fils
Trouve le sommeil.
La lente progression du premier mouvement, tiré, comme l'indique le livret, des Chants de Lysagora (15°siècle) du monastère de la Sainte-Croix, est pour moi une progression vers la lumière, la sérénité. Toujours d'après le livret joint au CD, le deuxième mouvement reprend le début d'une prière polonaise à la Vierge, Zdrowas Mario, qu'une détenue du camp de concentration de Zakopane avait inscrite sur le mur de sa cellule. La voix chaude et modulée de la soprano Zofia Kilanowicz lui insuffle toute sa dimension mystique. Pour le dernier mouvement, Gorecki a utilisé un chant populaire dans le dialecte de la région d'Opole. Et la lumière éclate enfin.
Il se dégage de cette oeuvre un calme, un absolu, l'enracinement de la foi sûre d'elle-même que j'ai rarement perçus ailleurs. Lorsque la pâte lève à l'intérieur, image que j'emprunte à Lancelot (pardonne-moi), qu'elle tient trop de place, qu'elle devient trop lourde, je me passe ce disque et le soufflé dégonfle.
Voici la traduction que j'ai faite de ces trois textes, à partir de la traduction anglaise.
1er mouvement:
Mon fils, mon élu, mon amour,
Laisse ta mère partager tes blessures
Et puisque, fils adoré,
Je t'ai toujours gardé dans mon coeur,
Toujours servi fidèlement,
Parle à ta mère,
Rends-lui la joie,
Même si, mon espérance chérie,
Tu me quittes aujourd'hui.
2eme mouvement:
Mère, non, ne pleure pas,
Reine du Ciel toujours chaste,
Aide-moi toujours.
Salut, marie.
3eme mouvement:
Où est-il parti,
Mon fils très aimé?
Tué par le dur ennemi, peut-être,
Dans sa rébellion.
Toi, peuple mauvais,
Au nom du Dieu saint,
Dis-moi pourquoi tu as tué
Mon fils aimé.
Plus jamais
Je n'aurai sa protection.
Que j'assèche
Mes vieilles paupières,
Ou que mes larmes amères
Aient engendré un nouvel Oder,
Elles ne feront pas revenir
Mon fils à la vie.
Il git dans la tombe
Je ne sais pas où
J'ai beau le demander
Partout
Peut-être le pauvre garçon
Git-il dans un fossé raboteux
Au lieu de reposer, comme il le pouvait,
Dans la chaleur d'un lit.
Chantez pour lui, chantez,
Petits oiseaux de Dieu,
Car sa mère
Ne peut le retrouver.
Et vous, petites fleurs du Seigneur,
Puissiez-vous vous épanouir tout autour
Pour que mon fils
Trouve le sommeil.
mercredi 20 août 2008
Pensées.
Prends garde de ne jamais avoir envers les misanthropes les sentiments qu'ont les misanthropes à l'égard des hommes.
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, Livre VII, LXV.
(Trad. de Mario Meunier.)
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, Livre VII, LXV.
(Trad. de Mario Meunier.)
Lettres à Pierre: neuvième lettre.
Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Pourquoi apprendre la nostalgie aux enfants? Il n'en faut pas. Couper vif. Je ne sais pas toujours faire.
La maison a été vendue. Les voisins, que j'appelle à Noël, me disent que l'on y fait de gros travaux. Les murs seuls subsistent. Le reste en gravas sur les fleurs, sur mes arbres. Ce n'est plus mon affaire. Je ne serais jamais allé à Bons sans toi.
J'avais remonté le mur de pierres sèches au fond de la cour. Une pierre, deux pierres à relever, poussées par tout le poids du pré au-dessus. Un travail de mes reins, de mes mains. Toutes les pierres, à la fin, repositionnées. J'étais fier d'être bâtisseur. Il n'a jamais bougé.
Pendant que tu dormais, je m'occupais dehors. Indépendants. Toujours. Nous nous retrouvions à la veillée et aux repas. Parfois, nous partions visiter une abbaye ou arpenter un bois. Dans la journée, nous n'avions pas besoin de nous parler. Chacun à l'écoute de ses pensées, de ses prières, et des chansons de l'autre. Le soir, parfois, rarement, quand l'envie devenait trop forte, je te quittais deux heures et revenais ensuite, apaisé par des mains de rencontre. Tu souriais toujours, heureux que la fièvre m'ait quitté.
Je plantais un lilas, je plantais des rosiers. Tout poussait. L'un d'eux, de roses rouges, généreuses, sous ma fenêtre, embaumait. Un autre, de vieille souche, se gorgeait de boutons avant de s'épandre vite en neige rose sur le sol, près de la porte. Des iris, des jonquilles, des hortensias contre le mur, une pivoine aussi et des belles de nuit. Tout poussait. Des promeneurs s'arrêtaient parfois pour admirer. J'étais fier. J'avais fait quelque chose de mes mains.
Mon outil favori était un vieux tournevis à la pointe arrondie en douceur, que je prenais en main pour déterrer, planter, écarter ou piquer. Le voisin voulait me prêter les bons instruments. Je revenais toujours à lui. Je ne savais pas travailler avec autre chose. Je l'ai rapporté. Il est ici, à Lyon. Je ne l'utilise pas. Je sais qu'il est ici. Il ne reconnaîtrait pas sa terre.
Tu aimais monter dans la grange, en ouvrir grand les portes et ensoleiller le "soli" où de vieux meubles étaient entreposés. De la grange, nous pouvions passer dans l'écurie, en nous faisant petits, par les ouvertures des mangeoires des bêtes. Le foin leur était distribué par là. Nous n'avons jamais voulu les murer.
En face, il y avait le verger: pommes, poires, cerises et prunes. Des arbres à rhumatismes, couchés, tordus, au tronc couvert de lichen, aux branchages alourdis de couronnes de gui. Des fruits à emporter parfois, à manger en hiver. Le prunier céda un été sous le poids de ses fruits. Les poires du dernier poirier, en bas, que je disputais aux oiseaux et aux guêpes. Le cerisier était tardif. Nous mangions des cerises même au coeur de l'été.
J'aimais le dehors, j'aimais le dedans, les fêtes improvisées, comme le soir où nous nous décrétâmes République. Trois maisons, un pays. Nous avions même défilé pour la naissance de cet état. Notre quatorze juillet à nous. J'aimais ces savoyards fiers et bourrus, à qui il fallait montrer que l'on savait travailler. J'aimais ces collines, ces bois, les eaux du lac, les champignons ramassés. J'aimais les nuits à lire, à écouter rire les loirs ou trotter les souris, à se parler d'une chambre à l'autre. J'aimais les jours, le ciel qui se brouillait juste après le quinze août, la lumière de notre fenêtre qui éclairait la haie, le bruit du verrou en refermant la grange, le gui tressé pour en faire des couronnes et le houx sous la neige pour son sang prometteur.
Voilà, mon Pierre, ta maison, notre maison. Comme elle est en moi aujourd'hui. Et tout ce que j'oublie, mais qui palpite encore. Comme un coeur qui vit, mon Pierre. Ne t'inquiète pas. Je vais.
Si la cigale y dort, il n'faut pas la blesser.
Pourquoi apprendre la nostalgie aux enfants? Il n'en faut pas. Couper vif. Je ne sais pas toujours faire.
La maison a été vendue. Les voisins, que j'appelle à Noël, me disent que l'on y fait de gros travaux. Les murs seuls subsistent. Le reste en gravas sur les fleurs, sur mes arbres. Ce n'est plus mon affaire. Je ne serais jamais allé à Bons sans toi.
J'avais remonté le mur de pierres sèches au fond de la cour. Une pierre, deux pierres à relever, poussées par tout le poids du pré au-dessus. Un travail de mes reins, de mes mains. Toutes les pierres, à la fin, repositionnées. J'étais fier d'être bâtisseur. Il n'a jamais bougé.
Pendant que tu dormais, je m'occupais dehors. Indépendants. Toujours. Nous nous retrouvions à la veillée et aux repas. Parfois, nous partions visiter une abbaye ou arpenter un bois. Dans la journée, nous n'avions pas besoin de nous parler. Chacun à l'écoute de ses pensées, de ses prières, et des chansons de l'autre. Le soir, parfois, rarement, quand l'envie devenait trop forte, je te quittais deux heures et revenais ensuite, apaisé par des mains de rencontre. Tu souriais toujours, heureux que la fièvre m'ait quitté.
Je plantais un lilas, je plantais des rosiers. Tout poussait. L'un d'eux, de roses rouges, généreuses, sous ma fenêtre, embaumait. Un autre, de vieille souche, se gorgeait de boutons avant de s'épandre vite en neige rose sur le sol, près de la porte. Des iris, des jonquilles, des hortensias contre le mur, une pivoine aussi et des belles de nuit. Tout poussait. Des promeneurs s'arrêtaient parfois pour admirer. J'étais fier. J'avais fait quelque chose de mes mains.
Mon outil favori était un vieux tournevis à la pointe arrondie en douceur, que je prenais en main pour déterrer, planter, écarter ou piquer. Le voisin voulait me prêter les bons instruments. Je revenais toujours à lui. Je ne savais pas travailler avec autre chose. Je l'ai rapporté. Il est ici, à Lyon. Je ne l'utilise pas. Je sais qu'il est ici. Il ne reconnaîtrait pas sa terre.
Tu aimais monter dans la grange, en ouvrir grand les portes et ensoleiller le "soli" où de vieux meubles étaient entreposés. De la grange, nous pouvions passer dans l'écurie, en nous faisant petits, par les ouvertures des mangeoires des bêtes. Le foin leur était distribué par là. Nous n'avons jamais voulu les murer.
En face, il y avait le verger: pommes, poires, cerises et prunes. Des arbres à rhumatismes, couchés, tordus, au tronc couvert de lichen, aux branchages alourdis de couronnes de gui. Des fruits à emporter parfois, à manger en hiver. Le prunier céda un été sous le poids de ses fruits. Les poires du dernier poirier, en bas, que je disputais aux oiseaux et aux guêpes. Le cerisier était tardif. Nous mangions des cerises même au coeur de l'été.
J'aimais le dehors, j'aimais le dedans, les fêtes improvisées, comme le soir où nous nous décrétâmes République. Trois maisons, un pays. Nous avions même défilé pour la naissance de cet état. Notre quatorze juillet à nous. J'aimais ces savoyards fiers et bourrus, à qui il fallait montrer que l'on savait travailler. J'aimais ces collines, ces bois, les eaux du lac, les champignons ramassés. J'aimais les nuits à lire, à écouter rire les loirs ou trotter les souris, à se parler d'une chambre à l'autre. J'aimais les jours, le ciel qui se brouillait juste après le quinze août, la lumière de notre fenêtre qui éclairait la haie, le bruit du verrou en refermant la grange, le gui tressé pour en faire des couronnes et le houx sous la neige pour son sang prometteur.
Voilà, mon Pierre, ta maison, notre maison. Comme elle est en moi aujourd'hui. Et tout ce que j'oublie, mais qui palpite encore. Comme un coeur qui vit, mon Pierre. Ne t'inquiète pas. Je vais.
Si la cigale y dort, il n'faut pas la blesser.
Retour aux sources
Après l'enterrement de ma tante, ma soeur a émis l'idée d'aller marcher dans la ville. D'abord peu chaud, j'ai ensuite pensé que j'avais mon appareil photos en poche et que cela pourrait être intéressant d'en prendre quelques-unes dans la cité que j'ai quittée il y a déjà trente-sept ans.
Ainsi, pendant plus de trois heures, nous avons déambulé dans le centre, de la gare de Châteaucreux, magnifiquement restaurée, à la place de l'Hôtel de Ville, des anciennes halles à la préfecture, de la Grande Église à la Cathédrale. Au passage, petits coups d'oeil discrets et nostalgiques sur les lieux où le trop-plein de sève de mon adolescence a trouvé souvent à se répandre.
Tout a, bien sûr, bien changé. La ville est belle aujourd'hui, grattée, lavée, dépoussiérée. Nous ne marchions plus dans un décor à la Zola, cerné par les mines et les aciéries, plutôt dans une ville à la campagne, agréable, pourvue de nombreux jardins, d'une multitude de jets d'eau, où les gens sont souriants, ont le rythme lent d'un certain bonheur.
Saint-Etienne a également su mettre en valeur son patrimoine architectural, en particulier de nombreuses maisons du Moyen-Age. Je connaissais l'existence de quelques-unes, dans mon souvenir bien abîmées, et en ai découvert quelques autres, mêlées aux grands immeubles bourgeois d'inspiration plus haussmannienne.
J'ai revu mon lycée aussi. A part l'aile cossue de l'administration, tout a été reconstruit, dans un style néo-classique grec assez surprenant pour cette ville du Forez. Agréable à regarder, mais ce n'est plus mon vieux lycée, avec ses murs gris, ses grilles aux fenêtres et ses portes toujours fermées et sévèrement surveillées.
Journée de farniente donc, même pas sur les traces d'un passé qui n'existe plus. Ma ville maintenant, c'est Lyon. Aucun doute là-dessus, même si, à un lyonnais, je ne l'avouerais jamais.
Moyen-Age:
Renaissance:
Haussmann fleuri:
Deux symboles de Saint-Etienne:
Les "arcades"
Le tram, qui a toujours été présent dans la ville. (Les lyonnais en ont été si jaloux qu'ils nous ont copiés!)
Ainsi, pendant plus de trois heures, nous avons déambulé dans le centre, de la gare de Châteaucreux, magnifiquement restaurée, à la place de l'Hôtel de Ville, des anciennes halles à la préfecture, de la Grande Église à la Cathédrale. Au passage, petits coups d'oeil discrets et nostalgiques sur les lieux où le trop-plein de sève de mon adolescence a trouvé souvent à se répandre.
Tout a, bien sûr, bien changé. La ville est belle aujourd'hui, grattée, lavée, dépoussiérée. Nous ne marchions plus dans un décor à la Zola, cerné par les mines et les aciéries, plutôt dans une ville à la campagne, agréable, pourvue de nombreux jardins, d'une multitude de jets d'eau, où les gens sont souriants, ont le rythme lent d'un certain bonheur.
Saint-Etienne a également su mettre en valeur son patrimoine architectural, en particulier de nombreuses maisons du Moyen-Age. Je connaissais l'existence de quelques-unes, dans mon souvenir bien abîmées, et en ai découvert quelques autres, mêlées aux grands immeubles bourgeois d'inspiration plus haussmannienne.
J'ai revu mon lycée aussi. A part l'aile cossue de l'administration, tout a été reconstruit, dans un style néo-classique grec assez surprenant pour cette ville du Forez. Agréable à regarder, mais ce n'est plus mon vieux lycée, avec ses murs gris, ses grilles aux fenêtres et ses portes toujours fermées et sévèrement surveillées.
Journée de farniente donc, même pas sur les traces d'un passé qui n'existe plus. Ma ville maintenant, c'est Lyon. Aucun doute là-dessus, même si, à un lyonnais, je ne l'avouerais jamais.
Moyen-Age:
Renaissance:
Haussmann fleuri:
Deux symboles de Saint-Etienne:
Les "arcades"
Le tram, qui a toujours été présent dans la ville. (Les lyonnais en ont été si jaloux qu'ils nous ont copiés!)
Famille, comment t'aimer?
A Saint-Etienne donc. Ce matin avait lieu, dans une petite église de la banlieue stéphanoise, le service funéraire pour ma tante.
Elle était protestante. C'est donc un pasteur qui a officié. J'ai aimé la façon d'approcher les textes bibliques mais ai été un peu gêné par le fait que l'assemblée soit si peu sollicitée dans sa participation. Un très bel hommage cependant, rendu par une de ses petites-filles.
Par la présentation du pasteur, j'ai même appris des détails sur la vie de ma tante: qu'elle était née sur le plateau de Haute-Loire, près du Chambon-sur-Lignon, que son père est mort alors qu'elle n'avait que trois ans, qu'elle avait exercé le métier de couturière. Étrange pour moi d'apprendre tout cela au moment de son décès. Bien sûr, je l'ai peu fréquentée, mais elle était aussi l'élément effacé de la famille. Je suis heureux de savoir qu'au moins un membre de cette famille fut proche d'elle.
J'ai donc retrouvé mes cousins germains, que je ne croise guère qu'en ce genre de circonstances. La ressemblance de ma cousine avec ma grand-mère, notre grand-mère, m'a estomaqué. J'ai cru la revoir: la même corpulence, le même nez, le même menton, la même façon de se mouvoir, de sourire en plissant la partie haute du visage. Le temps d'une seconde, elle fut là, à quelques pas de moi. J'aimais beaucoup ma grand-mère. L'apercevoir le temps d'un soupir m'a beaucoup touché.
J'ai aussi pensé à tout ce que je n'ai pas vécu avec eux, ma famille la plus proche, que je connais à peine. Nous reprenons contact maintenant, alors que tous, nous sommes proches de la retraite ou déjà retraités. Je ne les ai presque pas revus depuis l'enfance. Moi surtout, plus que mon frère et ma soeur, parce que je suis parti plus tôt, j'ai coupé les ponts. J'étais l'électron libre de cette parenté.
Cela me touche mais pas de nostalgie. Je ne regrette rien, surtout pas mon choix. Il correspondait à mon caractère, me permettait de vivre plus librement ma vie d'homo. S'il nous reste des choses à nous dire, il est encore temps de le faire. Mais ce sera de façon volontaire et choisie, pas à cause des liens du sang. C'est cette famille-là à laquelle je tiens.
Elle était protestante. C'est donc un pasteur qui a officié. J'ai aimé la façon d'approcher les textes bibliques mais ai été un peu gêné par le fait que l'assemblée soit si peu sollicitée dans sa participation. Un très bel hommage cependant, rendu par une de ses petites-filles.
Par la présentation du pasteur, j'ai même appris des détails sur la vie de ma tante: qu'elle était née sur le plateau de Haute-Loire, près du Chambon-sur-Lignon, que son père est mort alors qu'elle n'avait que trois ans, qu'elle avait exercé le métier de couturière. Étrange pour moi d'apprendre tout cela au moment de son décès. Bien sûr, je l'ai peu fréquentée, mais elle était aussi l'élément effacé de la famille. Je suis heureux de savoir qu'au moins un membre de cette famille fut proche d'elle.
J'ai donc retrouvé mes cousins germains, que je ne croise guère qu'en ce genre de circonstances. La ressemblance de ma cousine avec ma grand-mère, notre grand-mère, m'a estomaqué. J'ai cru la revoir: la même corpulence, le même nez, le même menton, la même façon de se mouvoir, de sourire en plissant la partie haute du visage. Le temps d'une seconde, elle fut là, à quelques pas de moi. J'aimais beaucoup ma grand-mère. L'apercevoir le temps d'un soupir m'a beaucoup touché.
J'ai aussi pensé à tout ce que je n'ai pas vécu avec eux, ma famille la plus proche, que je connais à peine. Nous reprenons contact maintenant, alors que tous, nous sommes proches de la retraite ou déjà retraités. Je ne les ai presque pas revus depuis l'enfance. Moi surtout, plus que mon frère et ma soeur, parce que je suis parti plus tôt, j'ai coupé les ponts. J'étais l'électron libre de cette parenté.
Cela me touche mais pas de nostalgie. Je ne regrette rien, surtout pas mon choix. Il correspondait à mon caractère, me permettait de vivre plus librement ma vie d'homo. S'il nous reste des choses à nous dire, il est encore temps de le faire. Mais ce sera de façon volontaire et choisie, pas à cause des liens du sang. C'est cette famille-là à laquelle je tiens.
mardi 19 août 2008
Pensées.
Ne t'enorgueillis d'aucun avantage qui te soit étranger. Si un cheval se vantait en disant: "Je suis beau", ce serait supportable. Mais toi, lorsque tu dis en te vantant:"J'ai un beau cheval", sache que tu t'enorgueillis d'un avantage qui est à ton cheval. (...)
Manuel d'Epictète, VI.
(Trad. de Mario Meunier.)
Manuel d'Epictète, VI.
(Trad. de Mario Meunier.)
J.
Nous nous sommes retrouvés à midi, après ses vacances. Il est arrivé un bouquet à la main, tout reposé, tout bronzé, craquant comme un petit pain. Quelle joie de le revoir!
Bavards comme d'habitude. Je lui montre mes fleurs de balcon. Il veut voir mon nouveau plancher. Le repas se passe à nous raconter les événements des trois semaines de séparation.
Je n'avais pas le droit de parler d'amour pour lui. Un mot interdit dès le départ. Je l'ai appelé tendresse dans ce blog. Et c'est tendresse qu'il est pour moi. Grande, immense. Nous ressemblons parfois à deux larrons, différents mais complices.
Et, en plus, il a apprécié mon crumble. Même avec de la crème anglaise importée du magasin. Quand je vous dis que c'est un homme unique.
Bavards comme d'habitude. Je lui montre mes fleurs de balcon. Il veut voir mon nouveau plancher. Le repas se passe à nous raconter les événements des trois semaines de séparation.
Je n'avais pas le droit de parler d'amour pour lui. Un mot interdit dès le départ. Je l'ai appelé tendresse dans ce blog. Et c'est tendresse qu'il est pour moi. Grande, immense. Nous ressemblons parfois à deux larrons, différents mais complices.
Et, en plus, il a apprécié mon crumble. Même avec de la crème anglaise importée du magasin. Quand je vous dis que c'est un homme unique.
La bibliothèque de Dominique Blanc.
Je ne sais plus les ouvrages qu'elle contient. Ce qu'elle a dit, ce matin à la radio, m'a plu.
Les livres sont autour de son lit, sur tous les murs. Elle aime l'idée que l'un d'eux pourrait tomber sur elle, qu'ils pourraient tous l'engloutir dans la nuit. Chaque soir, elle tend une main amoureuse vers l'un d'entre eux qui passera la soirée avec elle. Le lendemain, ce sera un autre.
Lorsqu'elle arrête un rôle au théâtre, elle se sent flotter, désagréablement, comme si un être cher venait de mourir. Alors elle classe ses livres, par genre littéraire, par pays, par ordre alphabétique de titre, d'auteur. Seule Phèdre n'a pas lâché prise et l'a fait sombrer, un moment. Comme je me reconnais dans tout ça!
Les livres sont autour de son lit, sur tous les murs. Elle aime l'idée que l'un d'eux pourrait tomber sur elle, qu'ils pourraient tous l'engloutir dans la nuit. Chaque soir, elle tend une main amoureuse vers l'un d'entre eux qui passera la soirée avec elle. Le lendemain, ce sera un autre.
Lorsqu'elle arrête un rôle au théâtre, elle se sent flotter, désagréablement, comme si un être cher venait de mourir. Alors elle classe ses livres, par genre littéraire, par pays, par ordre alphabétique de titre, d'auteur. Seule Phèdre n'a pas lâché prise et l'a fait sombrer, un moment. Comme je me reconnais dans tout ça!
Lettres à Pierre: huitième lettre.
Il pleut. Quand il pleuvait, à Bons, il fallait allumer la lampe. Les fenêtres trop petites ne laissaient entrer qu'un peu de grisaille. L'été, elles nous protégeaient du trop chaud. Pendant la sieste, il m'arrivait de tirer les volets, presque fermés, alors je voyais la poussière danser dans le rai lumineux et sur le tapis, le coeur de la persienne dessiné au sol peu à peu glisser jusqu'à toucher le mur.
Au début, nous devions sortir pour gagner l'ancienne écurie où nous avions installé un semblant de coin réservé à la toilette. Dans les dernières années (combien? deux? trois), nous avons percé le mur, depuis la cuisine. Un mur épais, fait de pisé et de pierres énormes qu'il fallait briser pour les mouvoir.
La pluie entrait avec nous, sur nos souliers, sous nos semelles de boue. Chacun disparaissait chez soi. Plus de voisins jusqu'au soir, parfois au lendemain. Seules les voitures de ceux qui travaillaient à la ville éclaboussaient la monotonie du martellement des gouttes sur la marquise de l'entrée.
On dirait qu'il pleut toujours plus à la campagne qu'à la ville.
La maison devenait limites de l'univers. Toi, tu n'as jamais aimé jouer. Tu bricolais de l'autre côté de la cloison. Pour moi, la sieste sur le petit canapé du salon se prolongeait parfois jusqu'au soir, un livre en main, que je posais sur ma poitrine pour compléter le somme, surtout les premiers jours de vacances.
C'est la pluie qui m'a ramené là-bas aujourd'hui. La maison de ton grand-père. La maison des souris quand nous l'avons rouverte. Tu ne voulais pas y aller. J'ai fini par te convaincre. Tu as vu que je l'aimais. Tu l'as aimée aussi. Deux pièces en bas, cuisine et salon, et deux au-dessus, nos chambres. Tout en haut sous le toit, après un escalier très raide, le dortoir des amis.
Combien avons-nous été certains soirs? D'autres dormaient dehors, dans leur camping-car. A chacun qui passait, tu offrais un bol jaune décoré de l'oiseau savoyard. Des fêtes et des repas. Des rires. Nous grimpions aux Voirons sur la ligne de crête. Nous leur offrions la vue: derrière nous, la Vallée Verte fermée par le Mont-Blanc; devant, les bois, les champs jusqu'aux portes de Genève dont nous jouions à repérer le jet d'eau. Elle a toujours été ouverte, cette maison. Comme toujours. Partout.
Parfois, nous nous réservions la solitude. Pas d'amis. A peine les voisins qui, si la porte était fermée, n'insistaient pas et déposaient la laitue ou les tomates à l'abri de la marquise. Tu préparais des tartes, avec les grosses prunes sombres dont l'arbre était couvert certaines années. J'en ai fait de la confiture, ma première confiture. La seule. Faut-il mettre le sucre en même temps? Après les fruits? La question faisait le tour des trois maisons.
L'hiver, quand nous arrivions, il fallait d'abord allumer le chauffage. Premier geste, le tien, pendant que je remettais en route le coucou arrêté sur l'heure de notre départ précédent. Nous ouvrions les lits pour en chasser l'humidité. Le soir, il faisait bon sous les couvertures. Mon matelas de crin, trous et bosses, collines et vallons, ne m'a jamais endolori le dos.
L'odeur de la chambre, les choses qui nous avaient attendus. Les mouches restées prisonnières au sol, vidées de leur substance. Le matin, avant d'ouvrir les yeux, ce sont les bruits qui nous renseignaient. Les oiseaux dans le noisetier en face, les cris des chiens affamés pour la chasse, le silence de la neige. Alors, quand le décor s'était remis en place, je plongeais la main sous le drap, au chaud, t'entendant respirer doucement dans la chambre voisine, et je repassais la frontière.
Au début, nous devions sortir pour gagner l'ancienne écurie où nous avions installé un semblant de coin réservé à la toilette. Dans les dernières années (combien? deux? trois), nous avons percé le mur, depuis la cuisine. Un mur épais, fait de pisé et de pierres énormes qu'il fallait briser pour les mouvoir.
La pluie entrait avec nous, sur nos souliers, sous nos semelles de boue. Chacun disparaissait chez soi. Plus de voisins jusqu'au soir, parfois au lendemain. Seules les voitures de ceux qui travaillaient à la ville éclaboussaient la monotonie du martellement des gouttes sur la marquise de l'entrée.
On dirait qu'il pleut toujours plus à la campagne qu'à la ville.
La maison devenait limites de l'univers. Toi, tu n'as jamais aimé jouer. Tu bricolais de l'autre côté de la cloison. Pour moi, la sieste sur le petit canapé du salon se prolongeait parfois jusqu'au soir, un livre en main, que je posais sur ma poitrine pour compléter le somme, surtout les premiers jours de vacances.
C'est la pluie qui m'a ramené là-bas aujourd'hui. La maison de ton grand-père. La maison des souris quand nous l'avons rouverte. Tu ne voulais pas y aller. J'ai fini par te convaincre. Tu as vu que je l'aimais. Tu l'as aimée aussi. Deux pièces en bas, cuisine et salon, et deux au-dessus, nos chambres. Tout en haut sous le toit, après un escalier très raide, le dortoir des amis.
Combien avons-nous été certains soirs? D'autres dormaient dehors, dans leur camping-car. A chacun qui passait, tu offrais un bol jaune décoré de l'oiseau savoyard. Des fêtes et des repas. Des rires. Nous grimpions aux Voirons sur la ligne de crête. Nous leur offrions la vue: derrière nous, la Vallée Verte fermée par le Mont-Blanc; devant, les bois, les champs jusqu'aux portes de Genève dont nous jouions à repérer le jet d'eau. Elle a toujours été ouverte, cette maison. Comme toujours. Partout.
Parfois, nous nous réservions la solitude. Pas d'amis. A peine les voisins qui, si la porte était fermée, n'insistaient pas et déposaient la laitue ou les tomates à l'abri de la marquise. Tu préparais des tartes, avec les grosses prunes sombres dont l'arbre était couvert certaines années. J'en ai fait de la confiture, ma première confiture. La seule. Faut-il mettre le sucre en même temps? Après les fruits? La question faisait le tour des trois maisons.
L'hiver, quand nous arrivions, il fallait d'abord allumer le chauffage. Premier geste, le tien, pendant que je remettais en route le coucou arrêté sur l'heure de notre départ précédent. Nous ouvrions les lits pour en chasser l'humidité. Le soir, il faisait bon sous les couvertures. Mon matelas de crin, trous et bosses, collines et vallons, ne m'a jamais endolori le dos.
L'odeur de la chambre, les choses qui nous avaient attendus. Les mouches restées prisonnières au sol, vidées de leur substance. Le matin, avant d'ouvrir les yeux, ce sont les bruits qui nous renseignaient. Les oiseaux dans le noisetier en face, les cris des chiens affamés pour la chasse, le silence de la neige. Alors, quand le décor s'était remis en place, je plongeais la main sous le drap, au chaud, t'entendant respirer doucement dans la chambre voisine, et je repassais la frontière.
lundi 18 août 2008
Lettres à Pierre: septième lettre.
Un jour, très tôt, tu m'as fait découvrir l'Italie. Combien de voyages? Quelle image pour quel site? quel souvenir? quelle époque? Rome, Naples, Venise, Florence, Sicile, Sardaigne, et toutes les routes de traverse, les villages à peine indiqués sur la carte, les visages rattachés à un mot, les mots qu'il fallut m'expliquer au début, l'amour qui grandit en moi, qui me fit apprendre la langue, partir seul parfois, ou pâtre pédagogue. Mon pays. Mon autre chez moi.
Premier émoi sous le tunnel. On y est. Curiosité de tout voir, le semblable, le voisin, le différent. Honnir l'anglais, tout de suite. Permission de deux langues: le français et l'italien. Mon dieu, faites qu'ils ne se prostituent pas à ces syllabes nordiques. Leurs gorges sont douces, leurs lèvres sont chaudes. Ne pas les laisser se vendre. Nos deux langues cousines, les plus belles, à tresser la musique de fleurs de jasmin.
Bien sûr, nos lieux communs à tous les autres. Et puis les nôtres, à nous, rien que tous les deux. Des flashes de lumière pour moi. Tu saurais les situer. Je ne sais que les évoquer. La lumière toujours. Récompense d'Ulysse. La mer, rauque chanteuse, avait pris pour nous d'autres accents plus harmonieux.
Une route droite, écrasée de soleil. Il est midi, peut-être plus. Il faut manger. Sommes-nous en Sicile? Au fond, une auberge, un grand parking poussiéreux. Pas d'arbres, ou alors desséchés. La voiture chauffera. J'aime savoir que je suis en été. Chaleur et poudre de la terre ocre. La salle est déserte et fraîche. Le perroquet est dans sa cage. Il dormait. Nous l'avons réveillé. Il a appris l'hospitalité des îles de la Méditerranée. Il ne nous en veut pas. Le pain et le couvert. Eau fraîche et fiasque de vin léger. La clisse protège les carreaux rouges et blancs de la nappe. Pourquoi cet instant et pas un autre?
La mer. L'après-midi. Sicile encore sans doute, ou Sardaigne. Au bout du chemin, l'église paléochrétienne, perdue, isolée, méprisée dans les herbes de paille. En contrebas, plongeant dans le bleu, les colonnes antiques, déjà presque ensevelies dans la vague, lui montrant son futur. Écroulement sublime, morsures de coquillages, jeux de poissons qui, les frôlant, murmurent leur silence. Une seule, debout, semble attendre encore l'improbable trière. Nous étions seuls. Nous avons nagé dans le temps, nus, silencieux.
Capri. Tu t'en souviens? Folie de monter à midi à la Villa Jovis. Je t'entraînais vers mes pierres. Là aussi, nous étions seuls, sous le soleil. La chaleur avait découragé. Elle nous fit ses cadeaux, inattendus. Le long du chemin, jardins aperçus par des grilles entrouvertes. Ai-je rêvé l'eau qui chuchote et la menthe sauvage? Au sommet, le palais de Tibère, anonymat des murs et splendeur de la baie. Un vieillard, sorti de terre et des éboulements, te prit ton appareil et nous photographia, l'un contre l'autre, nous invitant lui-même à la tendresse. Il disparut comme un lézard, quand nous tournâmes les yeux du côté du Vésuve. Le soir, les statues des dieux antiques s'animèrent pour nous.
Petits points de couleur sur la tapisserie: les jardins du bord de mer, un soir, leurs bassins vides où nous nous glissâmes pour échanger des baisers avec de jeunes napolitains, les nuits à la Solfatare sur l'estomac de la terre, le Colysée la nuit où les voyous de Pasolini, furieux que l'on ne s'intéressent pas à eux, nous jetèrent des pierres, les chats du Palatin, la douceur de Syracuse, le mépris de Taormina, les moustiques de Marsala, le vin, le fromage, le geste de la main, la douceur de la nuit.
Il faudrait rajouter une vie, deux, mon Pierre, une pour toi, une pour moi. Deux pour les revivre, ces instants partagés, communiés, où le regard apprit à remplacer la parole. Et deux pour se les raconter, en regardant ensemble "vers un autre océan où la splendeur éclate."
Premier émoi sous le tunnel. On y est. Curiosité de tout voir, le semblable, le voisin, le différent. Honnir l'anglais, tout de suite. Permission de deux langues: le français et l'italien. Mon dieu, faites qu'ils ne se prostituent pas à ces syllabes nordiques. Leurs gorges sont douces, leurs lèvres sont chaudes. Ne pas les laisser se vendre. Nos deux langues cousines, les plus belles, à tresser la musique de fleurs de jasmin.
Bien sûr, nos lieux communs à tous les autres. Et puis les nôtres, à nous, rien que tous les deux. Des flashes de lumière pour moi. Tu saurais les situer. Je ne sais que les évoquer. La lumière toujours. Récompense d'Ulysse. La mer, rauque chanteuse, avait pris pour nous d'autres accents plus harmonieux.
Une route droite, écrasée de soleil. Il est midi, peut-être plus. Il faut manger. Sommes-nous en Sicile? Au fond, une auberge, un grand parking poussiéreux. Pas d'arbres, ou alors desséchés. La voiture chauffera. J'aime savoir que je suis en été. Chaleur et poudre de la terre ocre. La salle est déserte et fraîche. Le perroquet est dans sa cage. Il dormait. Nous l'avons réveillé. Il a appris l'hospitalité des îles de la Méditerranée. Il ne nous en veut pas. Le pain et le couvert. Eau fraîche et fiasque de vin léger. La clisse protège les carreaux rouges et blancs de la nappe. Pourquoi cet instant et pas un autre?
La mer. L'après-midi. Sicile encore sans doute, ou Sardaigne. Au bout du chemin, l'église paléochrétienne, perdue, isolée, méprisée dans les herbes de paille. En contrebas, plongeant dans le bleu, les colonnes antiques, déjà presque ensevelies dans la vague, lui montrant son futur. Écroulement sublime, morsures de coquillages, jeux de poissons qui, les frôlant, murmurent leur silence. Une seule, debout, semble attendre encore l'improbable trière. Nous étions seuls. Nous avons nagé dans le temps, nus, silencieux.
Capri. Tu t'en souviens? Folie de monter à midi à la Villa Jovis. Je t'entraînais vers mes pierres. Là aussi, nous étions seuls, sous le soleil. La chaleur avait découragé. Elle nous fit ses cadeaux, inattendus. Le long du chemin, jardins aperçus par des grilles entrouvertes. Ai-je rêvé l'eau qui chuchote et la menthe sauvage? Au sommet, le palais de Tibère, anonymat des murs et splendeur de la baie. Un vieillard, sorti de terre et des éboulements, te prit ton appareil et nous photographia, l'un contre l'autre, nous invitant lui-même à la tendresse. Il disparut comme un lézard, quand nous tournâmes les yeux du côté du Vésuve. Le soir, les statues des dieux antiques s'animèrent pour nous.
Petits points de couleur sur la tapisserie: les jardins du bord de mer, un soir, leurs bassins vides où nous nous glissâmes pour échanger des baisers avec de jeunes napolitains, les nuits à la Solfatare sur l'estomac de la terre, le Colysée la nuit où les voyous de Pasolini, furieux que l'on ne s'intéressent pas à eux, nous jetèrent des pierres, les chats du Palatin, la douceur de Syracuse, le mépris de Taormina, les moustiques de Marsala, le vin, le fromage, le geste de la main, la douceur de la nuit.
Il faudrait rajouter une vie, deux, mon Pierre, une pour toi, une pour moi. Deux pour les revivre, ces instants partagés, communiés, où le regard apprit à remplacer la parole. Et deux pour se les raconter, en regardant ensemble "vers un autre océan où la splendeur éclate."
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