dimanche 11 avril 2010

Conseils

Extraits d'un petit papier distribué samedi après-midi Place Bellecour lors d'une manifestation:

Conseils en manif.

Ne pas venir seul. Former des petits groupes de 2 ou 3 (entre gens qui se connaissent et qui ne se lâcheront pas pendant la manif). Avoir des chaussures adaptées (lacets noués) et éviter de porter des vêtements trop amples: ça gêne pour courir et ça donne des prises pour vous attraper.
Jusque-là rien que de bien compréhensible. On a l'impression que rien n'a changé depuis le temps où je participais à ce genre de joyeux défilés, dans les années soixante-dix.

Rester vigilant, mobile et attentif: les fachos et les flics peuvent attaquer à n'importe quel moment. Ne pas se laisser surprendre. Plus on anticipe moins on stresse. Là, bien que le papier ne soit absolument pas signé de quelque organisation que ce soit, on commence à comprendre où l'on se situe. Moi, personnellement, si j'anticipe trop, je prends peur et je n'y vais pas.

Surveiller la B*A*C. En cas de clash avec les fafs, on aura tendance à oublier la présence des civils, toujours prêts à bondir sur nous. Ils sont sur les bords des manifs, ou cachés dans les ruelles et peuvent aussi surgir en voiture banalisée. Ils sont assez repérables (cheveux courts comme des fachos, toujours en baskets). Ils ont souvent des gros habits gonflés (même en été) ou un sac à dos: dedans, ils cachent leurs armes favorites: Gun, Flash-ball, Tazer, Gazeuse, Tonfa. Deux conclusions suite à la lecture de ce paragraphe: il faudra que j'améliore mon vocabulaire car je ne comprends pas tout, et que je veille à ne plus me couper les cheveux aussi courts, sinon, je passe pour qui, non mais...Ah oui, préciser aussi que si mon habit est gonflé, même en été, c'est parce que j'ai pris quelques kilos depuis que je ne cours plus.

Etc,etc.

Impressions? Désagréables: celle de ne plus pouvoir garder sa liberté de pensée et de forcément devoir faire partie d'un groupe ou d'un autre, d'un camp ou d'un autre (car le champ lexical est volontiers axé sur la chasse ou l'attaque). Celle que la concertation, la négociation ne sont plus possibles et que la seule position rentable est celle de la violence. Celle enfin d'avoir sans le savoir côtoyé un immense danger alors que j'étais sorti uniquement pour apprécier le soleil revenu.

Pourquoi chez moi cette sensation persistante de ne plus tout à fait faire partie du même monde?
Précision utile, on ne sait jamais: ce billet n'est aucunement une approbation de certaines attitudes policières et encore moins un soutien à ceux que ce tract nomme les fachos. Ceux qui me connaissent le savent.

5 commentaires:

Nicolas a dit…

Et ceux qui te lisent s'en doutent :). C'est vrai que le monde change à toute allure, c'est vertigineux et effrayant.
Bon sur ce je te bise :-)

Cornus a dit…

Je n'ai jamais participé à une manif, sauf quand j'avais accompagné mon père à Vienne quand il défendait la non fermeture de l'usine (aux environs de 1983).

Sinon, je suis d'accord avec ce que tu dis. L'embrigadement et moi, ça fait au moins deux, même si j'ai fait mon service militaire. La fin ne justifie pas les moyens ni le simplisme exacerbé. Bon, comme j'ai jamais manifesté, je me tais, mais quand même, tout cela me fait peur.

Calyste a dit…

Content de "t'entendre", Nicolas. Tiens, je te bise aussi, et avec plaisir.

Oui, Cornus, comme je l'ai écrit, je me sens de plus en plus souvent en décalage. La mode semble être aux regroupements et moi, je suis essentiellement (c'est-à-dire par essence) hostile à toute forme de contrainte de pensée.

KarregWenn a dit…

Bah, les conseils paranos du genre de ton tract, on en lisait déjà il y a 40 ans ! Des rigolos qui se la pêtent il y en a toujours eu, non ?
Comment garder son indépendance d'esprit dans un groupe, ça c'est une vraie difficulté. Moi non plus j'aime pas trop le "penser ensemble". Mais n'empêche, le "protester en semble", parfois, ça fait chaud au coeur.

Calyste a dit…

En dehors des manifs, bien souvent hélas très catégorielles, j'aimerais bien que davantage de monde se manifeste pour protester, aux moment des élections par exemple, en prenant simplement la peine de se déplacer. Il faudrait d'ailleurs aussi que le vote blanc soit pris en compte comme signe de mécontentement et non d'indécision.