A Autun, dans la cathédrale Saint-Lazare, Frédéric m'a fait remarquer un livre (d'or?) sur les pages duquel les visiteurs avaient inscrit pour la plupart leur émerveillement et leur joie d'avoir découvert ce joyau de l'art clunisien. En visitant soi-même, on peut d'ailleurs comprendre cet émerveillement qui saisit celui qui entre en ces lieux.
Pourtant, c'était autre chose qu'il voulait me faire remarquer. D'autres passants avaient noirci ces pages de prières adressées à Dieu par le biais de l'écriture. Deux d'entre ces prières avaient particulièrement attiré son attention. La première émanait d'une femme qui demandait à Dieu de lui accorder la repousse rapide de ses cheveux. La deuxième d'une autre femme qui souhaitait l'intervention divine pour l'aider à conquérir définitivement son amant en le poussant à se séparer de sa femme.
Ses deux demandes (peut-on encore parler de prières ici?) nous ont d'abord fait sourire: décidément Dieu était bon à tout, et bien entendu responsable si la prière n'était pas, à court ou moyen terme, suivie d'effets. Fallait-il y lire les traces d'une religiosité mercantile ou bien simplement primaire et naïve? Pour ma part, je ne jugerai de rien, même si, à y réfléchir, l'une et l'autre demandes sont plus émouvantes qu'il n'y parait car révélatrices d'une solitude ou d'une douleur immense face à la maladie ou à la déréliction.
Mais il se trouve aussi que, mon autoradio étant branché sur une antenne locale lyonnaise, j'ai parfois l'occasion, certains soirs, d'y entendre les demandes de pauvres gens téléphonant à une sorte de voyant donnant quelques consultations par téléphone. A écouter attentivement, on se rend compte très vite du fatras de bêtise ou de prétention que les réponses comportent et du danger que cela représente pour ceux qui considèrent ces "prédictions" comme paroles d'évangile. Alors, à tout prendre, je préfère l'image de la femme venant furtivement, à une heure où elle a toutes les chances d'être seule, inscrire son rêve le plus pressant dans les pages de ce livre qui, s'il ne possède pas la magie qu'elle croit lui appartenir, n'a pas non plus la cruauté de ces vendeurs de bonheur factice prêts à tout pour plumer le pigeon.
jeudi 29 avril 2010
Fin du périple (et des mystères)
Les deux dernières photos de la devinette étaient certes plus difficiles à identifier. Bien sûr, on reconnaissait des paysages montagnards, alpins donc par déduction. La première fut le but de notre samedi. Mais avant de nous lancer dans l'approche culturelle et même cultuelle, nous avons pris le temps de déjeuner au bord de l'eau, dans un petit restaurant près du lac de Grézy-sur-Isère, dans la Combe de Savoie: La Maison des Pêcheurs. Si vous passez par là, n'hésitez pas à demander car un peu difficile à trouver en pleine campagne: cela vaut la peine de s'y arrêter, ne serait-ce que pour la friture et les cuisses de grenouilles.
Ensuite, montée au col de Tamier pour aller y visiter le fort, malheureusement fermé, et surtout l'abbaye (seul l'église se visite) où depuis fort longtemps, les moines fabriquent mon fromage préféré, le tamier donc, une sorte de reblochon encore meilleur et plus fin, dont j'ai rapporté un exemplaire à Lyon. La fin d'après-midi nous vit arpenter les rues de Conflans, la cité moyen-âgeuse au-dessus d'Alberville où un orage menaçant en préparation nous fit rapidement regagner la voiture. J'ai tout de même eu le temps de revoir les lieux où j'ai passé tant de bons moments et où Pierre s'était réfugié au moment de sa dépression nerveuse. Rien n'avait changé, sauf moi.
Le dimanche, jour du retour sur Lyon, nous sommes retournés dans le petit village de Montgellafrey, perché au-dessus de ses falaises de Maurienne, où nous étions déjà passés cet été et qui nous avait beaucoup plu. Cette fois-ci, en nous renseignant, nous avons pu trouver la personne qui garde les clefs de l'église et qui a accepté de nous ouvrir la porte de cette petite merveille de baroque savoyard. Nombreux retables contournés et colorés, aux statues souvent naïves et fraîches. L'homme, qui semblait plutôt rustre au premier abord, s'est finalement révélé un excellent connaisseur de sa paroisse et nous a donné deux ou trois précisions fort intéressantes. En nous promenant dans le village, nous avons bavardé avec plusieurs des 17 habitants de la basse saison, dont un couple revenant de la cueillette des champignons avec une dizaine de grosses morilles splendides et parfumées.
J'aime beaucoup cette partie haute de la Maurienne, au-dessus de la vallée, en direction du col de la Madeleine. Il n'y avait presque personne à St François-Longchamp où nous logions et je ne m'en suis pas plaint. Ces moments de calme et de bien-être me régénèrent, j'en ai besoin pour affronter certains aspects de ma vie, particulièrement familiale.
Ensuite, montée au col de Tamier pour aller y visiter le fort, malheureusement fermé, et surtout l'abbaye (seul l'église se visite) où depuis fort longtemps, les moines fabriquent mon fromage préféré, le tamier donc, une sorte de reblochon encore meilleur et plus fin, dont j'ai rapporté un exemplaire à Lyon. La fin d'après-midi nous vit arpenter les rues de Conflans, la cité moyen-âgeuse au-dessus d'Alberville où un orage menaçant en préparation nous fit rapidement regagner la voiture. J'ai tout de même eu le temps de revoir les lieux où j'ai passé tant de bons moments et où Pierre s'était réfugié au moment de sa dépression nerveuse. Rien n'avait changé, sauf moi.
Le dimanche, jour du retour sur Lyon, nous sommes retournés dans le petit village de Montgellafrey, perché au-dessus de ses falaises de Maurienne, où nous étions déjà passés cet été et qui nous avait beaucoup plu. Cette fois-ci, en nous renseignant, nous avons pu trouver la personne qui garde les clefs de l'église et qui a accepté de nous ouvrir la porte de cette petite merveille de baroque savoyard. Nombreux retables contournés et colorés, aux statues souvent naïves et fraîches. L'homme, qui semblait plutôt rustre au premier abord, s'est finalement révélé un excellent connaisseur de sa paroisse et nous a donné deux ou trois précisions fort intéressantes. En nous promenant dans le village, nous avons bavardé avec plusieurs des 17 habitants de la basse saison, dont un couple revenant de la cueillette des champignons avec une dizaine de grosses morilles splendides et parfumées.
J'aime beaucoup cette partie haute de la Maurienne, au-dessus de la vallée, en direction du col de la Madeleine. Il n'y avait presque personne à St François-Longchamp où nous logions et je ne m'en suis pas plaint. Ces moments de calme et de bien-être me régénèrent, j'en ai besoin pour affronter certains aspects de ma vie, particulièrement familiale.
mercredi 28 avril 2010
Torino
Comment, pour moi, parler en peu de mots d'une ville italienne? Dire qu'il n'a cessé de pleuvoir, de mouiller en tout cas, ce vendredi dernier sur Turin et que cela a gâché la visite. Mais ce serait faux! Turin a du charme aussi sous un crachin tenace et présente de plus l'avantage d'offrir à tous des kilomètres de portiques où s'abriter.
Partis de Maurienne qui constitue maintenant traditionnellement notre base stratégique et où nous nous étions installés la veille, c'est vers la capitale du Piémont que nous avons mis le cap pour un jour de promenade. Pas pour aller s'incliner devant le Saint-Suaire, dont j'ai vu une copie il y a une trentaine d'années et qui ne m'intéresse pas particulièrement. Parce que nous avions pensé, l'été dernier, y faire escale mais que, fascinés par Milan, nous n'avions pu réaliser notre projet. Cette fois-ci, c'était Turin et Turin seul.
Après l'achat des traditionnelles cartes de stationnement à placer sur le tableau de bord et un bon repas dans une petite auberge sympathique aux prix plus qu'abordables (le bar San Giorgio, Via San Maurizio), il nous a suffi de lever le nez pour nous rendre compte qu'encore une fois, nous avions eu du nez et que le centre historique était à deux pas de là: devant nous, trouant le ciel gris se dressait le dôme célèbre, représenté sur une des pièces jaunes italiennes ( 1 ou 2 centimes d'euro), de la Mole Antonelliana, symbole de la ville abritant aujourd'hui le Musée national du Cinéma. Une exposition, Le Visage du Christ dans l'Art occidental , sans doute à mettre en parallèle avec la présentation de la Santa Sindone (Saint-Suaire), attirait un foule nombreuse, particulièrement jeune.
C'est d'ailleurs ce qui m'a frappé d'entrée de jeu cette fois-ci en parcourant d'abord la Via Po puis ses semblables toutes munies des fameuses arcades protectrices: les rues étaient animées malgré le mauvais temps et respiraient une atmosphère de jeunesse estudiantine. A intervalles réguliers, sous ces passages, des vendeurs à la sauvette s'étaient installés pour tenter de vendre quelques ombrelli, parapluies vantés comme italiens, en réalité dans la plus pure tradition de fabrication chinoise.
Beauté de ces passages, tellement cartésiens, tellement reproductibles à l'infini, tellement proches par certains aspects de ceux dessinés dans les tableaux de Chirico, n'était le grouillement de vie qui les occupe. Beauté surtout des devantures de magasins, conservées dans leur quasi totalité à l'identique: pharmacie, librairie, glacier, café fréquenté par des écrivains célèbres du XIX° siècle, chacun semblant avoir franchi les ans sans se départir de leur sobre élégance.
Pourtant le XXIème siècle est en train lentement d'y mettre son empreinte, dans ces silhouettes nombreuses (et nouvelles pour moi) de mendiants, de mendiantes surtout, vieilles femmes qui n'ont même plus la décence d'avoir l'air roumaines. L'Italie montre sa pauvreté qui, comme en France, côtoie le luxe le plus criard et tape à l'œil.
Je ne peux décrire dans ce billet toutes les rues parcourues, toutes les églises visitées, toutes les places et perspectives admirées: Palazzo Carignano à la surprenante façade de briques, Piazza Castello, Piazza san Carlo, comme un élégant salon au cœur de la cité... Disons brièvement que cette ville dont j'avais gardé un souvenir triste et endormi m'a séduit totalement cette fois-ci. Mention spéciale pour les quais du Po et l'imposante cathédrale Gran Madre di Dio, surplombant l'immense Piazza Vittorio Veneto et fermant la perspective du pont Victor-Emmanuel 1er, cet ennemi irréductible de Napoléon 1er, ce prince de Savoie qui, lorsqu'il put regagner sa capitale, ne fit pas détruire ce pont construit par le petit corse mais préféra, dit-on, le laisser intact afin que son peuple puisse le fouler au pied.
( La photo proposée dans la devinette représentait la façade de la gare Porta Nuova.)
Partis de Maurienne qui constitue maintenant traditionnellement notre base stratégique et où nous nous étions installés la veille, c'est vers la capitale du Piémont que nous avons mis le cap pour un jour de promenade. Pas pour aller s'incliner devant le Saint-Suaire, dont j'ai vu une copie il y a une trentaine d'années et qui ne m'intéresse pas particulièrement. Parce que nous avions pensé, l'été dernier, y faire escale mais que, fascinés par Milan, nous n'avions pu réaliser notre projet. Cette fois-ci, c'était Turin et Turin seul.
Après l'achat des traditionnelles cartes de stationnement à placer sur le tableau de bord et un bon repas dans une petite auberge sympathique aux prix plus qu'abordables (le bar San Giorgio, Via San Maurizio), il nous a suffi de lever le nez pour nous rendre compte qu'encore une fois, nous avions eu du nez et que le centre historique était à deux pas de là: devant nous, trouant le ciel gris se dressait le dôme célèbre, représenté sur une des pièces jaunes italiennes ( 1 ou 2 centimes d'euro), de la Mole Antonelliana, symbole de la ville abritant aujourd'hui le Musée national du Cinéma. Une exposition, Le Visage du Christ dans l'Art occidental , sans doute à mettre en parallèle avec la présentation de la Santa Sindone (Saint-Suaire), attirait un foule nombreuse, particulièrement jeune.
C'est d'ailleurs ce qui m'a frappé d'entrée de jeu cette fois-ci en parcourant d'abord la Via Po puis ses semblables toutes munies des fameuses arcades protectrices: les rues étaient animées malgré le mauvais temps et respiraient une atmosphère de jeunesse estudiantine. A intervalles réguliers, sous ces passages, des vendeurs à la sauvette s'étaient installés pour tenter de vendre quelques ombrelli, parapluies vantés comme italiens, en réalité dans la plus pure tradition de fabrication chinoise.
Beauté de ces passages, tellement cartésiens, tellement reproductibles à l'infini, tellement proches par certains aspects de ceux dessinés dans les tableaux de Chirico, n'était le grouillement de vie qui les occupe. Beauté surtout des devantures de magasins, conservées dans leur quasi totalité à l'identique: pharmacie, librairie, glacier, café fréquenté par des écrivains célèbres du XIX° siècle, chacun semblant avoir franchi les ans sans se départir de leur sobre élégance.
Pourtant le XXIème siècle est en train lentement d'y mettre son empreinte, dans ces silhouettes nombreuses (et nouvelles pour moi) de mendiants, de mendiantes surtout, vieilles femmes qui n'ont même plus la décence d'avoir l'air roumaines. L'Italie montre sa pauvreté qui, comme en France, côtoie le luxe le plus criard et tape à l'œil.
Je ne peux décrire dans ce billet toutes les rues parcourues, toutes les églises visitées, toutes les places et perspectives admirées: Palazzo Carignano à la surprenante façade de briques, Piazza Castello, Piazza san Carlo, comme un élégant salon au cœur de la cité... Disons brièvement que cette ville dont j'avais gardé un souvenir triste et endormi m'a séduit totalement cette fois-ci. Mention spéciale pour les quais du Po et l'imposante cathédrale Gran Madre di Dio, surplombant l'immense Piazza Vittorio Veneto et fermant la perspective du pont Victor-Emmanuel 1er, cet ennemi irréductible de Napoléon 1er, ce prince de Savoie qui, lorsqu'il put regagner sa capitale, ne fit pas détruire ce pont construit par le petit corse mais préféra, dit-on, le laisser intact afin que son peuple puisse le fouler au pied.
( La photo proposée dans la devinette représentait la façade de la gare Porta Nuova.)
mardi 27 avril 2010
Autun pour moi
Mercredi 21 avril: J-C étant retenu à Lyon pour des examens médicaux, c'est avec F. seul que je suis parti en balade. Lui voulait connaître Cluny, moi je souhaitais revoir Autun. Sur le trajet entre les deux, Montceau-les-Mines, où il n'y a pas grand chose à voir mais où travaillait Pierre lorsque je l'ai rencontré.
La Bourgogne est une terre que j'aime: elle est riche et grasse et a gardé jusqu'à aujourd'hui son authenticité, du moins il me semble. Elle est pour moi une sorte de condensé de la France et de sa beauté, tant pour les paysages que pour les monuments, églises romanes et châteaux éparpillés sur de douces collines. Les habitants eux-mêmes y sont restés eux aussi accueillants et chaleureux.
Cluny s'apprête à célébrer cette année le mille-centième anniversaire de sa fondation par des Bénédictins et si l'essentiel de l'abbatiale (1088) a été détruite au début du XIX° siècle, ce qu'il en reste est encore impressionnant: il faut en effet savoir que ce bâtiment était le plus vaste monument de l'Occident médiéval. Promenade dans les rues où s'affairent les différents corps de métier pour rendre à la ville une part de son lustre d'antan, visite à une exposition de peinture, à une autre de sculpture, photos par ci, photo par là et il est déjà plus de midi.
Déjeuner à l'auberge de la Guye, à Salornay-sur-Guye, au bord de la route du Mont-Saint-Vincent, d'où nous nous étions éloignés pour visiter la petite église de Massy, son enclos et les quelques vieilles bâtisses qui l'entourent, dont une avec un four à pain recouvert de lauzes. Un grand moment d'attente, mais qui en valait la peine, car l'auberge était bondée d'ouvriers travaillant sur le chantier tout proche de l'oléoduc en construction. Le repas était excellent et la serveuse et son patron (bourguignon revenu au pays après un long séjour en Suisse allemande dont il a gardé un brin d'accent) contribuaient à faire de ce repas un plaisir composé digne de ceux prônés par l'utopiste Charles Fourier.
Au Mont-Saint-Vincent, je découvre le village que je ne connaissais pas, sa spacieuse église romane, imposante mais moins belle pourtant, d'intérieur, que celle de Gourdon, petit village un peu plus bas sur la route de Montceau. De cette dernière ville, j'ai du mal à reconnaître le quartier où Pierre habitait lorsque je l'ai rencontré en 1972 et où j'ai passé une semaine avec lui, la première de toutes celles qui ont suivi pendant 33 ans. Le lac est toujours là, en entrée de ville, et la grande surface aussi, même si l'enseigne en a changé. Pour le reste, je n'ai pas insisté, je n'avais pas l'âme au pèlerinage.
A Autun, nous étions allés écouter avec Pierre Les Saisons de Joseph Haydn. J'ai retrouvé cette splendide cathédrale de la ville haute et ses chapiteaux sculptés dont celui que je n'avais pas oublié (dans une salle d'exposition): Le Songe des Rois Mages. En y regardant de près, on se rend compte que l'ange qui vient les réveiller a fait ouvrir les deux yeux au premier, le plus proche de lui, un seul œil au deuxième alors que le dernier est encore au creux de son inconscience. J'aime aussi par dessus tout l'étoile que l'on voit au dessus du lit et cette façon de représenter naïvement et sainement, simplement, les mystères sacrés de la religion.
Achat de pain d'épices et de miel pour J-C qui n'avait pu nous accompagner, moment de détente assis à une terrasse de la ville basse, d'où nous voyions passer de jeunes recrues des casernes environnantes ou du lycée militaire de la ville. Puis le chemin du retour, par un itinéraire plus court indiqué sur place par une sympathique pharmacienne.
Une journée détendue, pleine de soleil et de rires, pleine de visites et d'échanges. Une journée comme je les aime, où tout s'équilibre et s'harmonise.
La Bourgogne est une terre que j'aime: elle est riche et grasse et a gardé jusqu'à aujourd'hui son authenticité, du moins il me semble. Elle est pour moi une sorte de condensé de la France et de sa beauté, tant pour les paysages que pour les monuments, églises romanes et châteaux éparpillés sur de douces collines. Les habitants eux-mêmes y sont restés eux aussi accueillants et chaleureux.
Cluny s'apprête à célébrer cette année le mille-centième anniversaire de sa fondation par des Bénédictins et si l'essentiel de l'abbatiale (1088) a été détruite au début du XIX° siècle, ce qu'il en reste est encore impressionnant: il faut en effet savoir que ce bâtiment était le plus vaste monument de l'Occident médiéval. Promenade dans les rues où s'affairent les différents corps de métier pour rendre à la ville une part de son lustre d'antan, visite à une exposition de peinture, à une autre de sculpture, photos par ci, photo par là et il est déjà plus de midi.
Déjeuner à l'auberge de la Guye, à Salornay-sur-Guye, au bord de la route du Mont-Saint-Vincent, d'où nous nous étions éloignés pour visiter la petite église de Massy, son enclos et les quelques vieilles bâtisses qui l'entourent, dont une avec un four à pain recouvert de lauzes. Un grand moment d'attente, mais qui en valait la peine, car l'auberge était bondée d'ouvriers travaillant sur le chantier tout proche de l'oléoduc en construction. Le repas était excellent et la serveuse et son patron (bourguignon revenu au pays après un long séjour en Suisse allemande dont il a gardé un brin d'accent) contribuaient à faire de ce repas un plaisir composé digne de ceux prônés par l'utopiste Charles Fourier.
Au Mont-Saint-Vincent, je découvre le village que je ne connaissais pas, sa spacieuse église romane, imposante mais moins belle pourtant, d'intérieur, que celle de Gourdon, petit village un peu plus bas sur la route de Montceau. De cette dernière ville, j'ai du mal à reconnaître le quartier où Pierre habitait lorsque je l'ai rencontré en 1972 et où j'ai passé une semaine avec lui, la première de toutes celles qui ont suivi pendant 33 ans. Le lac est toujours là, en entrée de ville, et la grande surface aussi, même si l'enseigne en a changé. Pour le reste, je n'ai pas insisté, je n'avais pas l'âme au pèlerinage.
A Autun, nous étions allés écouter avec Pierre Les Saisons de Joseph Haydn. J'ai retrouvé cette splendide cathédrale de la ville haute et ses chapiteaux sculptés dont celui que je n'avais pas oublié (dans une salle d'exposition): Le Songe des Rois Mages. En y regardant de près, on se rend compte que l'ange qui vient les réveiller a fait ouvrir les deux yeux au premier, le plus proche de lui, un seul œil au deuxième alors que le dernier est encore au creux de son inconscience. J'aime aussi par dessus tout l'étoile que l'on voit au dessus du lit et cette façon de représenter naïvement et sainement, simplement, les mystères sacrés de la religion.
Achat de pain d'épices et de miel pour J-C qui n'avait pu nous accompagner, moment de détente assis à une terrasse de la ville basse, d'où nous voyions passer de jeunes recrues des casernes environnantes ou du lycée militaire de la ville. Puis le chemin du retour, par un itinéraire plus court indiqué sur place par une sympathique pharmacienne.
Une journée détendue, pleine de soleil et de rires, pleine de visites et d'échanges. Une journée comme je les aime, où tout s'équilibre et s'harmonise.
lundi 26 avril 2010
Petit lexique à l'usage de tous (sauf de mes élèves) (5)
NOMS D'OISEAUX (ou autres rampants, marchants, volants, nageants...)
Pour retarder encore un peu la réponse au billet précédent, voici ce soir un petit lexique de mots qui, bien que l'on parle de noms d'oiseaux, sont en général destinés à vous enfoncer plus bas que terre. On y verra aussi que, parfois, on peut accorder à ces bêtes une certaine rédemption.
ÂNE: Tout le monde, bien sûr, connaît sa bêtise, renforcée si l'on parle d'âne bâté. Pourtant il y a aussi Le Petit Âne gris, belle chanson triste de Hugues Aufray, et celui de Francis Jammes dont il dit: "J'aime l'âne si doux marchant le long des houx". On prétend de cet animal que c'est depuis qu'il a transporté le Christ jusqu'à Jérusalem qu'il a, dessinée sur son dos, une croix dans son pelage.
AIGLE: "Ce garçon, ce n'est pas un aigle", dit-on de quelqu'un qui ne vole pas bien haut, qui n'a pas l'acuité intellectuelle correspondant à la vue perçante du rapace. Pourtant, il y eut celui symbole de Jupiter (et Zeus avant, chez les Grecs) qui trônait avec lui au milieu des nuées et se chargea de lui ramener Ganymède , celui de Meaux, Bossuet, aux illustres Sermons, qui s'opposa longtemps au Cygne de Cambrai (Fénelon), celui de tant de drapeaux impériaux et puis celui à qui Cocteau donna deux têtes.
ASTICOT: un drôle d'asticot est un drôle de zèbre. Allez comprendre! Ou alors quelqu'un de peu d'importance, dont on ne peut avoir peur. Le terme devient franchement méprisant quand il désigne un tout petit pénis, que, d'ailleurs, rien n'interdit d'asticoter (d'agacer)!
BÉCASSE: une fille un peu stupide et naïve mais son équivalent animal donna prétexte à des chasseurs, réunis pour les déguster, pour raconter maints contes sous la plume de Maupassant. Chez Molière "La bécasse est bridée" se dit de quelqu'un qui a été trompé. (Mot emprunté au vocabulaire de la chasse au collet ou au lacet). Et il ne faut pas oublier sa cousine bretonne, Bécassine qui, si elle ne relève guère le niveau, est à respecter pour avoir enchanté la jeunesse pendant de longues années.
BUSE: voire même, pour qu'il n'y ait aucune possibilité d'erreur, "triple buse". Celui-ci, c'est l'abruti, l'inculte et qui, en général, en est assez fier. "D'une buse on ne saurait faire un épervier" veut dire, mutatis mutandis, "on ne change pas un âne en cheval de course" (intellectuellement bien sûr). La réputation de ce pauvre rapace vient des fauconniers qui ne parvinrent jamais à le dresser et le taxèrent donc de stupidité.
Voilà pour les cinq premiers. D'autres suivront, prenez patience (soit pour attendre, soit pour lire!)
Pour retarder encore un peu la réponse au billet précédent, voici ce soir un petit lexique de mots qui, bien que l'on parle de noms d'oiseaux, sont en général destinés à vous enfoncer plus bas que terre. On y verra aussi que, parfois, on peut accorder à ces bêtes une certaine rédemption.
ÂNE: Tout le monde, bien sûr, connaît sa bêtise, renforcée si l'on parle d'âne bâté. Pourtant il y a aussi Le Petit Âne gris, belle chanson triste de Hugues Aufray, et celui de Francis Jammes dont il dit: "J'aime l'âne si doux marchant le long des houx". On prétend de cet animal que c'est depuis qu'il a transporté le Christ jusqu'à Jérusalem qu'il a, dessinée sur son dos, une croix dans son pelage.
AIGLE: "Ce garçon, ce n'est pas un aigle", dit-on de quelqu'un qui ne vole pas bien haut, qui n'a pas l'acuité intellectuelle correspondant à la vue perçante du rapace. Pourtant, il y eut celui symbole de Jupiter (et Zeus avant, chez les Grecs) qui trônait avec lui au milieu des nuées et se chargea de lui ramener Ganymède , celui de Meaux, Bossuet, aux illustres Sermons, qui s'opposa longtemps au Cygne de Cambrai (Fénelon), celui de tant de drapeaux impériaux et puis celui à qui Cocteau donna deux têtes.
ASTICOT: un drôle d'asticot est un drôle de zèbre. Allez comprendre! Ou alors quelqu'un de peu d'importance, dont on ne peut avoir peur. Le terme devient franchement méprisant quand il désigne un tout petit pénis, que, d'ailleurs, rien n'interdit d'asticoter (d'agacer)!
BÉCASSE: une fille un peu stupide et naïve mais son équivalent animal donna prétexte à des chasseurs, réunis pour les déguster, pour raconter maints contes sous la plume de Maupassant. Chez Molière "La bécasse est bridée" se dit de quelqu'un qui a été trompé. (Mot emprunté au vocabulaire de la chasse au collet ou au lacet). Et il ne faut pas oublier sa cousine bretonne, Bécassine qui, si elle ne relève guère le niveau, est à respecter pour avoir enchanté la jeunesse pendant de longues années.
BUSE: voire même, pour qu'il n'y ait aucune possibilité d'erreur, "triple buse". Celui-ci, c'est l'abruti, l'inculte et qui, en général, en est assez fier. "D'une buse on ne saurait faire un épervier" veut dire, mutatis mutandis, "on ne change pas un âne en cheval de course" (intellectuellement bien sûr). La réputation de ce pauvre rapace vient des fauconniers qui ne parvinrent jamais à le dresser et le taxèrent donc de stupidité.
Voilà pour les cinq premiers. D'autres suivront, prenez patience (soit pour attendre, soit pour lire!)
dimanche 25 avril 2010
Devinettes
jeudi 22 avril 2010
L'exception des femmes
Les humains sont égaux, à l'exception des femmes. C'est la conclusion que l'on pourrait tirer à la lecture de cette lettre pleine d'humeur mordante de notre cher Jean Racine, en résidence à Uzès.
(...) Je croyais qu'il se passait quelque chose de bien grand dans le château de Chevreuse: j'avais ouï dire autrefois toutes les grandes promesses de Monsieur le Bailli, et je croyais même que tout le monde était en haleine chez vous pour savoir ce qui en arriverait, car depuis deux ou trois mois je n'ai pas reçu une lettre. Enfin, je m'attendais qu'il sortirait de ce château quelque géant, ou du moins un enfant aussi puissant que Joseph du Pin, et il n'est venu qu'une fille. Ce n'est pas qu'une fille soit peu de chose; mais M. Sellyer parlait bien plus haut que cela. Cela lui apprend à s'humilier; car, voyez-vous, j'ai ouï dire à un bon prédicateur que Dieu changerait plutôt un garçon en fille avant qu'il soit né pour humilier un homme qui s'en fait accroire. Ce n'est pas qu'il y ait eu du miracle en l'affaire de M. Sellyer, et je crois fort bonnement qu'il n'a eu que ce qu'il a fait.
Si je pouvais vous envoyer des roses nouvelles et des pois verts, je vous en enverrais en abondance; car nous en avons beaucoup ici. Le printemps est déjà fort avancé. (...)
A Mademoiselle Vitart, à Uzès, mars 1662.
(in Jean Racine, Écrit d'Uzès, éd. A la croisée.)
Aujourd'hui, comme en 1662, le printemps avance à grands pas et il est plus que temps que j'aille me mettre quelques jours au vert avant la reprise des cours. Départ donc cet après-midi. Souhaitez-moi du soleil.
(...) Je croyais qu'il se passait quelque chose de bien grand dans le château de Chevreuse: j'avais ouï dire autrefois toutes les grandes promesses de Monsieur le Bailli, et je croyais même que tout le monde était en haleine chez vous pour savoir ce qui en arriverait, car depuis deux ou trois mois je n'ai pas reçu une lettre. Enfin, je m'attendais qu'il sortirait de ce château quelque géant, ou du moins un enfant aussi puissant que Joseph du Pin, et il n'est venu qu'une fille. Ce n'est pas qu'une fille soit peu de chose; mais M. Sellyer parlait bien plus haut que cela. Cela lui apprend à s'humilier; car, voyez-vous, j'ai ouï dire à un bon prédicateur que Dieu changerait plutôt un garçon en fille avant qu'il soit né pour humilier un homme qui s'en fait accroire. Ce n'est pas qu'il y ait eu du miracle en l'affaire de M. Sellyer, et je crois fort bonnement qu'il n'a eu que ce qu'il a fait.
Si je pouvais vous envoyer des roses nouvelles et des pois verts, je vous en enverrais en abondance; car nous en avons beaucoup ici. Le printemps est déjà fort avancé. (...)
A Mademoiselle Vitart, à Uzès, mars 1662.
(in Jean Racine, Écrit d'Uzès, éd. A la croisée.)
Aujourd'hui, comme en 1662, le printemps avance à grands pas et il est plus que temps que j'aille me mettre quelques jours au vert avant la reprise des cours. Départ donc cet après-midi. Souhaitez-moi du soleil.
mardi 20 avril 2010
Une femme d'exception
C'est la première fois que je mange avec Maria. Je la connais depuis plus de trente ans et c'est la première fois qu'elle accepte. Un petit brin de femme, je dirais en bout de table si celle de ma cuisine n'était pas ronde. Pour lui faire accepter une salade en plus de l'omelette annoncée, il a fallu insister. Et pas de fromage, et pas de désert. J'ai pensé en la voyant à ses mères des siècles passés, entièrement dévouées à leur famille et qui ne s'arrêtaient guère de travailler pour avaler, debout, ce qu'il restait du repas quand les autres étaient servis. Elle n'a pas voulu de café non plus et s'est mise à faire la vaisselle pendant que je le buvais
Ce matin, après le repassage, elle m'a aidé à trier définitivement ce qui était à donner et ce qui était à jeter dans les tas de vêtements, souliers, vaisselles et autres qui s'entassaient dans une pièce de mon appartement depuis bien trop longtemps. Nous en avons fait des valises, des cartons, des sacs poubelle selon leur destination. Les balcons n'ont pas été épargnés: adieu les vieilles tables de bois bancales et rongées par les pluies et les froids de ces dernières années, adieu inutiles pots de fleurs en plastique, terre restant d'années de jardinage et plus bonne à rien. Lessivage des sols et installation des pots qui avaient passé l'hiver sur le palier. Tout est en place.
Vider, jeter est finalement un plaisir. Le pincement au cœur ressenti parfois est minime comparé à l'impression de liberté après, devant la place récupérée, le nouvel aspect des lieux. J'ai fait connaissance avec la déchèterie de Gerland, surpris qu'autant de voitures se pressent en un carrousel ininterrompu charriant tout, ou presque, ce que l'humanité a pu inventer pour le confort, ou l'inconfort, de l'homme.
Maria était toujours avec moi. Je l'ai ensuite déposée chez elle, touché par l'aide qu'elle m'avait apporté tout au long de la journée, aide d'autant plus précieuse que ce petit bout de femme n'est plus très loin de ses soixante-dix ans. J'en connais de plus jeunes qui fatiguent à la simple évocation de l'effort à fournir!
Ce matin, après le repassage, elle m'a aidé à trier définitivement ce qui était à donner et ce qui était à jeter dans les tas de vêtements, souliers, vaisselles et autres qui s'entassaient dans une pièce de mon appartement depuis bien trop longtemps. Nous en avons fait des valises, des cartons, des sacs poubelle selon leur destination. Les balcons n'ont pas été épargnés: adieu les vieilles tables de bois bancales et rongées par les pluies et les froids de ces dernières années, adieu inutiles pots de fleurs en plastique, terre restant d'années de jardinage et plus bonne à rien. Lessivage des sols et installation des pots qui avaient passé l'hiver sur le palier. Tout est en place.
Vider, jeter est finalement un plaisir. Le pincement au cœur ressenti parfois est minime comparé à l'impression de liberté après, devant la place récupérée, le nouvel aspect des lieux. J'ai fait connaissance avec la déchèterie de Gerland, surpris qu'autant de voitures se pressent en un carrousel ininterrompu charriant tout, ou presque, ce que l'humanité a pu inventer pour le confort, ou l'inconfort, de l'homme.
Maria était toujours avec moi. Je l'ai ensuite déposée chez elle, touché par l'aide qu'elle m'avait apporté tout au long de la journée, aide d'autant plus précieuse que ce petit bout de femme n'est plus très loin de ses soixante-dix ans. J'en connais de plus jeunes qui fatiguent à la simple évocation de l'effort à fournir!
lundi 19 avril 2010
Ah! ces volcans !
Il paraît qu'en 1783 déjà, un volcan islandais avait fait des siennes et, par ses poussières, plongé l'Europe dans une semi-pénombre, faisant descendre la température de quelques degrés. La vie avait été si dure en France pendant les hivers de ces années 80 que l'on peut à bon droit y voir une des origines de la Révolution française. Ainsi l'Islande a dit son mot dans notre univers politico-historique.
En sera-t-il de même cette fois-ci? Je crois que l'on peut, sans risquer de se tromper, répondre, hélas, par la négative. Pas de renversement de régime, pas de roi décapité, pas de tête promenée au bout d'une pique de sans-culotte. Rien que le mécontentement de tous ces gens bloqués dans les aéroports de tel ou tel pays qui leur souriait pour passer leurs vacances mais qui les intéresse nettement moins s'il faut y prolonger le séjour. Et ce ne sont même pas eux qui crient le plus fort.
Qui se plaint le plus aujourd'hui? Des gens qui ont tout perdu comme les Haïtiens après le tremblement de terre, ou les habitants de Bame, en Iran, après le leur en 2003 et dont on n'a plus jamais entendu parler ( les Haïtiens n'ont eux aussi qu'à attendre un peu pour retomber dans l'oubli)? Non, la Révolution est celle des nantis, celle des compagnies aériennes et des aéroports qui, vampires modernes, n'ont pas leur dose quotidienne de profit depuis que cet imbécile de Eyjafjöll a décidé de jouer les trouble-fête. Le bras de ces gens-là doit être assez long car, depuis ce soir, on parle de réouverture d'aéroports, comme les deux de Lyon par exemple. Sait-on tout de même que les conclusions tirées des expériences de vols faites ces deux dernier jours n'ont absolument rien de scientifique. On dit pouvoir ouvrir des corridors de circulation aérienne. Tant mieux mais en espérant que pour une fois la vie de centaines de personnes ne sera pas sacrifiée sur l'autel du profit!
Pour en revenir aux passagers prisonniers ici ou là et ne pouvant rentrer chez eux (ceux de l'avion comme ceux de la SNCF), je suis toujours surpris, en entendant leurs récriminations, de la bêtise et du peu de poids de certaines d'entre elles. Mais passons... Ce qui me choque le plus, c'est cette perte complète de la notion d'aventure. On veut bien partir loin, se faire frissonner à côtoyer certains dangers, la plupart du temps imaginaires, mais il faut la certitude que tout cela n'est qu'une péripétie d'un voyage clés en main qui ne peut qu'être agréable d'un bout à l'autre. On part comme pour l'aventure, on s'habille comme pour l'aventure, on revient bronzé façon baroudeur, on a des anecdotes à raconter à faire pâlir d'envie l'oncle Paul de Spirou, on se sent autre parce qu'on a "fait" le désert machin ou la montagne truc, mais on a une âme de petit épargnant et sûrement de grand joueur. Je ne comprends pas l'intérêt de ces expériences aseptisées.
Je ne dis pas que je suis un aventurier dans l'âme mais autant je n'aime pas les surprises dans la vie de tous les jours, autant, lorsque je me trouve en voyage à l'étranger, elles m'apparaissent toujours comme les bienvenues pour mettre un peu plus de piment dans le périple. Plusieurs fois, j'ai eu affaire à des imprévus, même lors de voyages scolaires, et j'ai toujours aimé résoudre ces problèmes inattendus: enfants qui se blessent, hôtel réservé et non disponible, repas oubliés, etc.
Lors d'un voyage en Égypte avec un ami et un groupe d'une douzaine de personnes, voyage entièrement organisé par nos soins avec les moyens autochtones, nous devions, la première nuit, être hébergés par le Séminaire Catholique Copte de Ma'adi, au Caire. Arrivés avec beaucoup de retard sur les lieux, à cause de difficultés à l'aéroport, nous avions trouvé portes closes, lumières éteintes et gardes armés sur le trottoir. Les dames les plus âgées du groupe commencèrent par trouver bien légères ces mœurs orientales qui ne se souciaient guère des convenances puis, alors que la situation s'éternisait, se mirent à geindre d'abord discrètement puis de façon de plus en plus évidentes.
Moi, je riais beaucoup (sous cape, bien sûr). D'abord, il faisait très doux dans la nuit cairote, ensuite j'étais ravi de voir ces veilles toupies un peu moins sûres d'elles, enfin, les gardes armés, en fait jeunes soldats effectuant leur service militaire, avaient, même dans une semi-obscurité, des allures plus qu'affriolantes. La seule chose qui me dérangeait un peu, c'est que je commençais à avoir bigrement faim. Mais j'étais bien certain que, d'une façon ou d'une autre, nous n'allions pas devoir passer la nuit sur ce trottoir. Effectivement, grâce au plus jeune de la troupe, qui parvint à escalader les grilles du séminaire, sans d'ailleurs que les soldats, à qui l'on avait tout expliqué, n'interviennent aucunement, le supérieur fut réveillé (il croyait que nous n'arrivions que le lendemain) et nous eûmes droit à repas fort correct et couche bienvenue.
Je raconterai peut-être une autre fois comment j'ai failli rester enfermé dans une tombe de la Vallée des Nobles....
( La photo n'a rien à voir: il s'agit tout simplement d'un sommet des Alpes, en Maurienne, à la fin de cet hiver.)
En sera-t-il de même cette fois-ci? Je crois que l'on peut, sans risquer de se tromper, répondre, hélas, par la négative. Pas de renversement de régime, pas de roi décapité, pas de tête promenée au bout d'une pique de sans-culotte. Rien que le mécontentement de tous ces gens bloqués dans les aéroports de tel ou tel pays qui leur souriait pour passer leurs vacances mais qui les intéresse nettement moins s'il faut y prolonger le séjour. Et ce ne sont même pas eux qui crient le plus fort.
Qui se plaint le plus aujourd'hui? Des gens qui ont tout perdu comme les Haïtiens après le tremblement de terre, ou les habitants de Bame, en Iran, après le leur en 2003 et dont on n'a plus jamais entendu parler ( les Haïtiens n'ont eux aussi qu'à attendre un peu pour retomber dans l'oubli)? Non, la Révolution est celle des nantis, celle des compagnies aériennes et des aéroports qui, vampires modernes, n'ont pas leur dose quotidienne de profit depuis que cet imbécile de Eyjafjöll a décidé de jouer les trouble-fête. Le bras de ces gens-là doit être assez long car, depuis ce soir, on parle de réouverture d'aéroports, comme les deux de Lyon par exemple. Sait-on tout de même que les conclusions tirées des expériences de vols faites ces deux dernier jours n'ont absolument rien de scientifique. On dit pouvoir ouvrir des corridors de circulation aérienne. Tant mieux mais en espérant que pour une fois la vie de centaines de personnes ne sera pas sacrifiée sur l'autel du profit!
Pour en revenir aux passagers prisonniers ici ou là et ne pouvant rentrer chez eux (ceux de l'avion comme ceux de la SNCF), je suis toujours surpris, en entendant leurs récriminations, de la bêtise et du peu de poids de certaines d'entre elles. Mais passons... Ce qui me choque le plus, c'est cette perte complète de la notion d'aventure. On veut bien partir loin, se faire frissonner à côtoyer certains dangers, la plupart du temps imaginaires, mais il faut la certitude que tout cela n'est qu'une péripétie d'un voyage clés en main qui ne peut qu'être agréable d'un bout à l'autre. On part comme pour l'aventure, on s'habille comme pour l'aventure, on revient bronzé façon baroudeur, on a des anecdotes à raconter à faire pâlir d'envie l'oncle Paul de Spirou, on se sent autre parce qu'on a "fait" le désert machin ou la montagne truc, mais on a une âme de petit épargnant et sûrement de grand joueur. Je ne comprends pas l'intérêt de ces expériences aseptisées.
Je ne dis pas que je suis un aventurier dans l'âme mais autant je n'aime pas les surprises dans la vie de tous les jours, autant, lorsque je me trouve en voyage à l'étranger, elles m'apparaissent toujours comme les bienvenues pour mettre un peu plus de piment dans le périple. Plusieurs fois, j'ai eu affaire à des imprévus, même lors de voyages scolaires, et j'ai toujours aimé résoudre ces problèmes inattendus: enfants qui se blessent, hôtel réservé et non disponible, repas oubliés, etc.
Lors d'un voyage en Égypte avec un ami et un groupe d'une douzaine de personnes, voyage entièrement organisé par nos soins avec les moyens autochtones, nous devions, la première nuit, être hébergés par le Séminaire Catholique Copte de Ma'adi, au Caire. Arrivés avec beaucoup de retard sur les lieux, à cause de difficultés à l'aéroport, nous avions trouvé portes closes, lumières éteintes et gardes armés sur le trottoir. Les dames les plus âgées du groupe commencèrent par trouver bien légères ces mœurs orientales qui ne se souciaient guère des convenances puis, alors que la situation s'éternisait, se mirent à geindre d'abord discrètement puis de façon de plus en plus évidentes.
Moi, je riais beaucoup (sous cape, bien sûr). D'abord, il faisait très doux dans la nuit cairote, ensuite j'étais ravi de voir ces veilles toupies un peu moins sûres d'elles, enfin, les gardes armés, en fait jeunes soldats effectuant leur service militaire, avaient, même dans une semi-obscurité, des allures plus qu'affriolantes. La seule chose qui me dérangeait un peu, c'est que je commençais à avoir bigrement faim. Mais j'étais bien certain que, d'une façon ou d'une autre, nous n'allions pas devoir passer la nuit sur ce trottoir. Effectivement, grâce au plus jeune de la troupe, qui parvint à escalader les grilles du séminaire, sans d'ailleurs que les soldats, à qui l'on avait tout expliqué, n'interviennent aucunement, le supérieur fut réveillé (il croyait que nous n'arrivions que le lendemain) et nous eûmes droit à repas fort correct et couche bienvenue.
Je raconterai peut-être une autre fois comment j'ai failli rester enfermé dans une tombe de la Vallée des Nobles....
( La photo n'a rien à voir: il s'agit tout simplement d'un sommet des Alpes, en Maurienne, à la fin de cet hiver.)
dimanche 18 avril 2010
Anachronisme
Quand il passe là, il a toujours l'impression d'être ailleurs. L'avenue, enserrée dans une suite ininterrompue d'immeubles à plates façades, se brise soudain à l'approche du pont de chemin de fer. La dernière maison à gauche, c'est l'entreprise de marbrerie funéraire, une coopérative ouvrière où il a fait tailler le granit de la tombe de Pierre. Derrière, il y a le vieux cimetière, avec ces monuments bourgeois et prétentieux au fond et de plus humbles près du portail. La terre n'a pas fini de se déplacer. Il faut attendre avant de construire et parfois recaler les stèles anciennes. Ça le ramène en arrière, un voyage à Vienne en Autriche, à la recherche de la tombe de Mozart: un cimetière gothique sous la pile de la voie rapide ou d'une quelconque autoroute, tout près de l'affreux Danube. La laideur et l'antique étroitement mêlés. Ici, c'est un peu la même chose, à moindre échelle. Et il n'y a aucun Mozart à rechercher.
Après la marbrerie, il se dresse seul, inoccupé depuis de nombreuses années. Un ancien garage, surmonté de ce long phallus qui n'était destiné qu'à le faire repérer. Si l'on voulait s'y arrêter, il valait mieux s'y prendre tôt. Aujourd'hui, c'est encore pire avec la ligne du tram qui interdit tout virage à gauche avant le feu. Sur l'autre trottoir, à droite, la dernière maison qui lui faisait face a été démolie et n'a jamais été reconstruite. Un pan de mur avec une ouverture en épais verre dépoli surplombe encore la ligne de chemin de fer invisible de la route dans sa tranchée profonde. Au-delà, à droite, c'est le nouveau cimetière, celui du XIX° siècle, plus fonctionnel dans son plan d'ensemble, avec ses allées bien tracées et rayonnantes autour des axes. A gauche, après le pont, il subsistait il y a peu des constructions basses et lépreuses où s'étaient installés, les fleuristes. Aujourd'hui, c'est tout un nouveau quartier qui se dessine, éblouissant de blanc, fascinant de géométrie, qu'il faut photographier avant qu'il ne sombre dans la laideur quotidienne.
Seul, il n'a pas changé. On peut encore lire vaguement le long de sa tour blanche les lettres majuscules qui y avaient été tracées: GARAGE. Les prochains hivers ou les orages d'été ne tarderont pas à effacer les dernières traces de son utilité. Il lui plaît comme ça, bête, inutile, un peu prétentieux mais pas pour lui. Sur une façade, côté train, il y avait une pendule. Il n'en reste que le cercle et la marque. Les aiguilles ont disparu. Peut-être les retrouverait-on au bord des rails, en bas.
Chaque jour, des centaines de trains passent tout près; chaque jour, des milliers de voyageurs en correspondance entre les deux gares ou pour des partances plus lointaines peuvent le voir en levant la tête à temps, avant d'être happés par la trémie. Combien en fait-il rêver, cet ancêtre planté là comme un anachronisme? Quelques-uns peut-être, comme lui, incapables de ne pas associer une façade et une histoire, une ligne et un rêve. Pour lui, c'est la vieille Amérique, celle de Bagdad Café ou quelque chose comme ça, qui lui vient à l'esprit lorsqu'arrivant tout près, il en voit la silhouette miroiter sur un ciel incertain.
Après la marbrerie, il se dresse seul, inoccupé depuis de nombreuses années. Un ancien garage, surmonté de ce long phallus qui n'était destiné qu'à le faire repérer. Si l'on voulait s'y arrêter, il valait mieux s'y prendre tôt. Aujourd'hui, c'est encore pire avec la ligne du tram qui interdit tout virage à gauche avant le feu. Sur l'autre trottoir, à droite, la dernière maison qui lui faisait face a été démolie et n'a jamais été reconstruite. Un pan de mur avec une ouverture en épais verre dépoli surplombe encore la ligne de chemin de fer invisible de la route dans sa tranchée profonde. Au-delà, à droite, c'est le nouveau cimetière, celui du XIX° siècle, plus fonctionnel dans son plan d'ensemble, avec ses allées bien tracées et rayonnantes autour des axes. A gauche, après le pont, il subsistait il y a peu des constructions basses et lépreuses où s'étaient installés, les fleuristes. Aujourd'hui, c'est tout un nouveau quartier qui se dessine, éblouissant de blanc, fascinant de géométrie, qu'il faut photographier avant qu'il ne sombre dans la laideur quotidienne.
Seul, il n'a pas changé. On peut encore lire vaguement le long de sa tour blanche les lettres majuscules qui y avaient été tracées: GARAGE. Les prochains hivers ou les orages d'été ne tarderont pas à effacer les dernières traces de son utilité. Il lui plaît comme ça, bête, inutile, un peu prétentieux mais pas pour lui. Sur une façade, côté train, il y avait une pendule. Il n'en reste que le cercle et la marque. Les aiguilles ont disparu. Peut-être les retrouverait-on au bord des rails, en bas.
Chaque jour, des centaines de trains passent tout près; chaque jour, des milliers de voyageurs en correspondance entre les deux gares ou pour des partances plus lointaines peuvent le voir en levant la tête à temps, avant d'être happés par la trémie. Combien en fait-il rêver, cet ancêtre planté là comme un anachronisme? Quelques-uns peut-être, comme lui, incapables de ne pas associer une façade et une histoire, une ligne et un rêve. Pour lui, c'est la vieille Amérique, celle de Bagdad Café ou quelque chose comme ça, qui lui vient à l'esprit lorsqu'arrivant tout près, il en voit la silhouette miroiter sur un ciel incertain.
samedi 17 avril 2010
Momentini
- Où est le nuage de cendres? Haut, très haut, grand ciel bleu aujourd'hui à Lyon. Toute la ville dehors (ceux qui ne sont pas partis en vacances) et les touristes, partout. Terrasses bondées, rues encombrées, magasins débordants. Et toujours le côté bon enfant qui fait que souvent l'on s'arrête si l'on voit que l'on va gêner l'autre qui prend une photo. Je sais de quoi je parle.
- Deux Vincent pour le prix d'un cet après-midi. Heureux de les revoir tous deux. L'un à la Guillotière, en partance pour Rome (en voiture, bien sûr, mais le veinard tout de même), l'autre à son orgue à se dégourdir les doigts. Un petit bout de Widor qui magnifiait l'or du chœur sous le soleil rayonnant.
- Longue promenade de trois heures: Gambetta, Guillotière, Facultés, Ainay, quais de Saône, Bellecour et retour. Trois heures, comme mardi à Saint-Etienne où j'ai passé une bonne partie de la journée. Là bas, où je suis né, je me sens étranger. Ici, je suis chez moi. Aucun doute là-dessus.
- Trouvé dans la poche d'une veste pas remise depuis longtemps une petite bande de papier de couleur datant de la Biennale de la Danse 2008 (juste avant mon semi marathon historique!) et distribuée par une des compagnies associées. Sur cette bande, imprimée une citation de Woody Allen: "L'avenir m'intéresse: c'est là que j'ai l'intention de passer mes prochaines années." Alors, on va sûrement se croiser.
- Hier soir, reçu Frédéric et Jean-Claude. Au menu, salades bien sûr, puis langue de bœuf avec légumes en pot-au-feu. Assez réussie. On m'en a fait compliment. Il y a dix ans, j'en aurais eu des sueurs froides. Le dessert? Fraises au sucre.
- Selon un membre du clergé iranien, les catastrophes naturelles actuelles sont dues aux femmes, trop dévergondées: rapports sexuels hors mariage, vêtement trop courts, etc. Décidément, la connerie est la chose la mieux partagée du monde. Enfin, si une femme, en se déshabillant, peut provoquer l'éruption prolongée d'un volcan, elle peut être fière d'elle, non ?
- Deux Vincent pour le prix d'un cet après-midi. Heureux de les revoir tous deux. L'un à la Guillotière, en partance pour Rome (en voiture, bien sûr, mais le veinard tout de même), l'autre à son orgue à se dégourdir les doigts. Un petit bout de Widor qui magnifiait l'or du chœur sous le soleil rayonnant.
- Longue promenade de trois heures: Gambetta, Guillotière, Facultés, Ainay, quais de Saône, Bellecour et retour. Trois heures, comme mardi à Saint-Etienne où j'ai passé une bonne partie de la journée. Là bas, où je suis né, je me sens étranger. Ici, je suis chez moi. Aucun doute là-dessus.
- Trouvé dans la poche d'une veste pas remise depuis longtemps une petite bande de papier de couleur datant de la Biennale de la Danse 2008 (juste avant mon semi marathon historique!) et distribuée par une des compagnies associées. Sur cette bande, imprimée une citation de Woody Allen: "L'avenir m'intéresse: c'est là que j'ai l'intention de passer mes prochaines années." Alors, on va sûrement se croiser.
- Hier soir, reçu Frédéric et Jean-Claude. Au menu, salades bien sûr, puis langue de bœuf avec légumes en pot-au-feu. Assez réussie. On m'en a fait compliment. Il y a dix ans, j'en aurais eu des sueurs froides. Le dessert? Fraises au sucre.
- Selon un membre du clergé iranien, les catastrophes naturelles actuelles sont dues aux femmes, trop dévergondées: rapports sexuels hors mariage, vêtement trop courts, etc. Décidément, la connerie est la chose la mieux partagée du monde. Enfin, si une femme, en se déshabillant, peut provoquer l'éruption prolongée d'un volcan, elle peut être fière d'elle, non ?
vendredi 16 avril 2010
Vol au-dessus d'un nid de cons-cons.
- Dis donc, homo et pédé, c'est bien la même chose? demande l'Ignorance.
- Oui, je crois, puisque les homos, on les traite de pédés, ça doit bien être la même chose, répond le Syllogisme.
- Ah mais pas du tout! Seulement quelques-uns, reprend la Précision, il y a en qui sont presque normaux, sauf qu'ils aiment les personnes du même sexe qu'eux. Mais adultes tout de même. Les autres, on pourrait dire qu'ils sont les pervers des pervers.
- Moi je ne comprends pas! s'exclame l'Étonnement. Quel plaisir on peut trouver à ça?
- Un laïc avec une petite fille, passe encore, rajoute la Tolérance, mais un curé avec un petit garçon!
- Je frémis à l'idée que ça pourrait être le mien, gargouille la Famille.
- Il faut que cela cesse, éructe le Politique. Nous allons promulguer une loi, dans l'urgence. C'est comme pour les zones inondables, on ne peut pas attendre!
- Avec indemnisation des victimes? questionne la Cupidité.
- Cessez! Alors que même le pape les soutient! s'indigne l'Intégrisme laïc.
- Qui vous permet de vous attaquer au chef spirituel de l'Église catholique? s'indigne à son tout l'Intégrisme clérical.
- On n'est pas près d'en voir le bout! rigole le Comique de service.
- Mais où va le monde, tout de même? pleurniche le Nostalgique. De mon temps, ce n'était pas comme ça. Même les volcans s'en mêlent.
- Moi, je ne peux même pas rentrer chez moi! Ce n'est pas normal, proteste le Touriste. Je vais porter réclamation.
- Et vous avez vu le nom du volcan! s'exclame la Franchouille. Si c'est pas fait exprès pour nous faire chier.
- On pourrait peut-être...! essaie la Raison.
- Ta gueule! explose la Connerie. Tu parleras quand on te le dira!
- Oui, je crois, puisque les homos, on les traite de pédés, ça doit bien être la même chose, répond le Syllogisme.
- Ah mais pas du tout! Seulement quelques-uns, reprend la Précision, il y a en qui sont presque normaux, sauf qu'ils aiment les personnes du même sexe qu'eux. Mais adultes tout de même. Les autres, on pourrait dire qu'ils sont les pervers des pervers.
- Moi je ne comprends pas! s'exclame l'Étonnement. Quel plaisir on peut trouver à ça?
- Un laïc avec une petite fille, passe encore, rajoute la Tolérance, mais un curé avec un petit garçon!
- Je frémis à l'idée que ça pourrait être le mien, gargouille la Famille.
- Il faut que cela cesse, éructe le Politique. Nous allons promulguer une loi, dans l'urgence. C'est comme pour les zones inondables, on ne peut pas attendre!
- Avec indemnisation des victimes? questionne la Cupidité.
- Cessez! Alors que même le pape les soutient! s'indigne l'Intégrisme laïc.
- Qui vous permet de vous attaquer au chef spirituel de l'Église catholique? s'indigne à son tout l'Intégrisme clérical.
- On n'est pas près d'en voir le bout! rigole le Comique de service.
- Mais où va le monde, tout de même? pleurniche le Nostalgique. De mon temps, ce n'était pas comme ça. Même les volcans s'en mêlent.
- Moi, je ne peux même pas rentrer chez moi! Ce n'est pas normal, proteste le Touriste. Je vais porter réclamation.
- Et vous avez vu le nom du volcan! s'exclame la Franchouille. Si c'est pas fait exprès pour nous faire chier.
- On pourrait peut-être...! essaie la Raison.
- Ta gueule! explose la Connerie. Tu parleras quand on te le dira!
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mercredi 14 avril 2010
Essais non transformés
Pour finir en cinquième la séquence sur la poésie, et surtout parce qu'il me restait du temps, j'ai abordé une forme japonaise: le haïku. Une de mes collègues en est absolument entichée, au point de nous en proposer un de sa composition chaque matin dans la salle des profs. Franchement, moi, je ne suis pas très accro. Peut-être apprécierais-je en japonais, dans la langue d'origine, et encore, je n'en sais rien. J'aime la littérature nippone, mais leur poésie, je ne la connais pas.
Pendant que mes élèves, dans les dix dernières minutes, s'essayaient à cet exercice (dont le but principal était pour moi de leur faire compter correctement le nombre de pieds de chacun des trois vers: 5 pour le premier, 7 pour le second et 5 pour le dernier), je m'ennuyais un peu. Je supporte de moins en moins d'attendre qu'ils aient fini leurs exercices! Étrange pour un enseignant. Alors, machinalement, je me suis mis à tracer moi aussi quelques mots sur une feuille, à compter moi aussi les -e suivis d'une consonne et à ne pas compter ceux suivis d'une voyelle.
Voici le résultat de cet instant d'égarement. Soyez indulgents!
Le cerisier blanc
Sur la montagne enneigée
Rêver d'autre part
Au creux de ton cou
Pour abriter mon amour
Tiédeur de ta peau
L'oreiller humide
Éponge de tes vieux rêves
Le jour paraît, clair
Une tache jaune
Dans le vert de la prairie
Soleil immobile
Ka Li Ste
Pendant que mes élèves, dans les dix dernières minutes, s'essayaient à cet exercice (dont le but principal était pour moi de leur faire compter correctement le nombre de pieds de chacun des trois vers: 5 pour le premier, 7 pour le second et 5 pour le dernier), je m'ennuyais un peu. Je supporte de moins en moins d'attendre qu'ils aient fini leurs exercices! Étrange pour un enseignant. Alors, machinalement, je me suis mis à tracer moi aussi quelques mots sur une feuille, à compter moi aussi les -e suivis d'une consonne et à ne pas compter ceux suivis d'une voyelle.
Voici le résultat de cet instant d'égarement. Soyez indulgents!
Le cerisier blanc
Sur la montagne enneigée
Rêver d'autre part
Au creux de ton cou
Pour abriter mon amour
Tiédeur de ta peau
L'oreiller humide
Éponge de tes vieux rêves
Le jour paraît, clair
Une tache jaune
Dans le vert de la prairie
Soleil immobile
Ka Li Ste
mardi 13 avril 2010
Complainte
Depuis une dizaine de jours, j'attends. Pourquoi m'a-t-on oublié? On m'a caché là, au fond de ce jardin afin que personne ne me trouve. Je ne sais même pas pourquoi on m'a caché, je n'avais rien fait de mal. Depuis plus rien. J'ai bien entendu quelques éclats de rire le premier jour, et des enfants, en jouant, sont passés tout près de ma cachette. La maison maintenant semble totalement vide. D'où je suis, j'aperçois les fenêtres du grand salon et de la bibliothèque. On en a fermé les persiennes le lendemain soir du jour où l'on m'a fait disparaître. Personne n'est revenu les ouvrir depuis et les seules voix que j'entends sont celles des passants dans la petite rue tranquille qui borde le jardin. Je m'occupe comme je peux: à rêver la plupart du temps, à regarder les fleurs apparaître puis se courber et se flétrir, à essayer de reconnaître les cris des oiseaux qui nichent ici, dans le vieux cerisier, à m'inventer un destin fabuleux. J'aimerais pourtant bien sortir d'ici. Il commence à faire trop chaud et j'en ai assez d'attendre. Si ça continue, je vais me liquéfier sur place. Je ne demande pas grand chose: que l'on vienne me chercher et que l'on me croque. Après tout, c'est fait pour ça, un œuf de Pâques.
lundi 12 avril 2010
Bis
Étonnant! Depuis quelques jours, et ce régulièrement plusieurs fois par jour, lorsque je regarde mon réveil, mon ordinateur ou mon portable pour savoir l'heure, je tombe sur ce genre d'indications: 12h12, 22h22, 17h17, 15h15, 09h09. Eesstt-ccee nnoorrmmaall, ddoocctteeuurr?
Le coup des théâtres
J'essaie en ce moment de monter un projet théâtre en sixième pour la fin d'année. Non, pas de représentation ni même de courts passages sur scène pour ces bambins dont je ne prends pas forcément le moindre des gestes ou des intonations pour des pépites de génie. Je me sentirais d'ailleurs bien en peine de mettre moi même sur pied un quelconque spectacle, n'en ayant aucunement les capacités et ne supportant guère la médiocrité dans ce domaine comme dans d'autres.
Non, le projet est plus simple et a été décidé par l'ensemble des professeurs de français avec une progression sur les quatre ans du collège. En sixième, il est question de faire connaître aux élèves les métiers du théâtre et le lieu lui-même. J'ai réussi à mener à bien et assez rapidement une partie de ce programme avec l'E*N*S*A*T*T, qui nous recevra dans quelques temps et n'a pas fait de difficulté pour cela.
En revanche, la tâche qui me reste à accomplir me semble de jour en jour plus difficile à mener à bien, tant certains de mes interlocuteurs y mettent de mauvaise volonté. J'ai contacté de nombreux théâtres de la ville de Lyon, des petits comme des grands, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'accueil n'est pas vraiment enthousiaste: tantôt, pour calmer mes ardeurs, on met immédiatement en avant un prix qui, sans être prohibitif, est en général assez élevé; tantôt on ne peut me répondre: la personne qui s'occupe de ce genre d'affaires n'est pas là et ne sera joignable au plus tôt que fin avril; tantôt c'est l'âge des élèves qui pose problème: "Nous sommes un théâtre contemporain et nous ne nous adressons à des enfants qu'à partir de la seconde!" me suis-je entendu répondre par celle qui fut de loin la moins ouverte aux dialogues, dans un théâtre de la presqu'île que je ne nommerais pas. S'il s'agissait d'assister à une représentation, je comprendrais, mais pour parler du métier d'acteur ou de costumier ou de décorateur, en quoi l'âge des élèves a-t-il une importance? Tantôt, plus simplement, on me dit que l'on ne reçoit pas de scolaires (sauf pour les spectacles: l'argent, d'où qu'il vienne est toujours bon à prendre).
Il faut tout de même que je précise que quelques-unes (car j'ai toujours eu affaire à des femmes) ont été charmantes et réellement désolées de ne pas pouvoir répondre à ma requête. L'une a même pris la peine de se renseigner d'une façon plus précise et de me rappeler sur mon portable, pour une réponse, hélas, négative, mais au moins correctement argumentée.
Alors bon, pourquoi pas! Mais que l'on ne vienne plus me dire que l'école est repliée sur elle-même, qu'elle fonctionne en vase clos, qu'elle tourne le dos à toute ouverture sur le monde extérieur. Ce n'est pas la première fois que je vois toutes les portes se fermer quand je prononce le mot "scolaire": j'ai, il y a quelques années, dû revoir sérieusement à la baisse un projet sur le roman policier devant un refus plus que méprisant de la part des bureaux de la police scientifique. Dernier exemple de cet ostracisme anti-école: la visite avec des troisièmes, il y a une quinzaine de jours, du Musée de la Résistance et de la Déportation. Les enfants étaient particulièrement attentifs et respectueux en remplissant le questionnaire qui les faisait naviguer d'une vitrine à l'autre. Mes deux collègues et moi-même étions très attentifs au bon déroulement, dans le calme, de la visite. Cela n'a pas empêché l'un d'eux de se faire reprocher le bruit soit-disant occasionné par leur passage! "Faites votre travail, Monsieur!" Sans doute quelque visiteur confondant respect et glaciation, qui va prônant partout le devoir de mémoire mais est incapable d'accepter les conditions de la mise en place de ce devoir au sein de la jeunesse scolaire. Sur ce plan-là non plus, je ne regretterai rien une fois la retraite venue...
Non, le projet est plus simple et a été décidé par l'ensemble des professeurs de français avec une progression sur les quatre ans du collège. En sixième, il est question de faire connaître aux élèves les métiers du théâtre et le lieu lui-même. J'ai réussi à mener à bien et assez rapidement une partie de ce programme avec l'E*N*S*A*T*T, qui nous recevra dans quelques temps et n'a pas fait de difficulté pour cela.
En revanche, la tâche qui me reste à accomplir me semble de jour en jour plus difficile à mener à bien, tant certains de mes interlocuteurs y mettent de mauvaise volonté. J'ai contacté de nombreux théâtres de la ville de Lyon, des petits comme des grands, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'accueil n'est pas vraiment enthousiaste: tantôt, pour calmer mes ardeurs, on met immédiatement en avant un prix qui, sans être prohibitif, est en général assez élevé; tantôt on ne peut me répondre: la personne qui s'occupe de ce genre d'affaires n'est pas là et ne sera joignable au plus tôt que fin avril; tantôt c'est l'âge des élèves qui pose problème: "Nous sommes un théâtre contemporain et nous ne nous adressons à des enfants qu'à partir de la seconde!" me suis-je entendu répondre par celle qui fut de loin la moins ouverte aux dialogues, dans un théâtre de la presqu'île que je ne nommerais pas. S'il s'agissait d'assister à une représentation, je comprendrais, mais pour parler du métier d'acteur ou de costumier ou de décorateur, en quoi l'âge des élèves a-t-il une importance? Tantôt, plus simplement, on me dit que l'on ne reçoit pas de scolaires (sauf pour les spectacles: l'argent, d'où qu'il vienne est toujours bon à prendre).
Il faut tout de même que je précise que quelques-unes (car j'ai toujours eu affaire à des femmes) ont été charmantes et réellement désolées de ne pas pouvoir répondre à ma requête. L'une a même pris la peine de se renseigner d'une façon plus précise et de me rappeler sur mon portable, pour une réponse, hélas, négative, mais au moins correctement argumentée.
Alors bon, pourquoi pas! Mais que l'on ne vienne plus me dire que l'école est repliée sur elle-même, qu'elle fonctionne en vase clos, qu'elle tourne le dos à toute ouverture sur le monde extérieur. Ce n'est pas la première fois que je vois toutes les portes se fermer quand je prononce le mot "scolaire": j'ai, il y a quelques années, dû revoir sérieusement à la baisse un projet sur le roman policier devant un refus plus que méprisant de la part des bureaux de la police scientifique. Dernier exemple de cet ostracisme anti-école: la visite avec des troisièmes, il y a une quinzaine de jours, du Musée de la Résistance et de la Déportation. Les enfants étaient particulièrement attentifs et respectueux en remplissant le questionnaire qui les faisait naviguer d'une vitrine à l'autre. Mes deux collègues et moi-même étions très attentifs au bon déroulement, dans le calme, de la visite. Cela n'a pas empêché l'un d'eux de se faire reprocher le bruit soit-disant occasionné par leur passage! "Faites votre travail, Monsieur!" Sans doute quelque visiteur confondant respect et glaciation, qui va prônant partout le devoir de mémoire mais est incapable d'accepter les conditions de la mise en place de ce devoir au sein de la jeunesse scolaire. Sur ce plan-là non plus, je ne regretterai rien une fois la retraite venue...
dimanche 11 avril 2010
Anniversaire
Il y a trois ans aujourd'hui, mon père (P2) mourait. J'ai l'impression que c'était des siècles en arrière. J'étais avec lui, cette nuit-là. Aujourd'hui, nous sommes allés avec ma mère et ma sœur dans la Loire, là où il est enterré. Pas parce que c'était l'anniversaire. Parce qu'il faisait beau, parce que nous n'y étions pas allés depuis longtemps, parce que nous en avions tous envie.
Et le massif du Pilat est toujours aussi beau, et le vert des prés est toujours unique dans ces contrées, et les souvenirs d'enfance affluent chaque fois que j'emprunte en voiture la petite route boisée qui serpente jusqu'à ce cimetière. Le village où j'allais à la messe chaque dimanche a sans doute décuplé sa population, à voir tous les immeubles qui font aujourd'hui oublier l'église, autrefois plantée au milieu de son troupeau, en bonne bergère des images d'Épinal. Les prés autour du cimetière, où avec Yvon nous avons connu parmi nos premiers émois sensuels ensemble sont aujourd'hui encombrés de petites maisons clés en main où l'on s'empresse de maçonner la murette qui vous sépare du voisin, afin d'être bien chez soi, sans ambiguïté.
Mes deux pères sont là, l'un sous la pierre d'un vieux tombeau qui s'effrite, l'autre sous les pensées plantées par je ne sais qui. Au retour, j'ai emprunté, comme chaque fois, les routes de campagne des monts du Lyonnais plutôt que l'autoroute et entendu ma mère raconter pour la millième fois l'anecdote de tel repas dans ce restaurant ou évoquer un tel qui vendait des pantoufles dans ce village au bord de la route. Je crois que si elle n'avait pas raconté ces histoires, cela m'aurait manqué. Il y a des rites qui nous ennuient longtemps mais auxquels on finit par tenir.
Et le massif du Pilat est toujours aussi beau, et le vert des prés est toujours unique dans ces contrées, et les souvenirs d'enfance affluent chaque fois que j'emprunte en voiture la petite route boisée qui serpente jusqu'à ce cimetière. Le village où j'allais à la messe chaque dimanche a sans doute décuplé sa population, à voir tous les immeubles qui font aujourd'hui oublier l'église, autrefois plantée au milieu de son troupeau, en bonne bergère des images d'Épinal. Les prés autour du cimetière, où avec Yvon nous avons connu parmi nos premiers émois sensuels ensemble sont aujourd'hui encombrés de petites maisons clés en main où l'on s'empresse de maçonner la murette qui vous sépare du voisin, afin d'être bien chez soi, sans ambiguïté.
Mes deux pères sont là, l'un sous la pierre d'un vieux tombeau qui s'effrite, l'autre sous les pensées plantées par je ne sais qui. Au retour, j'ai emprunté, comme chaque fois, les routes de campagne des monts du Lyonnais plutôt que l'autoroute et entendu ma mère raconter pour la millième fois l'anecdote de tel repas dans ce restaurant ou évoquer un tel qui vendait des pantoufles dans ce village au bord de la route. Je crois que si elle n'avait pas raconté ces histoires, cela m'aurait manqué. Il y a des rites qui nous ennuient longtemps mais auxquels on finit par tenir.
Conseils
Extraits d'un petit papier distribué samedi après-midi Place Bellecour lors d'une manifestation:
Conseils en manif.
Ne pas venir seul. Former des petits groupes de 2 ou 3 (entre gens qui se connaissent et qui ne se lâcheront pas pendant la manif). Avoir des chaussures adaptées (lacets noués) et éviter de porter des vêtements trop amples: ça gêne pour courir et ça donne des prises pour vous attraper. Jusque-là rien que de bien compréhensible. On a l'impression que rien n'a changé depuis le temps où je participais à ce genre de joyeux défilés, dans les années soixante-dix.
Rester vigilant, mobile et attentif: les fachos et les flics peuvent attaquer à n'importe quel moment. Ne pas se laisser surprendre. Plus on anticipe moins on stresse. Là, bien que le papier ne soit absolument pas signé de quelque organisation que ce soit, on commence à comprendre où l'on se situe. Moi, personnellement, si j'anticipe trop, je prends peur et je n'y vais pas.
Surveiller la B*A*C. En cas de clash avec les fafs, on aura tendance à oublier la présence des civils, toujours prêts à bondir sur nous. Ils sont sur les bords des manifs, ou cachés dans les ruelles et peuvent aussi surgir en voiture banalisée. Ils sont assez repérables (cheveux courts comme des fachos, toujours en baskets). Ils ont souvent des gros habits gonflés (même en été) ou un sac à dos: dedans, ils cachent leurs armes favorites: Gun, Flash-ball, Tazer, Gazeuse, Tonfa. Deux conclusions suite à la lecture de ce paragraphe: il faudra que j'améliore mon vocabulaire car je ne comprends pas tout, et que je veille à ne plus me couper les cheveux aussi courts, sinon, je passe pour qui, non mais...Ah oui, préciser aussi que si mon habit est gonflé, même en été, c'est parce que j'ai pris quelques kilos depuis que je ne cours plus.
Etc,etc.
Impressions? Désagréables: celle de ne plus pouvoir garder sa liberté de pensée et de forcément devoir faire partie d'un groupe ou d'un autre, d'un camp ou d'un autre (car le champ lexical est volontiers axé sur la chasse ou l'attaque). Celle que la concertation, la négociation ne sont plus possibles et que la seule position rentable est celle de la violence. Celle enfin d'avoir sans le savoir côtoyé un immense danger alors que j'étais sorti uniquement pour apprécier le soleil revenu.
Pourquoi chez moi cette sensation persistante de ne plus tout à fait faire partie du même monde?
Précision utile, on ne sait jamais: ce billet n'est aucunement une approbation de certaines attitudes policières et encore moins un soutien à ceux que ce tract nomme les fachos. Ceux qui me connaissent le savent.
Conseils en manif.
Ne pas venir seul. Former des petits groupes de 2 ou 3 (entre gens qui se connaissent et qui ne se lâcheront pas pendant la manif). Avoir des chaussures adaptées (lacets noués) et éviter de porter des vêtements trop amples: ça gêne pour courir et ça donne des prises pour vous attraper. Jusque-là rien que de bien compréhensible. On a l'impression que rien n'a changé depuis le temps où je participais à ce genre de joyeux défilés, dans les années soixante-dix.
Rester vigilant, mobile et attentif: les fachos et les flics peuvent attaquer à n'importe quel moment. Ne pas se laisser surprendre. Plus on anticipe moins on stresse. Là, bien que le papier ne soit absolument pas signé de quelque organisation que ce soit, on commence à comprendre où l'on se situe. Moi, personnellement, si j'anticipe trop, je prends peur et je n'y vais pas.
Surveiller la B*A*C. En cas de clash avec les fafs, on aura tendance à oublier la présence des civils, toujours prêts à bondir sur nous. Ils sont sur les bords des manifs, ou cachés dans les ruelles et peuvent aussi surgir en voiture banalisée. Ils sont assez repérables (cheveux courts comme des fachos, toujours en baskets). Ils ont souvent des gros habits gonflés (même en été) ou un sac à dos: dedans, ils cachent leurs armes favorites: Gun, Flash-ball, Tazer, Gazeuse, Tonfa. Deux conclusions suite à la lecture de ce paragraphe: il faudra que j'améliore mon vocabulaire car je ne comprends pas tout, et que je veille à ne plus me couper les cheveux aussi courts, sinon, je passe pour qui, non mais...Ah oui, préciser aussi que si mon habit est gonflé, même en été, c'est parce que j'ai pris quelques kilos depuis que je ne cours plus.
Etc,etc.
Impressions? Désagréables: celle de ne plus pouvoir garder sa liberté de pensée et de forcément devoir faire partie d'un groupe ou d'un autre, d'un camp ou d'un autre (car le champ lexical est volontiers axé sur la chasse ou l'attaque). Celle que la concertation, la négociation ne sont plus possibles et que la seule position rentable est celle de la violence. Celle enfin d'avoir sans le savoir côtoyé un immense danger alors que j'étais sorti uniquement pour apprécier le soleil revenu.
Pourquoi chez moi cette sensation persistante de ne plus tout à fait faire partie du même monde?
Précision utile, on ne sait jamais: ce billet n'est aucunement une approbation de certaines attitudes policières et encore moins un soutien à ceux que ce tract nomme les fachos. Ceux qui me connaissent le savent.
samedi 10 avril 2010
Soleil d'avril
Première journée de printemps (le vrai, semble-t-il), première journée de vacances. Aucune douleur de la petite intervention chirurgicale d'hier. Aucune douleur dans la cuisse ni dans le dos non plus. Du soleil, du temps libre. Couché tôt, réveillé tard, une bonne nuit de sommeil. En pleine forme, Calyste, aujourd'hui.
Repris mon habitude de descendre Gambetta jusqu'à Bellecour. La chaleur fait sortir les foules, mais l'ambiance est bon enfant, pas encore échauffée par les trop fortes températures de l'été. Un plaisir de marcher en voyant les arbres reverdir et les magnolias de la place des Célestins joncher de leurs pétales le sol de bois du petit square.
Beaucoup de touristes, beaucoup d'étrangers. Je n'ai pas reconnu toutes les langues entendues. La Saône s'encombre de bateaux-mouches remplis de photographes amateurs et de bambins braillards, les terrasses de café ne désemplissent pas, les manifestations défilent, les cloches des églises sonnent, les fanfares se font concurrence, les vies de garçon s'enterrent, les pauvres mendient, les étoffes chatoyantes sortent sur les trottoirs, on s'interpelle d'un coté de la rue à l'autre, on fume, on lit au soleil des berges, on circule à vélo, à pied, en voiture, on a sorti les tenues légères ou bien l'on se méfie encore, en avril, ne te....
Ce soir, on ira au restaurant, dans un bar branché ou plus calme, on se fera une péniche, ou une promenade en amoureux, ou un long périple à travers la ville des lumières pour tenter d'immortaliser la beauté de ses sites avec un de ces appareils numériques qui, décidément, ne sont pas les plus appropriés la nuit. Demain, il peut pleuvoir, ou le ciel s'assombrir, rien n'y fera: on aura tout de même passé une bonne journée, un bon après-midi dehors au tendre soleil d'avril.
Repris mon habitude de descendre Gambetta jusqu'à Bellecour. La chaleur fait sortir les foules, mais l'ambiance est bon enfant, pas encore échauffée par les trop fortes températures de l'été. Un plaisir de marcher en voyant les arbres reverdir et les magnolias de la place des Célestins joncher de leurs pétales le sol de bois du petit square.
Beaucoup de touristes, beaucoup d'étrangers. Je n'ai pas reconnu toutes les langues entendues. La Saône s'encombre de bateaux-mouches remplis de photographes amateurs et de bambins braillards, les terrasses de café ne désemplissent pas, les manifestations défilent, les cloches des églises sonnent, les fanfares se font concurrence, les vies de garçon s'enterrent, les pauvres mendient, les étoffes chatoyantes sortent sur les trottoirs, on s'interpelle d'un coté de la rue à l'autre, on fume, on lit au soleil des berges, on circule à vélo, à pied, en voiture, on a sorti les tenues légères ou bien l'on se méfie encore, en avril, ne te....
Ce soir, on ira au restaurant, dans un bar branché ou plus calme, on se fera une péniche, ou une promenade en amoureux, ou un long périple à travers la ville des lumières pour tenter d'immortaliser la beauté de ses sites avec un de ces appareils numériques qui, décidément, ne sont pas les plus appropriés la nuit. Demain, il peut pleuvoir, ou le ciel s'assombrir, rien n'y fera: on aura tout de même passé une bonne journée, un bon après-midi dehors au tendre soleil d'avril.
vendredi 9 avril 2010
Mise au poin(g)t
Il y a actuellement un certain nombre de sujets de conversation qui commencent sérieusement à me courir sur le haricot. L'un d'entre eux, très en pointe en ce moment est la violence à l'école. Tout à coup, on se rend compte que quelque chose ne va pas dans le royaume de Danemark et qu'il faut, d'urgence bien sûr, trouver des solutions.
Aussitôt dit, aussitôt fait, on réunit des Assises, on regroupe quelques censés "spécialistes" autour d'une table ronde pour ne vexer personne, on débat pendant quelques jours et on publie ses conclusions. Et cette fois encore, la montagne a accouché d'une souris: face à la montée de la violence dans les établissements scolaires, la solution préconisée est de mieux former les enseignants à ce genre de situations. Bravo: bel effort de réflexion, cela valait sans doute le coup (et le coût) de se réunir en grandes pompes. Je suggère une application ultra-rapide de cette conclusion: pourquoi ne pas nous offrir une armure ou des gilets pare-balles renouvelables chaque année au frais de l'Éducation Nationale? Je suggère aussi des couleurs différentes pour les différents cycles d'enseignement ou, si l'on préfère, pour les différents grades d'enseignants: or, bien sûr, pour les agrégés qui ne sont plus à l'abri de se prendre une gifle, rouge sang pour les capésiens, vert pour les professeurs des écoles.
Pour redevenir sérieux, je ne comprends pas que l'annonce faite aujourd'hui des conclusions de cette commission ne fasse pas hurler de rire la France entière. Ainsi une meilleure formation des enseignants à la gestion des conflits suffirait à endiguer le mal? Mais de qui se moque-t-on? Je crois d'abord qu'il faudrait s'entendre sur ce que l'on appelle la violence à l'école. Est-ce celle, hypermédiatisée par des journalistes que Jean- Luc Mélenchon n'a pas tout à fait tort de traiter comme il les traite, qui explose régulièrement mais heureusement rarement de ci de là suite à l'intrusion de bandes extérieures aux établissements et se solde parfois par la mort d'un lycéen? Ce n'est pas à cette violence-là que les enseignants ont à faire journellement. La répression de ces actes criminels est du ressort de la police, pas de l'école.
L'autre violence, celle de tous les jours, plus insidieuse mais omniprésente, me semble beaucoup plus dangereuse à long terme: jeux dangereux, coups violents, insultes en direct ou via internet constituent bien trop souvent l'ordinaire des établissements aujourd'hui. Et que l'on ne me réponde pas que ce phénomène est circonscrit à quelques zones dites sensibles et épargne la plupart des lycées et collèges: c'est faux. Je travaille dans un établissement privé qui recrute dans un milieu encore relativement favorisé, dans la banlieue de Lyon la plus taxée par l'ISF, et je vois, de jour en jour, d'année en année, la situation se dégrader entre les élèves et même entre élèves et enseignants. Les filles se traitent de sales putes et ne s'en formalisent pas plus que cela, on croirait même parfois que c'est un signe d'amitié. On a de plus en plus de mal à ne pas se faire envahir pendant les cours par les casquettes vissées sur les têtes et les portables allumés. Une de mes collègues s'est fait insulter par des élèves du collège sur Face Book et lorsqu'elle a voulu porter plainte, on lui a rétorqué, au commissariat, que sa plainte n'était pas recevable et que ce genre d'affaires devait se régler en interne à l'établissement. Je pourrais accumuler les exemples de mépris, de violence, de rébellion insultante.
Et l'on nous dit qu'il faudrait que nous soyons mieux préparés à gérer ce genre de conflits! Mais pourquoi la gestion de ces problèmes reviendrait-elle à l'école? Elle a déjà un lourd bagage à porter, l'école, en ce moment: c'est à elle que revient la charge de la formation à la sécurité routière, à la vie sexuelle, à la prévention des conduites à risque et bien sûr, quand il reste du temps, aux fondamentaux de sa discipline. Un enseignant, tout à l'heure à la radio, disait que, sur une heure de français, s'il parvenait à sauvegarder un petit quart d'heure pour mettre en application le métier pour lequel il a été formé, il était ravi de l'aubaine.
Il me semble que le véritable problème, ce n'est pas l'école, qui fait ce qu'elle peut malgré des critiques incessantes et où de nombreux enseignants s'usent la vie à gérer quotidiennement l'ingérable, c'est bien plutôt la société actuelle qui continue à préconiser un certain enseignement tout en adoptant des valeurs opposées à celles qu'elle voudrait que l'on croit siennes: valeurs de respect, d'écoute, d'entraide, de solidarité. Où sont-elles, ces valeurs, dans la société actuelle? Le malade est bien plus atteint qu'on ne le croit. Il faudrait, plutôt que de chercher des méthodes pour résister au mal, en trouver d'autres qui permettent de l'éradiquer et ne pas nous faire chaque fois le coup de la petite fée Clochette qui règle tout d'un mouvement de sa baguette magique.
Aussitôt dit, aussitôt fait, on réunit des Assises, on regroupe quelques censés "spécialistes" autour d'une table ronde pour ne vexer personne, on débat pendant quelques jours et on publie ses conclusions. Et cette fois encore, la montagne a accouché d'une souris: face à la montée de la violence dans les établissements scolaires, la solution préconisée est de mieux former les enseignants à ce genre de situations. Bravo: bel effort de réflexion, cela valait sans doute le coup (et le coût) de se réunir en grandes pompes. Je suggère une application ultra-rapide de cette conclusion: pourquoi ne pas nous offrir une armure ou des gilets pare-balles renouvelables chaque année au frais de l'Éducation Nationale? Je suggère aussi des couleurs différentes pour les différents cycles d'enseignement ou, si l'on préfère, pour les différents grades d'enseignants: or, bien sûr, pour les agrégés qui ne sont plus à l'abri de se prendre une gifle, rouge sang pour les capésiens, vert pour les professeurs des écoles.
Pour redevenir sérieux, je ne comprends pas que l'annonce faite aujourd'hui des conclusions de cette commission ne fasse pas hurler de rire la France entière. Ainsi une meilleure formation des enseignants à la gestion des conflits suffirait à endiguer le mal? Mais de qui se moque-t-on? Je crois d'abord qu'il faudrait s'entendre sur ce que l'on appelle la violence à l'école. Est-ce celle, hypermédiatisée par des journalistes que Jean- Luc Mélenchon n'a pas tout à fait tort de traiter comme il les traite, qui explose régulièrement mais heureusement rarement de ci de là suite à l'intrusion de bandes extérieures aux établissements et se solde parfois par la mort d'un lycéen? Ce n'est pas à cette violence-là que les enseignants ont à faire journellement. La répression de ces actes criminels est du ressort de la police, pas de l'école.
L'autre violence, celle de tous les jours, plus insidieuse mais omniprésente, me semble beaucoup plus dangereuse à long terme: jeux dangereux, coups violents, insultes en direct ou via internet constituent bien trop souvent l'ordinaire des établissements aujourd'hui. Et que l'on ne me réponde pas que ce phénomène est circonscrit à quelques zones dites sensibles et épargne la plupart des lycées et collèges: c'est faux. Je travaille dans un établissement privé qui recrute dans un milieu encore relativement favorisé, dans la banlieue de Lyon la plus taxée par l'ISF, et je vois, de jour en jour, d'année en année, la situation se dégrader entre les élèves et même entre élèves et enseignants. Les filles se traitent de sales putes et ne s'en formalisent pas plus que cela, on croirait même parfois que c'est un signe d'amitié. On a de plus en plus de mal à ne pas se faire envahir pendant les cours par les casquettes vissées sur les têtes et les portables allumés. Une de mes collègues s'est fait insulter par des élèves du collège sur Face Book et lorsqu'elle a voulu porter plainte, on lui a rétorqué, au commissariat, que sa plainte n'était pas recevable et que ce genre d'affaires devait se régler en interne à l'établissement. Je pourrais accumuler les exemples de mépris, de violence, de rébellion insultante.
Et l'on nous dit qu'il faudrait que nous soyons mieux préparés à gérer ce genre de conflits! Mais pourquoi la gestion de ces problèmes reviendrait-elle à l'école? Elle a déjà un lourd bagage à porter, l'école, en ce moment: c'est à elle que revient la charge de la formation à la sécurité routière, à la vie sexuelle, à la prévention des conduites à risque et bien sûr, quand il reste du temps, aux fondamentaux de sa discipline. Un enseignant, tout à l'heure à la radio, disait que, sur une heure de français, s'il parvenait à sauvegarder un petit quart d'heure pour mettre en application le métier pour lequel il a été formé, il était ravi de l'aubaine.
Il me semble que le véritable problème, ce n'est pas l'école, qui fait ce qu'elle peut malgré des critiques incessantes et où de nombreux enseignants s'usent la vie à gérer quotidiennement l'ingérable, c'est bien plutôt la société actuelle qui continue à préconiser un certain enseignement tout en adoptant des valeurs opposées à celles qu'elle voudrait que l'on croit siennes: valeurs de respect, d'écoute, d'entraide, de solidarité. Où sont-elles, ces valeurs, dans la société actuelle? Le malade est bien plus atteint qu'on ne le croit. Il faudrait, plutôt que de chercher des méthodes pour résister au mal, en trouver d'autres qui permettent de l'éradiquer et ne pas nous faire chaque fois le coup de la petite fée Clochette qui règle tout d'un mouvement de sa baguette magique.
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Compter, compter...
Lorsqu'à table, à midi, j'ai résumé le contenu du billet précédent à mes collègues à la cantine, certains m'ont regardé d'un drôle d'air. Je connais ce regard mi amusé mi apitoyé qui me fait chaque fois comprendre que l'on me plaint du fond du cœur. Ceux qui me le jettent trouvent sans doute un peu débile cette façon de penser et surtout que , pensant de la sorte, on ait l'inconscience de faire partager ses réflexions aux autres. Mais j'ai l'habitude de cette réaction. Seule Kicou, surprise au début, avait fini par s'y faire. Ainsi, lorsque je m'amusais à calculer pendant une représentation des élèves, qu'étant à peu près soixante-dix profs, nous avions à nous tous vieilli de sept cents ans depuis mon arrivée, une dizaine d'années plus tôt, elle éclatait de rire en se demandant bien comment de telles idées en venaient à me passer par la tête.
En fait, je crois maintenant avoir l'explication, ou les explications. D'abord, je pense que c'est pour moi une façon pratique d'échapper à mon trop grand cartésianisme. J'accorde une telle importance à la logique et au raisonnement rigoureux (je n'enseigne pas le latin par hasard) que parfois, j'éprouve le besoin de prendre des chemins de traverse, de donner un peu d'air à mon cerveau, de lui accorder des vacances. Se rajoute à cela le sentiment très jouissif de ne pas être compris par des penseurs trop bien formatés et la joie, oui la joie, de passer à leurs yeux pour un imbécile.
La deuxième explication s'oppose en fait à la première. Je pense également que je ne peux m'empêcher de compter à tout moment: les chiffres des plaques d'immatriculation des voitures, le nombre d'étages d'un bâtiment, le nombre de fenêtres d'un autre, les pas quand je cours (quand je courais, devrais-je dire), la durée d'un feu rouge, etc. Ce plaisir (ou ce toc) mathématique en s'élargissant un peu en arrive à ce que j'ai dit hier. Mais rassurez-vous: tout cela est pour moi totalement gratuit et, une fois l'instant passé, je l'oublie très vite, ne lui accordant pas plus d'importance qu'un jeu gratuit de l'esprit.
En fait, je crois maintenant avoir l'explication, ou les explications. D'abord, je pense que c'est pour moi une façon pratique d'échapper à mon trop grand cartésianisme. J'accorde une telle importance à la logique et au raisonnement rigoureux (je n'enseigne pas le latin par hasard) que parfois, j'éprouve le besoin de prendre des chemins de traverse, de donner un peu d'air à mon cerveau, de lui accorder des vacances. Se rajoute à cela le sentiment très jouissif de ne pas être compris par des penseurs trop bien formatés et la joie, oui la joie, de passer à leurs yeux pour un imbécile.
La deuxième explication s'oppose en fait à la première. Je pense également que je ne peux m'empêcher de compter à tout moment: les chiffres des plaques d'immatriculation des voitures, le nombre d'étages d'un bâtiment, le nombre de fenêtres d'un autre, les pas quand je cours (quand je courais, devrais-je dire), la durée d'un feu rouge, etc. Ce plaisir (ou ce toc) mathématique en s'élargissant un peu en arrive à ce que j'ai dit hier. Mais rassurez-vous: tout cela est pour moi totalement gratuit et, une fois l'instant passé, je l'oublie très vite, ne lui accordant pas plus d'importance qu'un jeu gratuit de l'esprit.
jeudi 8 avril 2010
Arthur et moi
Quand j'étais enfant, quelqu'un (qui?) m'avait dit un jour que l'on n'était jamais à plus de deux ou trois personnes d'un autre être de nous inconnu. Par exemple la reine d'Angleterre et moi: je connais un tel qui connaît un tel qui connaît un tel qui connaît la reine d'Angleterre. Je n'ai jamais beaucoup cru à cette assertion même si elle ne m'a jamais paru totalement farfelue. C'est comme compter ses ancêtres mâles directs jusqu'à la période romaine: il n'y en pas autant que l'on se l'imagine de prime abord. Disons que pour les trois personnes, je restais un peu dubitatif.
Eh bien, ce soir, j'ai eu confirmation de la véracité de la chose. Entre Sir Arthur Conan Doyle et moi, il n'y a que deux personnes! Je ne me serais jamais cru si proche de l'illustre créateur de Sherlock Holmes. Deux personnes, autant dire rien! Non, je ne me suis pas découvert un lien de famille avec lui, bien que mon nom soit de consonance normande et que sa propre mère ait été originaire de cette région de l'ouest. Je n'ai aucun rapport, en tout cas que je sache avec ce George Edalji, injustement accusé de mutiler des chevaux et sauvé par Doyle (voir le livre de Julian Barnes, Arthur § George). Mon médecin généraliste n'a rien à voir avec l'un ou l'autre des modèles de ce cher Watson. Alors quoi? C'est à la fois beaucoup plus simple et beaucoup plus compliqué. Voici donc ce que j'ai découvert en regardant tout à l'heure avec ma mère les informations régionales.
On fête cette année la naissance à Lyon du premier laboratoire considéré comme l'ancêtre de ceux de la police scientifique. Celui qui installa ce laboratoire, ainsi, semble-t-il, qu'un petit musée du crime dans les combles de l'ancien Palais de Justice de Lyon, les vingt-quatre colonnes, sur un quai de la Saône, était Edmond Locard. Une rue de Lyon (5° arrondissement) porte le nom de ce criminologue réputé qui s'est particulièrement intéressé à l'étude des empreintes digitales et fut un auteur prolixe visant à la vulgarisation (au bon sens du mot) de sa science. Pour ceux que cela intéresse, on peut se référer à l'article correspondant de Wikipedia. Aujourd'hui une cérémonie officielle a accompagné l'installation sur le Palais d'une plaque commémorant cet événement.
Vous ne voyez toujours pas le rapport avec moi et encore moins avec Doyle. Patience, nous progressons. Le célèbre auteur anglais et le non moins célèbre criminologue français se vouaient, dit-on, un grand respect mutuel et se tenaient l'un l'autre en haute estime. Lorsque Doyle fit le voyage jusqu'à Lyon pour visiter ce musée du crime, il y remarqua une photo qui l'intrigua beaucoup: celle d'un chauffeur qu'il avait employé de nombreux mois à Londres pour le conduire à travers la capitale.
- Mais c'est mon ancien chauffeur, Jules! Que fait sa photographie dans ce musée?"(Est-il besoin de préciser que les dialogues présentés ici sont, comme à la télévision, entièrement reconstitués!!!)
- Votre chauffeur? Vous devez faire erreur: il s'agit de Jules Bonnot, le chef du célèbre gang qui défraya la chronique de nombreuses années!"
Ainsi découvrirent-ils simultanément l'un le passé l'autre le devenir d'un homme qu'ils avaient tous les deux approché dans leur existence.
Cet épisode fut rappelé, et même montré grâce à des archives dont je ne connaissais pas l'existence, aux infos de ce soir. Puis le journaliste donna la parole à la fille d'Edmond Locard, encore bien vivante aujourd'hui. J'aperçus un visage qui me parut dès l'instant assez familier mais je ne parvenais pas à retrouver où j'avais pu rencontrer cette femme déjà âgée mais pleine de vie et de pétillance. Lorsque le nom s'afficha en surimpression, il n'y eut plus aucun doute: je la connaissais bel et bien, et très bien même. Il s'agissait de Denise Stagnara.
Denise et son époux Pierre Stagnara, aujourd'hui décédé, ont formé à l'éducation sexuelle des milliers d'adolescents grâce à leur association Sésame qui, sans cacher les actes, les pratiques, en en parlant même avec les mots appropriés et une franchise surprenante de la part de personnes de cet âge-là (je parle de celui où je l'ai rencontrée, elle), voulait aussi réintroduire la notion d'amour et de sentiment dans cette formation. Le collège dans lequel j'enseigne a fait souvent appel à eux pour prendre en charge cet aspect de l'éducation des jeunes et, en tant que professeur principal des cinquièmes, j'ai eu plusieurs fois affaire à cette "vieille dame indigne". Je me souviens encore de ma surprise lorsque j'entendis cette charmante mamie au chignon toujours bien tiré prononcer devant des élèves ébahis de tant de simplicité des mots aussi précis que clitoris, lèvres, vagin ou gland, phallus, et éjaculation avec un ton aussi détaché que si elle eût parlé de tartes aux pommes, de confiture de rhubarbe ou de bonbons parfumés à la violette.
La démonstration est donc faite: je connais Denise qui connut Edmond qui connut Arthur. Ce soir, c'est un peu comme si mon salon s'embrumait de la fumée de la pipe que fume Sherlock pendant que Watson le tient au courant des dernières nouvelles londoniennes. Et je le vois déjà étirer son grand corps enfoncé dans un de mes fauteuils et, en se retournant, me demander avec son flegme habituel: "Et vous, qu'en pensez-vous, Calyste?"
Eh bien, ce soir, j'ai eu confirmation de la véracité de la chose. Entre Sir Arthur Conan Doyle et moi, il n'y a que deux personnes! Je ne me serais jamais cru si proche de l'illustre créateur de Sherlock Holmes. Deux personnes, autant dire rien! Non, je ne me suis pas découvert un lien de famille avec lui, bien que mon nom soit de consonance normande et que sa propre mère ait été originaire de cette région de l'ouest. Je n'ai aucun rapport, en tout cas que je sache avec ce George Edalji, injustement accusé de mutiler des chevaux et sauvé par Doyle (voir le livre de Julian Barnes, Arthur § George). Mon médecin généraliste n'a rien à voir avec l'un ou l'autre des modèles de ce cher Watson. Alors quoi? C'est à la fois beaucoup plus simple et beaucoup plus compliqué. Voici donc ce que j'ai découvert en regardant tout à l'heure avec ma mère les informations régionales.
On fête cette année la naissance à Lyon du premier laboratoire considéré comme l'ancêtre de ceux de la police scientifique. Celui qui installa ce laboratoire, ainsi, semble-t-il, qu'un petit musée du crime dans les combles de l'ancien Palais de Justice de Lyon, les vingt-quatre colonnes, sur un quai de la Saône, était Edmond Locard. Une rue de Lyon (5° arrondissement) porte le nom de ce criminologue réputé qui s'est particulièrement intéressé à l'étude des empreintes digitales et fut un auteur prolixe visant à la vulgarisation (au bon sens du mot) de sa science. Pour ceux que cela intéresse, on peut se référer à l'article correspondant de Wikipedia. Aujourd'hui une cérémonie officielle a accompagné l'installation sur le Palais d'une plaque commémorant cet événement.
Vous ne voyez toujours pas le rapport avec moi et encore moins avec Doyle. Patience, nous progressons. Le célèbre auteur anglais et le non moins célèbre criminologue français se vouaient, dit-on, un grand respect mutuel et se tenaient l'un l'autre en haute estime. Lorsque Doyle fit le voyage jusqu'à Lyon pour visiter ce musée du crime, il y remarqua une photo qui l'intrigua beaucoup: celle d'un chauffeur qu'il avait employé de nombreux mois à Londres pour le conduire à travers la capitale.
- Mais c'est mon ancien chauffeur, Jules! Que fait sa photographie dans ce musée?"(Est-il besoin de préciser que les dialogues présentés ici sont, comme à la télévision, entièrement reconstitués!!!)
- Votre chauffeur? Vous devez faire erreur: il s'agit de Jules Bonnot, le chef du célèbre gang qui défraya la chronique de nombreuses années!"
Ainsi découvrirent-ils simultanément l'un le passé l'autre le devenir d'un homme qu'ils avaient tous les deux approché dans leur existence.
Cet épisode fut rappelé, et même montré grâce à des archives dont je ne connaissais pas l'existence, aux infos de ce soir. Puis le journaliste donna la parole à la fille d'Edmond Locard, encore bien vivante aujourd'hui. J'aperçus un visage qui me parut dès l'instant assez familier mais je ne parvenais pas à retrouver où j'avais pu rencontrer cette femme déjà âgée mais pleine de vie et de pétillance. Lorsque le nom s'afficha en surimpression, il n'y eut plus aucun doute: je la connaissais bel et bien, et très bien même. Il s'agissait de Denise Stagnara.
Denise et son époux Pierre Stagnara, aujourd'hui décédé, ont formé à l'éducation sexuelle des milliers d'adolescents grâce à leur association Sésame qui, sans cacher les actes, les pratiques, en en parlant même avec les mots appropriés et une franchise surprenante de la part de personnes de cet âge-là (je parle de celui où je l'ai rencontrée, elle), voulait aussi réintroduire la notion d'amour et de sentiment dans cette formation. Le collège dans lequel j'enseigne a fait souvent appel à eux pour prendre en charge cet aspect de l'éducation des jeunes et, en tant que professeur principal des cinquièmes, j'ai eu plusieurs fois affaire à cette "vieille dame indigne". Je me souviens encore de ma surprise lorsque j'entendis cette charmante mamie au chignon toujours bien tiré prononcer devant des élèves ébahis de tant de simplicité des mots aussi précis que clitoris, lèvres, vagin ou gland, phallus, et éjaculation avec un ton aussi détaché que si elle eût parlé de tartes aux pommes, de confiture de rhubarbe ou de bonbons parfumés à la violette.
La démonstration est donc faite: je connais Denise qui connut Edmond qui connut Arthur. Ce soir, c'est un peu comme si mon salon s'embrumait de la fumée de la pipe que fume Sherlock pendant que Watson le tient au courant des dernières nouvelles londoniennes. Et je le vois déjà étirer son grand corps enfoncé dans un de mes fauteuils et, en se retournant, me demander avec son flegme habituel: "Et vous, qu'en pensez-vous, Calyste?"
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mercredi 7 avril 2010
Le vieux monsieur n'est plus là.
Le vieux monsieur n'est plus là. Celui que je voyais passer dans la rue, l'échine à angle droit, avec un grand panier à faire ses courses qu'il balançait d'avant en arrière comme pour se donner un élan dont il n'avait pas besoin tant son pas était sûr et rapide. Parfois, d'un coup, sans que l'on sache pourquoi, il s'arrêtait dans sa progression, regardait quelque part, devant, derrière, n'importe où, puis repartait en reportant ses yeux sur le sol. Je n'ai jamais compris comment il voyait arriver les passants qui venaient face à lui.
J'ai eu une seule fois l'occasion de parler avec lui: une voix claire, qui ne chevrotait pas, un peu précieuse sans doute mais n'avait-il pas été professeur de Lettres Classiques? La fréquentation assidue des Anciens peut avoir cet effet sur certains! Il semblait avoir une culture frisant l'érudition mais vivait dans ce monde-là, visiblement bien éloigné des contingences actuelles. Le soir, je le voyais souvent dans ce qui devait être sa cuisine, penché dans un coin de la pièce où se trouvait sûrement l'évier. Il frottait, frottait, frottait je n'ai jamais su quoi.
Depuis longtemps, cette fenêtre de l'entresol restait désespérément sombre et se couvrait de poussière et de coulures, comme toutes les autres de son appartement, à tel point qu'il aurait été désormais difficile d'apercevoir réellement l'intérieur des pièces. Il y a une quinzaine de jours, en passant, j'ai vu la vitre fracturée, le battant poussé, la pièce toujours plongée dans l'obscurité. Que s'est-il passé? L'appartement a-t-il été cambriolé pendant l'absence de son occupant (mais où est-il, d'ailleurs, depuis si longtemps?) ou bien a-t-il été découvert mort depuis de longs mois dans sa salle de bains ou son couloir? A le voir ainsi dans la rue, je suis bien certain qu'il ne devait pas fréquenter beaucoup de monde et qu'il menait une vie totalement solitaire. Il est possible que personne n'ait remarqué son décès.
Mais, comme me l'a dit J., je suis capable, à partir de cette vitre fracassée, d'inventer un roman avec enquête, suspects et découverte de la vérité. De ma vérité, bien sûr. Je ne saurai sans doute jamais ce qui s'est passé. Je vois simplement disparaître là encore une des figures emblématiques du quartier. J. m'avait également conseillé ironiquement de prendre une photo de ladite fenêtre. Voilà qui est fait!
J'ai eu une seule fois l'occasion de parler avec lui: une voix claire, qui ne chevrotait pas, un peu précieuse sans doute mais n'avait-il pas été professeur de Lettres Classiques? La fréquentation assidue des Anciens peut avoir cet effet sur certains! Il semblait avoir une culture frisant l'érudition mais vivait dans ce monde-là, visiblement bien éloigné des contingences actuelles. Le soir, je le voyais souvent dans ce qui devait être sa cuisine, penché dans un coin de la pièce où se trouvait sûrement l'évier. Il frottait, frottait, frottait je n'ai jamais su quoi.
Depuis longtemps, cette fenêtre de l'entresol restait désespérément sombre et se couvrait de poussière et de coulures, comme toutes les autres de son appartement, à tel point qu'il aurait été désormais difficile d'apercevoir réellement l'intérieur des pièces. Il y a une quinzaine de jours, en passant, j'ai vu la vitre fracturée, le battant poussé, la pièce toujours plongée dans l'obscurité. Que s'est-il passé? L'appartement a-t-il été cambriolé pendant l'absence de son occupant (mais où est-il, d'ailleurs, depuis si longtemps?) ou bien a-t-il été découvert mort depuis de longs mois dans sa salle de bains ou son couloir? A le voir ainsi dans la rue, je suis bien certain qu'il ne devait pas fréquenter beaucoup de monde et qu'il menait une vie totalement solitaire. Il est possible que personne n'ait remarqué son décès.
Mais, comme me l'a dit J., je suis capable, à partir de cette vitre fracassée, d'inventer un roman avec enquête, suspects et découverte de la vérité. De ma vérité, bien sûr. Je ne saurai sans doute jamais ce qui s'est passé. Je vois simplement disparaître là encore une des figures emblématiques du quartier. J. m'avait également conseillé ironiquement de prendre une photo de ladite fenêtre. Voilà qui est fait!
mardi 6 avril 2010
Ces morts qui nous parlent
Il y a quelques temps, j'ai emmené mes élèves de sixième au Musée de la Civilisation gallo-romaine de Fourvière. Outre les collections permanentes, que je commence d'ailleurs à connaître quasiment par cœur, nous avons pu visiter une exposition temporaire intitulée Post Mortem installée dans les profondeurs du Musée, tout en bas de la spirale de béton qui en constitue la colonne vertébrale. Exposition consacrée, on l'aura deviné à son titre, aux cérémonies d'après la mort.
Le jour même, je n'ai pas eu beaucoup le loisir de m'attarder sur cette partie de la visite, qui ne nous concernait pas directement puisque notre axe de découverte était plutôt centré sur l'urbanisme dans l'antiquité gallo-romaine. En sortant, j'ai eu heureusement le réflexe de prendre le petit fascicule consacrée à cette exposition en me disant que je le lirais plus tard. Plus tard, ce fut hier, quand je l'ai redécouvert dans mes toilettes, sous une pile grandissante de revues et prospectus divers.
Pourtant lu en diagonale, cet opuscule m'a appris plusieurs choses. Bien sûr, je savais que les pierres tombales étaient le plus souvent ornées des deux initiales D M, l'une à gauche l'autre à droite de la stèle, pour placer celle-ci et les restes qu'elle contenait sous la protection des Dieux Manes, dieux des "âmes". Ce que je ne savais pas, c'est que cette dédicace devint la règle générale à partir du II° siècle seulement et que cette généralisation correspond avec un allongement du texte des épitaphes et une présence quasi permanente de l'ascia (outil proche par sa forme de la hache actuelle), dont on ne sait pas clairement ce que sa présence symbolise.
Voici quelques-unes de ces épitaphes, pas forcément lyonnaises (Lyon se singularisait d'ailleurs par une grande sobriété dans l'art funéraire. La seule inscription constituait l'ornement du tombeau et était donc particulièrement soignée dans sa gravure sur la pierre), pas forcément parmi les plus longues mais parmi les plus croustillantes:
Eh! oh! le voyageur!
Arrête-toi ici un tout petit instant!
Tu fais signe que non? Tu ne veux rien savoir?
C'est pourtant bien ici qu'un jour tu reviendras!
Voyageur, voyageur!
Ce que tu es, moi je le fus; ce que je suis maintenant, tu le seras aussi...
(en latin: Viator, viator!
Qod tu es, ego fui; quod nunc sum, et tu eris.)
Ce qui suffit à tout humain: mes os reposent tranquillement.
Je ne me soucie plus d'avoir faim.
Je n'ai plus mal aux pieds;
Je n'ai plus à gagner de quoi payer mon loyer;
Et j'ai trouvé en plus un logis éternel et gratuit.
(D'après Tombeaux romains. Anthologie d'épitaphes latines. Trad. de Danielle Porte. Le Promeneur, 1998)
Ou bien celle-ci, qui me plaît beaucoup:
Balnea, vina, Venus corrumpunt corpora nostra;
sed vitam faciunt balnea, vina, Venus
Les bains, les vins, les jeux amoureux corrompent nos corps;
Mais ce sont eux, les bains, les vins, les jeux amoureux qui font la vie.
(Lire le latin, 4°, Hachette éducation. Traduction personnelle)
Autre découverte dans ce fascicule: il existe, à l'époque gallo-romaine, des sépultures destinées aux chiens de compagnie. Incroyable! On en a trouvé une à Vaise, dans le 9° arrondissement de Lyon, en 1982, datée du III° siècle. Voici un extrait de l'épitaphe gravée sur celle d'une petite chienne romaine trouvée dans la capitale italienne, à la porte Pinciana:
En gaule je suis née et perle était mon nom, un nom qui fut tiré des richesses de l'onde, un nom qui allait bien à ma beauté insigne. (...) Je ne supportais pas d'être tenue en laisse et mon pelage blanc refusait du bâton l'inadmissible offense. J'étais sur les genoux de mon maître, de sa femme, et puis, lassée, j'allais sur un lit bien moelleux. (...)( D. Porte, ibidem)
Rien n'a vraiment changé!
Dernière découverte de ce soir: la belle histoire du tombeau des Deux Amants (dont une rue de Lyon porte le nom). D'après une légende populaire, deux amants, après s'être longtemps cherchés l'un l'autre à travers le monde, finirent par se rencontrer à Lyon, au bord de la Saône, et en moururent de joie. Cette sépulture commune réunit pour toujours, même à travers la mort, ceux qui s'étaient aimés pendant leur vie. Situé à l'extérieur de la ville, en bordure de voie longeant la Saône, ce tombeau sans inscription funéraire fut aussi considéré par d'autres comme un simple petit sanctuaire de carrefour. On ne saura sans doute jamais qui avait raison et qui avait tort car le monument fut détruit en 1707 pour faciliter la circulation. La rue des Deux Amants, à Lyon, est curieusement aujourd'hui assez éloignée des rives de la Saône.
Le jour même, je n'ai pas eu beaucoup le loisir de m'attarder sur cette partie de la visite, qui ne nous concernait pas directement puisque notre axe de découverte était plutôt centré sur l'urbanisme dans l'antiquité gallo-romaine. En sortant, j'ai eu heureusement le réflexe de prendre le petit fascicule consacrée à cette exposition en me disant que je le lirais plus tard. Plus tard, ce fut hier, quand je l'ai redécouvert dans mes toilettes, sous une pile grandissante de revues et prospectus divers.
Pourtant lu en diagonale, cet opuscule m'a appris plusieurs choses. Bien sûr, je savais que les pierres tombales étaient le plus souvent ornées des deux initiales D M, l'une à gauche l'autre à droite de la stèle, pour placer celle-ci et les restes qu'elle contenait sous la protection des Dieux Manes, dieux des "âmes". Ce que je ne savais pas, c'est que cette dédicace devint la règle générale à partir du II° siècle seulement et que cette généralisation correspond avec un allongement du texte des épitaphes et une présence quasi permanente de l'ascia (outil proche par sa forme de la hache actuelle), dont on ne sait pas clairement ce que sa présence symbolise.
Voici quelques-unes de ces épitaphes, pas forcément lyonnaises (Lyon se singularisait d'ailleurs par une grande sobriété dans l'art funéraire. La seule inscription constituait l'ornement du tombeau et était donc particulièrement soignée dans sa gravure sur la pierre), pas forcément parmi les plus longues mais parmi les plus croustillantes:
Eh! oh! le voyageur!
Arrête-toi ici un tout petit instant!
Tu fais signe que non? Tu ne veux rien savoir?
C'est pourtant bien ici qu'un jour tu reviendras!
Voyageur, voyageur!
Ce que tu es, moi je le fus; ce que je suis maintenant, tu le seras aussi...
(en latin: Viator, viator!
Qod tu es, ego fui; quod nunc sum, et tu eris.)
Ce qui suffit à tout humain: mes os reposent tranquillement.
Je ne me soucie plus d'avoir faim.
Je n'ai plus mal aux pieds;
Je n'ai plus à gagner de quoi payer mon loyer;
Et j'ai trouvé en plus un logis éternel et gratuit.
(D'après Tombeaux romains. Anthologie d'épitaphes latines. Trad. de Danielle Porte. Le Promeneur, 1998)
Ou bien celle-ci, qui me plaît beaucoup:
Balnea, vina, Venus corrumpunt corpora nostra;
sed vitam faciunt balnea, vina, Venus
Les bains, les vins, les jeux amoureux corrompent nos corps;
Mais ce sont eux, les bains, les vins, les jeux amoureux qui font la vie.
(Lire le latin, 4°, Hachette éducation. Traduction personnelle)
Autre découverte dans ce fascicule: il existe, à l'époque gallo-romaine, des sépultures destinées aux chiens de compagnie. Incroyable! On en a trouvé une à Vaise, dans le 9° arrondissement de Lyon, en 1982, datée du III° siècle. Voici un extrait de l'épitaphe gravée sur celle d'une petite chienne romaine trouvée dans la capitale italienne, à la porte Pinciana:
En gaule je suis née et perle était mon nom, un nom qui fut tiré des richesses de l'onde, un nom qui allait bien à ma beauté insigne. (...) Je ne supportais pas d'être tenue en laisse et mon pelage blanc refusait du bâton l'inadmissible offense. J'étais sur les genoux de mon maître, de sa femme, et puis, lassée, j'allais sur un lit bien moelleux. (...)( D. Porte, ibidem)
Rien n'a vraiment changé!
Dernière découverte de ce soir: la belle histoire du tombeau des Deux Amants (dont une rue de Lyon porte le nom). D'après une légende populaire, deux amants, après s'être longtemps cherchés l'un l'autre à travers le monde, finirent par se rencontrer à Lyon, au bord de la Saône, et en moururent de joie. Cette sépulture commune réunit pour toujours, même à travers la mort, ceux qui s'étaient aimés pendant leur vie. Situé à l'extérieur de la ville, en bordure de voie longeant la Saône, ce tombeau sans inscription funéraire fut aussi considéré par d'autres comme un simple petit sanctuaire de carrefour. On ne saura sans doute jamais qui avait raison et qui avait tort car le monument fut détruit en 1707 pour faciliter la circulation. La rue des Deux Amants, à Lyon, est curieusement aujourd'hui assez éloignée des rives de la Saône.
dimanche 4 avril 2010
Pâques
Pâques chaque année un moment à part, que l'on soit croyant ou pas.
Me reste particulièrement en mémoire celui de 2005 où Pierre, déjà hospitalisé et que je voyais tous les jours, avait eu la délicatesse de me laisser un message sur le répondeur du téléphone pour me souhaiter une bonne journée en famille. Je l'avais découvert seulement le soir, en rentrant, étant parti à peine dix minutes avant qu'il n'appelle. A sa mort, le message n'avait pas encore été effacé de la bande. Je ne l'écoutais que rarement, je savais qu'il était là, lui, alors que Pierre, physiquement, n'y était plus. Sa voix me faisait mal, il était déjà très fatigué, mais il y avait encore ces accents de tendresse comme quand il me parlait presque comme à un enfant. Je ne voulais pas l'effacer de la bande. Et puis, un jour, il y eut une panne électricité et le message disparut. Plus rien. Je crois aujourd'hui que c'est mieux ainsi.
Il y a deux ans, je découvrais la veillée pascale, avec J. et sa famille, dans une église de Villeurbanne. Lorsque nous nous étions réunis dans la cour du presbytère, avec à la main nos petites bougies allumées, j'en avais été bouleversé. Symbolique et simplicité m'avaient tiré des larmes de bonheur.
L'an dernier, j'étais seul à cette veillée, à l'église Saint-Louis de la Guillotière, je m'étais installé tout au fond et, encore une fois, cette ferveur d'une foule assemblée, le profond respect pour la cérémonie de quelques clochards installés au fond comme moi, le retour de la lumière m'avaient ce soir-là apporté une paix extrême.
Cette année, je ne suis pas allé à la messe. J-C m'avait invité à dîner avec F. et deux autres amis. Je ne suis pas rentré très tard car aujourd'hui, j'avais ma famille à la maison. C'est moi qui les recevais, pour une fois. Beaucoup de travail mais au final une bonne journée, sans heurts, comme je les aime. Qui sait si ce ne seront pas les dernières fêtes de Pâques que nous passerons tous ensemble...
J'ai, pris l'habitude, à ce dimanche de Pâques, d'installer un gros bouquet de jonquilles sur mon bureau, derrière la photo de Pierre. Leur vase est un pichet à eau savoyard, décoré de l'oiseau traditionnel, celui-ci sur fond bleu. Il vient de Bons: un cadeau offert à tous d'eux par les voisins. C'est étrange comme j'associe de plus en plus cette fête de Pâques à Pierre, sans peine, sans douleur. Me mettrais-je à croire en la résurrection?
Me reste particulièrement en mémoire celui de 2005 où Pierre, déjà hospitalisé et que je voyais tous les jours, avait eu la délicatesse de me laisser un message sur le répondeur du téléphone pour me souhaiter une bonne journée en famille. Je l'avais découvert seulement le soir, en rentrant, étant parti à peine dix minutes avant qu'il n'appelle. A sa mort, le message n'avait pas encore été effacé de la bande. Je ne l'écoutais que rarement, je savais qu'il était là, lui, alors que Pierre, physiquement, n'y était plus. Sa voix me faisait mal, il était déjà très fatigué, mais il y avait encore ces accents de tendresse comme quand il me parlait presque comme à un enfant. Je ne voulais pas l'effacer de la bande. Et puis, un jour, il y eut une panne électricité et le message disparut. Plus rien. Je crois aujourd'hui que c'est mieux ainsi.
Il y a deux ans, je découvrais la veillée pascale, avec J. et sa famille, dans une église de Villeurbanne. Lorsque nous nous étions réunis dans la cour du presbytère, avec à la main nos petites bougies allumées, j'en avais été bouleversé. Symbolique et simplicité m'avaient tiré des larmes de bonheur.
L'an dernier, j'étais seul à cette veillée, à l'église Saint-Louis de la Guillotière, je m'étais installé tout au fond et, encore une fois, cette ferveur d'une foule assemblée, le profond respect pour la cérémonie de quelques clochards installés au fond comme moi, le retour de la lumière m'avaient ce soir-là apporté une paix extrême.
Cette année, je ne suis pas allé à la messe. J-C m'avait invité à dîner avec F. et deux autres amis. Je ne suis pas rentré très tard car aujourd'hui, j'avais ma famille à la maison. C'est moi qui les recevais, pour une fois. Beaucoup de travail mais au final une bonne journée, sans heurts, comme je les aime. Qui sait si ce ne seront pas les dernières fêtes de Pâques que nous passerons tous ensemble...
J'ai, pris l'habitude, à ce dimanche de Pâques, d'installer un gros bouquet de jonquilles sur mon bureau, derrière la photo de Pierre. Leur vase est un pichet à eau savoyard, décoré de l'oiseau traditionnel, celui-ci sur fond bleu. Il vient de Bons: un cadeau offert à tous d'eux par les voisins. C'est étrange comme j'associe de plus en plus cette fête de Pâques à Pierre, sans peine, sans douleur. Me mettrais-je à croire en la résurrection?
samedi 3 avril 2010
Les draps blancs
J'ai remis des draps blancs à mon lit solitaire,
Des draps rêches et frais qui sentent la poussière.
Quand j'enfonce ma tête au sein de l'oreiller,
Je revois la campagne et les années passées,
Le gros édredon rouge et le rameau chrétien
De la croix sur le mur, et l'aboiement des chiens
La nuit avant la chasse et leurs rauques sanglots,
L'ivresse des oiseaux dans les branches d'ormeaux.
La maison sentait bon la tarte ou les gratins
Que tu faisais pendant que j'étais au jardin.
Aujourd'hui c'est ici que ces vieux draps respirent.
Dans ma nuit, reposé, j'évacue les soupirs,
Je contemple, au plafond, le seul rai de lumière
Qui parvient à entrer par les volets de fer,
J'attends auprès de moi la douceur d'une peau,
La tendresse d'un corps, le murmure des mots,
Et les éclats de rire et la main qui se perd
Dans l'univers intime à un unique offert.
Je crois rêver parfois et sentir la chaleur
Qui fortifie ma vie et éloigne mes peurs:
Tu es à nouveau là, je t'entends respirer,
Et le matin, enfin, les draps sont tout froissés.
Des draps rêches et frais qui sentent la poussière.
Quand j'enfonce ma tête au sein de l'oreiller,
Je revois la campagne et les années passées,
Le gros édredon rouge et le rameau chrétien
De la croix sur le mur, et l'aboiement des chiens
La nuit avant la chasse et leurs rauques sanglots,
L'ivresse des oiseaux dans les branches d'ormeaux.
La maison sentait bon la tarte ou les gratins
Que tu faisais pendant que j'étais au jardin.
Aujourd'hui c'est ici que ces vieux draps respirent.
Dans ma nuit, reposé, j'évacue les soupirs,
Je contemple, au plafond, le seul rai de lumière
Qui parvient à entrer par les volets de fer,
J'attends auprès de moi la douceur d'une peau,
La tendresse d'un corps, le murmure des mots,
Et les éclats de rire et la main qui se perd
Dans l'univers intime à un unique offert.
Je crois rêver parfois et sentir la chaleur
Qui fortifie ma vie et éloigne mes peurs:
Tu es à nouveau là, je t'entends respirer,
Et le matin, enfin, les draps sont tout froissés.
vendredi 2 avril 2010
Sursis
Entendu sur une radio locale hier: une étudiante a été jugée pour le meurtre de son bébé qu'elle avait d'abord tenté d'étouffer puis qu'elle a poignardé par deux fois au cœur. La jeune fille avait caché sa grossesse à son entourage et a essayé ensuite de dissimuler le corps dans un placard de l'appartement familial. Elle risquait la réclusion à perpétuité. Le procureur, clément, n'avait réclamé que cinq ans d'emprisonnement. Finalement la peine qu'on lui a infligée est bien celle-ci mais avec trois ans de sursis. Comme elle a été incarcérée pendant huit mois avant le procès, elle ne retournera pas en prison, grâce à je ne sais quelle clause particulière.
Cette nouvelle ne m'a pas laissé indifférent. Bien sûr, je peux percevoir la détresse de cette jeune fille sans doute totalement seule face à ce qui lui arrivait: ni le don juan de service ni la famille directe n'ont été là pour l'aider. Il faut avoir touché le fond du désespoir pour en arriver à un tel acte. En même temps, je me demande de plus en plus souvent si cette façon de penser qui est la mienne n'est pas celle d'un autre âge, totalement révolu aujourd'hui, que ne partagent que quelques spécimens rares de dinosaures attardés. En effet, il me semble que ces crimes abominables sont de plus en plus fréquents, ou alors, sensationnalisme oblige, on tient davantage à nous les mettre sous le nez.
Des nouveaux nés de quelques heures se retrouvent dans un sac plastique au fond d'une poubelle ou enfouis dans un congélateur. Des naissances refusées parce qu'elles risquent de bouleverser la vie d'un adulte ou d'une famille. Si l'on considère que la pilule est aujourd'hui un moyen de contraception largement répandu et à la portée de tous, on ne peut qu'être surpris par la multiplication de ces situations extrêmes. Plusieurs causes à cela, probablement: ignorance de certains, malgré tout, quant aux possibilités de contraception, infantilisme des nouvelles générations face à des actes graves comme la procréation et les devoirs qu'elle suppose, égoïsme forcené devant quelque devoirs que ce soit. L'important, c'est moi et ma vie. Dans un tout autre domaine, je ressens cela aussi au sein de l'école, dans mon métier que, bien que l'ayant véritablement adoré, je ne voudrais pas avoir à exercer dans une dizaine d'années.
Face à cela, que dit la justice? La loi permet la réclusion criminelle à perpétuité, ce qui revient, dans l'état actuel des choses, à transformer cette jeune femme en croûton oublié de tous et destiné à moisir loin des regards. Le tribunal en a jugé autrement: cinq ans dont trois années de sursis. Mais saisit-on l'horreur de ce mot "sursis" dans une telle circonstance? Il me semble que cela veut dire que cette peine s'ajoutera à une nouvelle s'il y a récidive. Or comment peut-on envisager la récidive d'un tel acte? Que l'on puisse recommencer à voler, à braquer, à boire, cela peut se concevoir. mais recommencer à baiser sans précaution pour ensuite, en pleine connaissance de cause cette fois, faire disparaître le résultat des ébats en lui plantant un couteau dans le cœur et en le faisant patienter, coincé entre le colin d'Alaska et les escalopes cordon bleu, je ne comprends plus!
A-t-on fait prendre conscience à cette fille de la gravité de son acte, l'a-t-on aidée à en percevoir les contours exacts, et non pas seulement une sorte de rapport quantifié entre la faute commise et la punition attendue? J'allais dire que, dans le meilleur des cas, c'est-à-dire celui de la repentance, la jeune femme a devant elle une vie fichue. Dans le meilleur des cas car cela voudrait dire qu'elle a compris ce qu'elle avait fait. Mais je n'en suis pas sûr.
Je ne suis pas en train de réclamer plus de répression. Je fais simplement le constat de mon effarement face à une société où cette répression est la seule réponse apportée, alors qu'à mon avis, même si elle est nécessaire, elle ne peut, seule, être considérée comme une réponse ou une solution. On m'a jadis appris que, lorsqu'on punissait un élève, pour quelque raison que ce soit, on devait ne pas le faire à chaud, sous le coup de la colère, et d'autre part prendre le temps d'expliquer la faute, d'en envisager avec l'élève concerné aussi bien les conséquences que les façons de remédier à ce moment difficile. Je crois que c'est cette démarche qui allie une forme d'éducation à la répression nécessaire, qui fait cruellement défaut dans nos sociétés modernes.
Cette nouvelle ne m'a pas laissé indifférent. Bien sûr, je peux percevoir la détresse de cette jeune fille sans doute totalement seule face à ce qui lui arrivait: ni le don juan de service ni la famille directe n'ont été là pour l'aider. Il faut avoir touché le fond du désespoir pour en arriver à un tel acte. En même temps, je me demande de plus en plus souvent si cette façon de penser qui est la mienne n'est pas celle d'un autre âge, totalement révolu aujourd'hui, que ne partagent que quelques spécimens rares de dinosaures attardés. En effet, il me semble que ces crimes abominables sont de plus en plus fréquents, ou alors, sensationnalisme oblige, on tient davantage à nous les mettre sous le nez.
Des nouveaux nés de quelques heures se retrouvent dans un sac plastique au fond d'une poubelle ou enfouis dans un congélateur. Des naissances refusées parce qu'elles risquent de bouleverser la vie d'un adulte ou d'une famille. Si l'on considère que la pilule est aujourd'hui un moyen de contraception largement répandu et à la portée de tous, on ne peut qu'être surpris par la multiplication de ces situations extrêmes. Plusieurs causes à cela, probablement: ignorance de certains, malgré tout, quant aux possibilités de contraception, infantilisme des nouvelles générations face à des actes graves comme la procréation et les devoirs qu'elle suppose, égoïsme forcené devant quelque devoirs que ce soit. L'important, c'est moi et ma vie. Dans un tout autre domaine, je ressens cela aussi au sein de l'école, dans mon métier que, bien que l'ayant véritablement adoré, je ne voudrais pas avoir à exercer dans une dizaine d'années.
Face à cela, que dit la justice? La loi permet la réclusion criminelle à perpétuité, ce qui revient, dans l'état actuel des choses, à transformer cette jeune femme en croûton oublié de tous et destiné à moisir loin des regards. Le tribunal en a jugé autrement: cinq ans dont trois années de sursis. Mais saisit-on l'horreur de ce mot "sursis" dans une telle circonstance? Il me semble que cela veut dire que cette peine s'ajoutera à une nouvelle s'il y a récidive. Or comment peut-on envisager la récidive d'un tel acte? Que l'on puisse recommencer à voler, à braquer, à boire, cela peut se concevoir. mais recommencer à baiser sans précaution pour ensuite, en pleine connaissance de cause cette fois, faire disparaître le résultat des ébats en lui plantant un couteau dans le cœur et en le faisant patienter, coincé entre le colin d'Alaska et les escalopes cordon bleu, je ne comprends plus!
A-t-on fait prendre conscience à cette fille de la gravité de son acte, l'a-t-on aidée à en percevoir les contours exacts, et non pas seulement une sorte de rapport quantifié entre la faute commise et la punition attendue? J'allais dire que, dans le meilleur des cas, c'est-à-dire celui de la repentance, la jeune femme a devant elle une vie fichue. Dans le meilleur des cas car cela voudrait dire qu'elle a compris ce qu'elle avait fait. Mais je n'en suis pas sûr.
Je ne suis pas en train de réclamer plus de répression. Je fais simplement le constat de mon effarement face à une société où cette répression est la seule réponse apportée, alors qu'à mon avis, même si elle est nécessaire, elle ne peut, seule, être considérée comme une réponse ou une solution. On m'a jadis appris que, lorsqu'on punissait un élève, pour quelque raison que ce soit, on devait ne pas le faire à chaud, sous le coup de la colère, et d'autre part prendre le temps d'expliquer la faute, d'en envisager avec l'élève concerné aussi bien les conséquences que les façons de remédier à ce moment difficile. Je crois que c'est cette démarche qui allie une forme d'éducation à la répression nécessaire, qui fait cruellement défaut dans nos sociétés modernes.
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