mardi 31 août 2010

Précision (4)

Voilà, on n'en parle plus. j'ai trouvé: je vais me coucher.

Précision (3)

Cinq! Aïe, aïe, aïe! J'angoisse!

Précision (2)

Plus que dix minutes, et je n'ai toujours pas trouvé......

Précision

A ma montre, il me reste exactement un quart d'heure de vacances d'été 2010. A quoi vais-je bien pouvoir les occuper?

Demain, dès l'aube...

... à l'heure où blanchit la campagne, je partirai. Je sais que l'on m'attend. Oui, enfin bon, n'exagérons rien non plus. Demain, je le précise pour ceux qui n'ont pas la chance inouïe d'être enseignant, c'est la pré rentrée, autrement dit la rentrée des profs.

Dire que je saute de joie à cette idée serait beaucoup dire. Ce matin, on peut même dire que je lui tournais carrément le dos: tout à coup, il me semblait que j'avais encore des tas de choses à faire, plus intéressantes les unes que les autres ( ce qui est d'ailleurs vrai) plutôt que de mettre le nez dans mon cartable. Mais cet après-midi, il a bien fallu! Il faut dire que j'avais préparé un peu le terrain: en juin ou début juillet, achat de l'agenda septembre/septembre et du carnet de notes; avant-hier, calligraphie (bof!) de mes nom et prénom sur les susnommés. Ma conscience professionnelle s'était arrêtée là.

Eh bien, le peu que j'ai fait cet après-midi (trois heures de boulot tout de même) m'a un peu redonné du cœur à l'ouvrage. En même temps les mails sérieux arrivaient, remplis du travail de mes collègues consciencieux pendant que d'autres préféraient les SMS vaseux, du style: "Il vont le mettre au trou, Fignon!" (désolé, je fréquente vraiment n'importe qui!). Ce soir, je me sens fataliste: puisqu'il faut, il faut! Mais je déteste toujours autant les comptes rendus de vacances, les discours ampoulés et les séances d'enculage de mouches (là, c'est vous qui fréquentez vraiment n'importe qui!).

Ceci, mesdames, messieurs, s'appelle un marronnier! Mais bon, moi je supporte bien la vue des cartables en magasin depuis début juillet!

lundi 30 août 2010

Danielle

Danielle, c'était Oceania. Oceania, c'était Danielle. Oceania nous livrait les textes des autres, extraits beaux ou significatifs d'un auteur, ou simplement appréciés d'elle. Danielle, parfois, rarement, trop rarement apparaissait avec ses propres mots, sa propre histoire, ses amours et ses émotions.

Voyage dans les mots, c'était le titre qu'elle avait donné à son blog. Chez qui je l'ai découverte, je n'en sais plus rien aujourd'hui. C'est moi qui, bien humblement, bien timidement, eut un soir le courage de glisser un commentaire au milieu des nombreux autres qui suivaient chacun de ses billets. Elle me répondit gentiment et ne me quitta plus. Dans le classement de sa blogosphère, elle avait créé spécialement pour moi une catégorie à part, où je suis toujours resté seul: Jamais un jour sans une ligne (c'est une citation de Pline le Jeune).

Un soir qu'elle perçut la grande détresse que je ressentais à ce moment-là, elle eut les mots qu'il fallait, des mots simples et justes, pour détourner l'orage de ma tête. Elle seule les eut, un peu comme l'on dit que doit faire une mère. Nous échangeâmes nos adresses pour les courriers électroniques, puis nos numéros de téléphones portables. Un jour que j'étais dans le Gard, chez Jean-Marc, le mien sonna: c'était elle et sa voix qui me surprit parce que je l'avais imaginée autrement, comme l'on fait d'un personnage de fiction que tout le monde recrée à son désir.

Nous ne pouvions nous rencontrer à cette occasion mais rendez-vous fut pris pour plus tard. Plus tard, ce fut la maladie, l'opération, et la rencontre ne se fit jamais. Je lui parlai encore, plusieurs fois, je pus préciser ces traits grâce à des photos publiées mais je ne la rencontrai jamais. Je n'ai jamais effacé de mon portable le SMS qu'elle m'envoya un jour, toujours plein de vie et d'espoir malgré la maladie. Danielle est morte le 24 juin de cette année, curieusement date anniversaire de la mort de Kicou. Ses enfants ont laissé intact son blog que l'on peut toujours trouver en cliquant sur son nom dans ma liste et où les commentaires s'accumulent pour lui dire adieu. 35 déjà mais 35 seulement, oserais-je dire, dont le dernier trois semaines après le précédent. Un jour, ils cesseront et Danielle tombera dans l'oubli. Pour moi, ce sera toujours la voix extraordinairement jeune que je découvris un dimanche matin en roulant au milieu des vignes du Gard, une voix que j'entends encore me dire: "C'est moi!".

La Beauté des loutres

Nicolas, il y a longtemps m'avait parlé de ce roman de Hubert Mingarelli. Je l'avais oublié et il m'en reparla lors de notre dernière soirée au restaurant. Ce livre semblait lui avoir beaucoup plus, davantage même, l'avoir marqué. Je l'ai lu en un peu plus d'une journée. Roman limpide et simple, l'histoire d'un éleveur de moutons contraint, avec son jeune garçon de ferme, un presque enfant encore, à prendre la route du col un soir de grosses chutes de neige pour aller livrer une douzaine de bêtes de l'autre côté de la montagne à leur nouveau propriétaire à qui il vient de les vendre.

Roman lent, ce voyage de deux personnages dans la solitude quasi totale pourrait parfois faire songer à La Route, mais ce n'est pas ça. On est, et je vais encore une fois faire référence au même roman (mais c'est parce que pour moi, il est une référence) plus près des Souris et des Hommes pour la simplicité apparente des personnages que la pureté quasi naïve des dialogues traduit bien. Il y a du behaviorisme dans ce roman. Qui sont réellement ces gens, on n'en sait rien, ils n'existent que dans l'intervalle d'une nuit dans un camion sur une route de montagne. Comme dans le roman de Steinbeck, les règles classiques de la tragédie sont respectées et l'on est presque déçu, en refermant le livre, de n'avoir pas assisté à quelque drame inévitable? Non, ici, nous sommes dans une vie plate, banale, où les seuls reliefs, douces collines ou pentes plus abruptes, sont formés des sentiments des hommes. Il faut lire ce livre, grand par sa simplicité.

Vito ouvrit les yeux. Il vit la main d'Horacio sur le levier de vitesse, le haut du volant et l'éclat du soleil sur le pare-brise. Il se redressa et regarda par la vitre de la portière. La plaine avait changé. Il y avait des arbres et des clôtures barbelées, et les reliefs étaient plus marqués. Par endroits, la neige avait fondu, surtout au pied des arbres.
- J'ai dormi longtemps?
- Presque une heure.
- J'ai encore parlé?
- Oui.
- J'aime pas ça.
- Je sais, mais ne t'en fais pas, j'ai encore rien compris.
- Pas un seul mot?
- Non.
- Ça me plairait pas, vous comprenez?
Horacio fit oui de la tête assez solennellement.
- Bien sûr, dit-il ensuite. personne n'aimerait ça.
Puis il ajouta:
- Tu as seulement l'air en colère des fois.
- En colère?
- Oui.
(...)
- Même un seul mot, ça me gênerait, dit Vito sans quitter le paysage des yeux.
- Qu'est-ce que tu dis? demanda Horacio.
- Quand je dors, dit Vito. Ce que je raconte quand je dors. Ça me gênerait que vous compreniez un seul mot.
Horacio baissa sa vitre et dit:
-Regarde une bonne fois ce que je fais!Regarde bien alors!
Il cracha dehors de toutes ses forces. Il dit en remontant la vitre:
- Je te promets que j'ai jamais compris un seul mot de ce que tu racontes quand tu dors.
(...)
- Je vous crois, dit Vito.
Il se tourna vers la droite et recommença à surveiller le paysage.

(Hubert Mingarelli, La Beauté des loutres, Ed. du Seuil).

Momentini

- Les Puces ce matin avec Frédéric. Rien acheté mais revu ceux qui m'ont vendu le bahut. Plus que quelques semaines pour eux avant la retraite. Étonnante, la diversité d'aspect des propriétaires de boxes, du quasi marginal à la queue de cheval et à l'hygiène douteuse à la dame hypermaquillée sur le retour dont le lifting ne parvient plus à camoufler les heures de vol et qui se prend pour une grande artiste, en passant par ces braves gens qui vont bientôt quitter le grand hall de la Feyssine et n'hésitent pas à parler franchement de leur travail.

- Entendu cet après-midi au parc de la Tête d'Or, à la serre Victoria, celle qui renferme de magnifiques nymphéas: " Oh! chéri, c'est la même chose qu'à Limoges, surtout en ce qui concerne la température!". Et si l'on s'amusait à calculer le nombre de paroles inutiles prononcées sur terre en une journée! Vertigineux! Peut-être d'ailleurs ne raconterais-je plus grand chose ici...

- Ma sœur m'a devancé et a donné de ses livres à la dame de la clinique qui a déjà commencé à les lire. A ma question de savoir si je pouvais ce début de semaine lui en apporter d'autres sans risquer de l'encombrer (quand je dis d'autres, ce sont des sacs entiers), elle m'a jeté un regard inoubliable, comme un assoiffé du désert à qui l'on voudrait livrer une citerne. Je l'aurais embrassée pour ce regard!

- Lorsque, pour rejoindre la chambre de ma mère à la clinique, je traverse le salon où ces dames, assises sur des canapés et fauteuils dépareillés, regardent la télévision ou écoutent de la musique, une certaine émotion m'étreint toujours: elles m'apprennent chaque fois l'humilité.

- Je rêve beaucoup en ce moment. Ce matin, juste avant le réveil, j'étais dans une maison à la campagne, loin de tout, comme celle de Noëlle dans la Creuse et je savais qu'un événement culturel important allait se dérouler à quelques kilomètres de là. Je décidai de m'y rendre à pied, traversant landes et forêts avec beaucoup de difficulté, comme Cosette portant son seau sur le sentier de ronces acérées. Le chemin était difficile et l'avancée rendue angoissée par une voix forte qui, dans mon dos, me hurlait sans cesse: "Dépêche-toi! Dépêche-toi!". Lorsque j'arrivai, l'événement (qu'était-ce exactement? Je n'en ai pas le moindre souvenir.) était effectivement commencé. A la caisse, je voulus présenter mon billet mais j'avais beau fouiller toutes mes poches, il restait introuvable: j'avais dû le perdre en route. Et toujours cette même voix tonitruante, que pourtant je semblais être le seul à entendre, qui ne cessait sa terrible scansion: "Dépêche-toi! Dépêche-toi!". La panique, qui allait me pousser à la violence pour entrer de force dans la salle, me réveilla alors. Et je me dis que j'avais encore bien le temps de me lever.

- Ma sœur a fait du lapin à midi. Ça n'a l'air de rien, vous vous en moquez, mais qu'est-ce que je me suis régalé!

dimanche 29 août 2010

La Lune de papier

La Lune de papier est comme tous les autres romans policiers d'Andrea Camilleri: un savant mélange d'humour, de sexe, de gastronomie et de roublardise dans l'intrigue qui, souvent, caresse le sujet de la mafia sicilienne sans vraiment le traiter sérieusement.

Tout ce que je viens d'écrire a l'air négatif: eh bien ça ne l'est pas. J'en redemande, je lis chaque fois avec le même plaisir, sans être dupe mais en bon public. Le héros de Camilleri, le commissaire Montalbano, est un hommage vivant à son homologue catalan, Pepe Carvalho, dont l'auteur Manuel Vazquez Montalban est décédé récemment, en 2003. Chacun aura certes noté la similitude de nom entre l'écrivain espagnol et le personnage italien. Camilleri est aussi l'auteur de romans à sujets plus historiques (mais remplis du même sens de l'humour) ou d'autres, plus "sociaux" dont l'action se déroule immanquablement à Vigàta, petite bourgade fictive de Sicile dont le modèle est Porto Empedocle, sa ville natale.

Pas d'extrait pour ce roman: ce n'est pas le style qui importe dans ce genre d'ouvrage, même si les traductions, souvent confiées à Serge Quadruppani, recèlent des trésors d'ingéniosité pour faire passer en français, parfois grâce au patois lyonnais, la richesse de la langue de l'auteur, mélange d'italien classique et de dialecte ou régionalisme siciliens. Lisez Camilleri, vous m'en direz des nouvelles. Les enquêtes du commissaire Montalbano sont publiées en France chez Fleuve Noir ou Pocket

samedi 28 août 2010

La caravane

Deux SDF croisés ce soir, et leur curieux équipage: un subtil mélange de Sans Famille et du Père Noël est une ordure. Deux hommes, jeunes, aperçus de loin alors que je garais ma voiture dans la contre-allée près de chez moi, repérés parce qu'ils étaient accompagnés dans leurs pérégrinations par un landau à l'ancienne, avec la capote en presque dur et un nombre considérable de chiens, vus de loin.

Les chiens étaient des chiennes dont l'une aux tétines gonflées et pendantes, ce que je fis remarquer quand nous eûmes engagé la conversation après l'éternelle question de savoir si j'avais une petite pièce à leur donner. Alors, comme un couple de parents heureux de faire découvrir à un ami leur progéniture nouvellement née, on me rabattit la capote pour que j'admire ce qui dormait à l'intérieur: une dizaine de petits tuyaux de poils (oui, pas des boules: la taille un peu au-dessus) pressés les uns contre les autres.

"Papa", un grand lascar maigre au piercing pas trop agressif me dit qu'ils logeaient sous le bâtiment du Grand Lyon et que si je connaissais des gens qui voulaient des chiens, mais attention, pas n'importe qui: avec des prés ou un jardin, je pouvais toujours le trouver là. "Maman", moins grand mais plus hirsute et sans doute un peu aviné ou sous l'effet de substances illicites ( que j'adore l'hypocrisie de cette expression!), tint à me présenter par leur nom les quatre chiennes (oui, finalement, elles étaient quatre) dont la mère. L'une d'entre elle était un croisé de beauceron et, malgré sa carrure nettement plus imposante, me rappela mon chien, Ciccio, avec qui j'ai partagé 17 ans de ma vie.

Quand nous nous sommes quittés, je me suis retourné pour les voir disparaître au fond de la rue, en direction du Grand Lyon où des couvertures cachées dans une anfractuosité du bâtiment les attendaient sûrement. Une forme de bonheur, sans doute et malgré tout. En tout cas en cette saison.

Étreindre de la fumée

Deux blogs que je lisais assidûment ont disparu de la blogosphère comme ça, sans prévenir. Deux blogs que j'aimais beaucoup, avec les auteurs desquels j'avais assez souvent communiqué par commentaires interposés. Cette façon de quitter la scène me gêne toujours beaucoup car elle replace brutalement les échanges et les amitiés virtuels dans leur cadre exact: l'inconsistance, le néant. On croit connaître les gens, et on les connaît effectivement parfois mieux que leur proche car l'anonymat du clavier permet des confidences plus poussées qu'autrement on ne ferait pas, on pense que l'échange est solide et puis, un matin, en allumant son écran, on s'aperçoit que l'on n'a fait qu'étreindre de la fumée, imaginer quelqu'un qui sans doute, dans la réalité, n'existe pas ou alors bien différemment.

Je conçois que l'on arrête d'écrire son blog par lassitude, ou bien parce qu'on sait qu'on l'a mené là où on le voulait. Je sais bien que cet espace est avant tout, et heureusement, un espace personnel qui n'a à dépendre que de son auteur. Je peux même admettre que l'on veuille stopper les publications sans raison autre que par ce qu'on le veut. Mais alors, pourquoi ne pas prévenir ceux qui les lisent, pourquoi ne pas leur dire son désir d'arrêter? Je trouve que, dans le silence, il y a une forme de mépris. On ne doit rien aux autres, si ce n'est la politesse.

PS: le temps d'écrire ces lignes et l'un des deux, disparu depuis plusieurs jours, est réapparu (problèmes techniques?). Mais l'autre semble bien avoir pris sa décision.

vendredi 27 août 2010

Le vent

Il y a dans le vent comme des chansons tristes
Quand le cœur a besoin, a besoin de l'amour,
Tout en se demandant si la pitié existe
En croyant cependant la rencontrer un jour
Il y a dans le vent lorsqu'il ne fait que geindre
Des murmures de voix refusant le bonheur
Se donnant le seul droit, le seul droit de se plaindre
Ne laissant que le choix de goûter au malheur

Le vent qui murmure des je t'aime,
Qui murmure des poèmes
A besoin de l'amour

Il y a dans le vent des chansons monotones,
Quand le cœur a besoin, a besoin d'évasion,
Tout en se demandant s'il est bon qu'il se donne
A de nouveaux soutiens sans risque d'illusion
Il y a dans le vent lorsqu'il est poétique,
Des murmures de voix aussi doux qu'un aveu,
Et aussi en goûtant une belle musique,
Pour un cœur en émoi et un amour heureux

Le vent qui murmure des je t'aime,
Qui murmure des poèmes
A besoin de l'amour

Cette chanson date de 1966: elle était chantée par le duo composé par Line et Willy et ce fut leur premier grand succès. A l'époque, j'avais 14 ans et j'adorais ça! C'est dire si j'étais un adolescent gai et expansif!

C'est bête, le vide

Étrange sensation après le départ de Jean Claude. La saison estivale est terminée. Il part en vacances pour trois semaines. Après, il reviendra finir quelques bricoles qui restent encore à peaufiner. Ce matin, nous avons effectué un ultime voyage à la déchetterie en faisant un crochet par les sans abris où je me suis délesté encore de deux gros cartons de livres. Nous avons rangé son matériel dans un coin de la chambre d'amis, celui qui lui sera encore utile. Le reste, il l'a emporté avec lui.

Du coup, l'appartement semble vide, idiot. Il faudra sans doute des heures de ménage pour lui redonner une propreté acceptable (ah! la poussière des ponçages!). Il faut bien remettre les pieds dans ses pantoufles, n'est-ce pas? Mais vont terriblement me manquer le léger coup de sonnette du matin, les petits cafés avant d'attaquer sérieusement, les blagues à deux balles, les longs moments de silence, les fous rires et les pantomimes, les repas pris en commun, souvent avec Frédéric, dans la cuisine d'abord, puis dans le hall d'entrée puis dans le salon, au fur et à mesure de l'avancée des travaux.

Bref! Tout ça pour dire que je n'ai beaucoup bougé de l'été mais que je m'en souviendrai comme un bon moment d'amitié. Et puis, quand je vois ce que sont devenues ma cuisine et ma salle de bains, franchement je pense que ça valait le coup car c'est vraiment magnifique. Ce soir, nous allons tous les trois au restaurant, pour fêter ça.

jeudi 26 août 2010

La maison dans les vignes

Vent chaud, très chaud, comme le soufflet d'un sèche-cheveux, pendant la promenade à travers les vignes. Les raisins sont bientôt à maturité mais les feuilles sont restées vertes. Pas encore la splendeur de l'or automnal. Le pas a été ralenti par la touffeur et je me suis souvenu que Georges avait plus de 70 ans.

J'aime ce coin de Loire coincé au sud au bord du Rhône, cette terre claire où poussent parmi les meilleurs cépages de la vallée, dominée par la beauté du Pilat. Georges m'avait invité, depuis longtemps. J'ai laissé Jean Claude travailler seul et j'ai pris la 86, cette route que j'ai toujours aimée mais où les roses trémières ont désormais disparu.

Il m'avait dit onze heures. J'avais le temps de monter au cimetière qui domine la ville: la tombe est là, pas encore totalement installée, fleurie, à regarder la montagne. Seule une vieille dame m'a salué en venant chercher de l'eau. Sur une croix de bois, simple, dépouillée, il y a, outre son nom, son vrai prénom qu'elle n'a jamais admis, Marie-José, et sa véritable identité pour tous ses amis, celle unique par laquelle on la reconnaissait: Kicou.

Je me suis arrêté un moment dans les rues où subsistent quelques traces moyen-âgeuses et puis je suis monté le voir, dans sa grande maison désormais un peu vide. Une femme était là, que je ne connaissais pas. Je n'ai pu empêcher ma surprise d'apparaître sans doute sur mon visage, mêlée à une sorte de colère naissante. ce n'était que la femme de ménage. Comment avais-je pu imaginer autre chose?

Comment ce vieil ours de Georges peut-il m'apprécier? Nous sommes si différents. Il m'a pourtant toujours montré des signes de la plus grande confiance, en particulier lorsqu'il m'a proposé d'entrer au Conseil d'Administration qui gère les six établissements de l'institution où je travaille. La joie qu'il éprouve à me voir n'est pas feinte, j'en suis sûr: pourquoi prendrait-il cette peine? Il ne l'a jamais fait pour personne.

Lui qui parle peu d'ordinaire ne cesse de m'entretenir de ses projets, en cherchant, mine de rien, à connaître mon avis, de me confier, pudiquement, très pudiquement, ses tristesses et ses angoisses. Il veut aussi connaître ma vie. Le plus drôle, c'est lorsque nous échangeons des recettes de cuisine, nous qui, deux ans en arrière, savions à peine le temps de cuisson d'un œuf dur.

Après le repas, il m'a proposé la promenade jusqu'à la Chapelle des Pénitents Blancs, halte habituelle des pèlerins de Compostelle. C'est la dernière que nous ayons faite avec Kicou, probablement en mars de l'an dernier, deux mois avant sa mort. Elle n'avait pu terminer et Georges était parti chercher la voiture. La nature était couverte de fleurs.

Nous sommes rentrés par un autre chemin, que je ne connaissais pas, le long duquel s'alignaient les ceps tortueux. Auparavant, nous nous étions assis sur les marches de la chapelle, comme avec Kicou en attendant la voiture, et nous avons parlé longtemps, sans jamais nous regarder, en fixant devant nous le méandre du Rhône à peine animé par une péniche solitaire et, au loin, la chaîne du Mont-Blanc, étincelante de soleil.

J'ai dit à Georges que revenir dans cette maison où j'ai connu tant de belles heures n'était jamais simple pour moi. Peu à peu, elle change, elle se vide d'objets familiers, d'autres apparaissent que je n'avais jamais vus. Les petites décorations trop féminines de Kicou qui parfois m'énervaient disparaissent. On est maintenant chez un homme et la maison des fêtes n'est plus ce qu'elle était. Mais, si je dois fournir un effort, je le fais volontiers parce que Georges est un être secret que j'apprécie beaucoup (et comprends peut-être mieux que d'autres?) et parce qu'il veut de toutes ses forces garder cette maison vivante, autre forcément mais vivante.

Yé-Yé

Je viens d'éteindre la télévision après une émission prise par hasard et en cours de route sur Arte: Yé-Yé Révolution (62-66). Plongée dans le monde de mes dix ans (62), de mon entrée en 6° (63, l'année principalement abordée dans l'émission).

Le "mouvement" yé-yé est présenté comme une volonté d'émancipation des jeunes par rapport à leur famille et plus généralement au monde des adultes. Eh bien moi, ce sont des adultes qui me l'ont fait connaître. Je n'ai jamais ou presque eu l'occasion d'écouter l'émission Salut les Copains sur Europe 1. En revanche, une cousine éloignée (et adulte) achetait le magazine et me le donnait une fois lu dans les moindres détails, soit avec bien du retard sur l'actualité. Ce qui n'a fait pour moi qu'accentuer le côté mythique de ces idoles naissantes. Voilà pour l'image. Pour le son, c'est ma mère qui a acheté les succès de ces années-là, principalement Sheila. Je viens de calculer, pendant l'émission, que ma mère, en 1962, n'avait que 38 ans. Je n'y avais jamais pensé vraiment. C'est par ces deux femmes, plus une cousine à peine plus âgée que moi qui m'apprit à danser le twist, que j'ai pu connaître ces années folles de la chanson.

Jean-Marie Périer, bien évidemment présent ce soir pour parler du magazine SLC, a eu cette phrase surprenante: "Il n'était que douze: il fallait trouver de quoi dire" (citation approximative). Immédiatement, je me suis mis à chercher qui étaient les douze idoles des sixteen en France et, étrangement, je ne les ai pas toutes trouvées. Voici la liste que j'ai établie et qui est incomplète, voire erronée: à vous de la compléter et de proposer d'autres noms qui vous paraissent plus dignes d'y figurer:

Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Sheila, Claude François, Françoise Hardy, Richard Anthony, Franck Alamo, Dick Rivers, Adamo, Eddy Mitchell, auxquels on peut peut-être rajouter Jacques Dutronc. Ce qui nous fait péniblement arriver à onze. Ou à beaucoup plus en y ajoutant les Surfs.
A vous de jouer!

mercredi 25 août 2010

Il y a des jours, comme ça...

Dans exactement une semaine, j'aurai fini ma première journée de travail, celle de la prérentrée, la pire. Encore de quoi les compter sur un peu plus que les doigts d'une main et je n'aurai plus rien à dire sur ce jour-là que je déteste. Vous allez voir qu'il va alors me manquer!

Pour le reste, j'attends que cela vienne, sans enthousiasme aucun, sans crainte ni angoisse non plus et surtout sans projet prenant à monter. Je crois que dans l'affadissement progressif que je ressens s'installer dans cette profession, c'est la disparition de ces projets enthousiasmants, voyages, expositions, ..., que je regrette le plus. Pourquoi alors, me direz-vous, ne pas s'y remettre? Prendre le cheval (sic) par les cornes, comme disait une de mes collègues sportives, et en monter un de toutes pièces (un projet, pas un cheval!)? Tout simplement parce que, pour cela, il faut être plusieurs et que je n'ai plus aujourd'hui ni la force ni l'envie de convaincre et d'entraîner les autres. J'ai déjà donné!

Rien d'amer dans ce billet pourtant. Simple constatation que les temps ont changé, pour ma profession comme pour moi et que je ne reconnaîtrai sans doute pas dans l'école de demain ce que j'ai tant aimé autrefois. Il est temps de se préparer à sortir le mouchoir de la poche pour l'au-revoir de la retraite. Encore un jour que je suis sûr de détester.

Apprendre à nager

En finissant de trier les ultimes documents dans les derniers tiroirs encore vierges de mes intrusions intempestives, je découvre peu à peu un trait de caractère de Pierre que je n'avais jamais soupçonné de son vivant, bien qu'ayant passé de nombreuses années à ses côtés: sa propension à la collection pour dire cela noblement, sinon sa manie d'accumuler!

J'avais déjà été surpris de retrouver dans des enveloppes cachetées les petits talons prouvant le paiement par carte bleue sur une période de plus de trois ans. Pourquoi diantre conservait-il cela alors que l'on peut sans peine les jeter après avoir vérifié son relevé de banque? Mais le moment de surprise était passé et je n'en avais tiré aucune conclusion à ce moment-là.

L'autre jour, je me suis attaqué au tri des guides touristiques, cartes postales achetées en voyage et prospectus divers sur tel ou tel monument. Ce qui tenait le plus de place, c'étaient les cartes routières, dont certaines très anciennes que je n'ai pas jetées, bien que depuis longtemps incomplètes, car certaines ont, à mon avis, un bel intérêt esthétique. Mais pourquoi avoir en triple exemplaire la Michelin 83 (Carcassonne-Nîmes), en triple exemplaire également la 80 (Rodez-Nîmes) et en double un certain nombre d'autres? Passe encore pour deux exemplaires: on peut avoir oublié la carte au moment d'un deuxième voyage et en refaire l'achat, mais trois!?

Aujourd'hui, c'était le tri des fournitures de bureau, dont j'ai bien l'intention de faire profiter quelques enfants de mon entourage en cette période de rentrée des classes. Mais à quoi pouvaient bien servir sept ou huit agrafeuses du même modèle, ou sensiblement, et leurs boîtes d'agrafes en myriades , des gerbes de critérium, des pyramides de petits carnets, des océans de chemises papier ou carton, des surligneurs, des flottilles de gommes aux bouts à peine salis, des stylos encre comme s'il en pleuvait?

Était-ce une façon de calmer l'angoisse latente qui l'accompagnait à chacun de ses actes, surtout les dernières années, la possession de ces petits riens visait-elle à combler un manque affectif jamais assouvi? Pourtant, profondément, Pierre était un homme totalement détaché des biens matériels. j'ai souvent eu l'occasion de le vérifier. Alors quoi? Je ne le saurai sans doute jamais. Et puis, comment pourrais-je le lui reprocher, moi qui commence à peine à envisager de me séparer de meubles ou de souvenirs, comme un enfant apprenant à nager parvient un beau jour à lâcher la barre qui lui permet de tenir le visage hors de l'eau et s'essaie à nager sans appui?

Le doigt et l'œil

Il faut apprendre à regarder et la main suit le regard.

Alberto Giacometti peignant à Stampa (Suisse, canton des Grisons)

mardi 24 août 2010

Devine qui vient dîner ce soir!

Aujourd'hui, je m'y prends tôt, car ce soir je reçois. Des gens que j'aime et que pourtant je ne vois que très rarement: une ancienne collègue (mais beaucoup plus jeune que moi) et son mari, venu l'autre jour nous aider pour les problèmes de plomberie.

Je suis toujours triste que la vie passe ainsi, malgré les efforts que l'on peut faire, sans que l'on profite de bons moments avec des amis proches. Joëlle, je l'ai connue avant son mariage avec Philippe: une jeune enseignante pas sûre d'elle du tout et qui avait toujours un peu tendance à se prendre pour une idiote. Elle est tombée exactement sur le mari qu'il lui fallait: les pieds bien d'aplomb sur la terre et toujours de bonne humeur. Il forme un couple formidable, plein de rires et de joie. Ils ont eu trois enfants, dont l'aînée aujourd'hui approche des seize ans (!!!). Les élever les a bien occupés et nous n'avons pas beaucoup eu l'occasion de nous voir.

Pourtant, contrairement à ce qui s'est passé avec d'autres couples d'amis, je n'ai jamais senti de changement dans les rapports que nous entretenions, même s'ils étaient moins fréquents. Lorsque je téléphonais le soir, par exemple, point de: "Est-ce que tu peux rappeler plus tard? Je suis en train de faire manger les filles!" ou de " Je te rappelle après le bain!", appel qui ne venait jamais. Avec Joëlle, l'amitié est toujours passée avant la becquée ou le repassage des petites culottes. Et ça, je le dis parce que c'est assez rare chez une jeune mère de famille.

Alors, maintenant que les enfants sont grands, je suis heureux de les revoir, ces deux lascars, de pouvoir ce soir profiter du rire homérique de Joëlle et du regard plein de tendresse et de coquinerie de Philippe. Je vais les présenter à Frédéric et à Jean Claude (sans tiret, oui, oui!): je suis sûr qu'ils vont bien s'entendre!

lundi 23 août 2010

Ubu n'est pas mort

La mairie de la commune où j'ai passé toute mon enfance et où nous possédons encore en indivision un bout terrain non constructible dont elle veut acquérir une parcelle m'a écrit aujourd'hui:

Monsieur,
suite à votre conversation téléphonique courant juillet avec mes services, je vous prie de trouver ci-joint une promesse de cession concernant la parcelle cadastrée XXXX appartenant à votre famille.
Les deux exemplaires devront être signés par tous les propriétaires indivis et retournés dès que possible à la mairie.

Etc, etc.

Sur la promesse de cession jointe à ce courrier, je lis les noms de mes cousins, de mon frère et de ma sœur, ce qui n'a rien que de très normal. J'y lis plus étonnamment celui de ma tante, décédée depuis plus d'un an, qui, comme le veut la formule imprimée "a comparu à la mairie"! Quant au mien aucune trace nulle part! Et c'est à moi que l'on envoie le courrier. Ubu, quand tu nous tiens!

Message personnel

Lundi 23 Août, c'est une date un peu stupide, sans grande signification, comme l'était le 11 septembre avant les attentats terroristes de New-York. Ça ne veut rien dire, à côté de ses compagnes célèbres, comme le 14 juillet, le 4 et le 15 août, le 1er janvier, le 25 décembre ou d'autres que j'oublie en ce moment.

Mais le 23 août, à part dans la sphère très intime de certains, nés ou mariés ce jour-là, cette date n'a aucune signification particulière. Elle en est même bête, coincée comme ça entre les vrais vacances et un stupide vent en bourrasques qui fait déjà tourbillonner les premières feuilles.

J'en connais beaucoup qui ont repris le travail aujourd'hui, j'en connais un qui le reprendra demain, sans en avoir trop envie, comme tout le monde. Mais bientôt pour lui, les vacances renaîtront de leurs cendres, comme le fameux animal mythique. Alors, ce n'est pas trop terrible. Allez, courage!

dimanche 22 août 2010

Momentini

- Aux puces, ce matin, nous avons trouvé exactement ce qu'il me fallait, et en bon état, et pas cher suite à une très importante remise parce que les propriétaires du stand prenaient leur retraite. Quoi, quoi? J'oublie de dire quelque chose? Ah oui! De quoi je parle? D'un bahut à mettre dans ma cuisine. Il me fallait une profondeur de quarante centimètres, il a cette profondeur. Il me fallait une largeur d'au maximum un mètre, il a 99 centimètres! Un petit coup de chiffon pour la poussière et hop! prêt à l'emploi. En plus, il me rappelle notre buffet de cuisine , celui des années cinquante, quand j'étais enfant! Ça s'appelle avoir de la chance.

- Jeté un œil ce soir sur une rediffusion des Visiteurs. Je me demande comment un film pareil a pu connaître un tel succès. Situations très peu comiques, rôles surjoués jusqu'à la caricature, abominables tics de langage (qui pourtant ont eu longtemps leurs heures de gloire), vulgarité gratuite. Si un énorme succès se mesure à cette aune-là, je ne regrette pas de ne pas connaître Bienvenue chez les ch'tis!

- Ma voisine du quatrième, une fort vieille dame, au demeurant charmante, est un peu sourde et s'endort régulièrement devant sa télévision. Elle doit même s'affaler sur la télécommande car ce soir, elle sonorisait la cour entière. Hier, c'étaient deux étudiantes qui chantaient, mal, très mal, des tubes rétros à tue-tête. Vive la vie!

- Plus les pièces refaites de mon appartement prennent forme, plus je me demande ce qu'en penserait Kicou, si elle était encore là. C'est drôle, je ne peux m'empêcher de la voir plantée au milieu de la cuisine, le nez un peu plissé pour empêcher ses lunettes de glisser, en train de réfléchir et de lancer son enthousiasme, toujours mâtiné de quelques améliorations possibles, ou sa réserve, adoucie par des formules de tendresse.

- En bavardant brièvement avec une des malades de la clinique de ma mère que je vois toujours un livre à la main et qui me sourit chaque fois que je passe, j'ai appris qu'elle avait été nommée récemment responsable de la bibliothèque de l'établissement. Deux certitudes donc: d'abord que cette bibliothèque existe toujours, contrairement à ce que j'avais entendu dire par radio couloirs, ensuite que je suis très heureux de pouvoir être sûr que les livres dont je voulais me débarrasser (je ne sais plus où les mettre) seront lus et feront plaisir à d'autres.

- Lucienne est une femme qui ne sait pas la chance qu'elle a de traverser la vie comme elle le fait et comme elle l'a toujours fait. A 79 ans, alors qu'elle était la plus vieille de notre repas à quatre d'hier soir, elle était aussi la seule à siroter tranquillement son verre de vin rosé alors que les trois autres avalaient discrètement leur lot de cachets quotidiens. Sans doute connaîtra-t-elle le sort de ma grand-mère maternelle, tuée âgée par sa première maladie.

samedi 21 août 2010

Indian Creek

Missoula, Montana. Voilà deux noms qui, irrésistiblement, évoquent les romans de Wallace Stegner. Pourtant ici, rien à voir. L'auteur de Indian Creek, Pete Fromm, est sensiblement plus jeune puisque né en 1958 et n'a de commun avec son illustre compatriote que le plaisir que j'ai éprouvé à lire son roman.

Bien sûr, il faut aimer, comme moi, partir dans le sillage du Kon Tiki ou, plus justement ici, partager les découvertes d'un Robinson sur son île déserte. D'ailleurs, comme les deux ouvrages précédemment cités, le livre de Fromm s'appuie sur une histoire réelle, une expérience de sa propre vie: alors qu'il était encore tout jeune adulte, il parvient à se faire embaucher pour passer six mois, les plus durs, d'automne et d'hiver, dans un isolement presque complet entre Idaho et Montana, avec pour tâche unique de surveiller le bassin où sont élevés des milliers de saumons destinés à être réintroduits ensuite dans les rivière de ces montagnes. Si les premiers temps sont difficiles, pour le climat comme pour la solitude ou les nouvelles pratiques de vie, Fromm ensuite s'intègre tellement aux paysages grandioses et isolés qui l'entourent qu'il a du mal à réintégrer le monde civilisé à la fin de sa période d'embauche.

C'est un livre splendide, qui n'est rien moins que ce qu'en dit une journaliste de Lire, en quatrième de couverture: "Une œuvre d'apprentissage d'une drôlerie irrésistible et d'un réalisme cruel." On sent,à chaque ligne, à chaque mot, l'attachement de cet homme à ces montagnes et ces rivières, même si elles le forcent effectivement à mener une vie très dure, voire dangereuse, à ces animaux, ours, puma, lynx ou grouse, même s'il les tue parfois, par plaisir ou pour se nourrir. On sent quelle a été la profondeur de cette expérience et combien l'homme qui, au printemps, rejoint la ville, n'est plus le même que celui qui s'était lancé dans cette expérience un peu par défi. Un magnifique hymne à la nature qui parfois ramène sans le vouloir aux expériences mystiques des ermites dans leur retraite.

(L'extrait suivant se situe juste après une éclipse)
Je me retournai pour regarder le soleil comme la lune se déplaçait vers le côté, et le jour se fit. La neige reprit sa couleur blanche habituelle, le bleu disparaissant sous la surface où on le distinguait à peine. Le soleil retrouva son apparence et toute trace de lune disparut. Un premier oiseau gazouilla, et d'autres suivirent son exemple avec prudence.
De mon côté, parcouru de frissons, je continuai à tourner en tous sens sur mon étroit promontoire, essayant de voir ce qui n'était plus visible, ce que je n'avais pas eu le temps d'admirer suffisamment en l'espace de deux minutes - je voulais m'imprégner de tout ce que je voyais depuis des mois, comme si cette aube nouvelle avait recelé davantage que de simples montagnes.
(...) Plus tard dans la journée, il se mit à pleuvoir, et je m'efforçai de rester occupé à l'intérieur de la tente. Mais je pensais sans cesse à mon sommet. En fin d'après-midi, j'y remontai en dérapant car la pluie avait fait fondre mes prises. Une fois là-haut, j'admirai le défilé et le reste du monde autour de moi. J'essayai de plisser les yeux pour mieux me remémorer les changements observés plus tôt. Mais cette lumière si particulière était pour toujours envolée. Et déjà je me mettais à douter de la réalité de la neige bleutée ou de l'embrasement du ciel. Pourtant, même sans en retrouver les images exactes, je souris en sachant que tout cela était réel, un spectacle unique dont j'avais été le seul spectateur
.
( Ed. Gallmeister. Trad. de Denis Lagae-Devoldère.)

jeudi 19 août 2010

A découvrir

Ce soir, balade tranquille dans les rues de Lyon, entre Rhône et Saône, avec Frédéric et Jean-Claude. Comme cette ville est belle! Et le plan d'éclairage public des monuments est une merveille absolue. Pas étonnant que ce soit la même équipe qui ait été choisie pour illuminer le Palais de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg.

Mes deux compagnons ont découvert l'existence des rails sur le quai de Saône non loin de Perrache, un endroit romantique en journée, où les péniches des vacanciers sont de plus en plus nombreuses à s'amarrer, mais où la nuit la promenade s'avère plus périlleuse, et pas seulement à cause des crottes de chiens qui jonchent cet endroit pas éclairé. Je n'ai pas pu répondre aux questions de Frédéric sur le passé de ces rails, il faudra que je me renseigne. Je leur ai aussi montré ce qui reste de l'ancien pont d'Ainay qu'ils n'avaient jamais vu.

Moi, grâce à Frédéric, c'est une boutique que j'ai découverte, rue de l'Ancienne Préfecture, tout près de la place des Jacobins: une boutique de modèles miniatures (neufs ou de collections) de voitures, trains et avions, ainsi que toute la littérature qui s'y rapporte. Si les modèles de guerre ne m'intéressent pas vraiment, en revanche j'ai trouvé belles les reproductions des caravelles par exemple, ou celles des voitures de mon enfance, les seules auxquelles je peux donner un nom sans trop de risques de me tromper, et encore! Même à cette heure déjà tardive, il y avait du monde à regarder la vitrine, dont un couple d'italiens. Joie d'entendre cette langue à l'improviste.

Demain, les problèmes de plomberie devraient être réglés. Enfin, j'espère...

Elle s'appelait, je l'appelais, comment l'appelait-on?

Un souvenir qui me revient de la soirée bien arrosée du cantal. je me demande même comment j'ai fait pour l'occulter tous ces jours. Maurice, l'ami de P., est un homme qui fêtera l'an prochain ses quatre-vingt ans mais ne supporte pas que l'on arrondisse aussi vite à la dizaine supérieure. Homme fin, cultivé et plein d'esprit avec qui le dialogue s'engagea vite.

Quand nous eûmes épuisé les sujets sérieux (littérature, musique, achat d'appartement, comparaison argumentée entre Espagne et Italie, au bénéfice de cette dernière), nous en vînmes à des propos plus frivoles, sans doute aidés par l'excellent Chablis que l'on nous servait ad libitum. A l'évocation des boîtes de nuit homos du sud-est de la France dans les années soixante-dix, nous en arrivâmes à nous demander comment nous ne nous étions jamais rencontrés auparavant, tant nous fréquentions les mêmes, que ce soit celles de la région de Montpellier et de Sète, celles de Camargue ou celles de Marseille.

Celle que je préférais était à Saint-Gilles, en Camargue: Chez Élisée. Outre la gentillesse et la bonne humeur des deux patrons, dont l'un, Élisée, faisait tenir son abondante chevelure relevée en chignon par une impressionnante aiguille à tricoter, il y avait la beauté du lieu organisé autour d'un agréable patio. Que de soirées passées là, dans l'insouciance d'avant sida!

Une autre, très grande, se situait à Issanka, près de Sète. Maurice l'avait bien connue aussi, mais, à nous deux, impossible de retrouver son nom. La soirée se poursuivit tout aussi agréablement et c'est au moment où nous allions lever le camp pour regagner nos chambres respectives que le visage du fier septuagénaire s'illumina. Il avait trouvé, bien avant moi qui n'y pensais d'ailleurs déjà plus. Et comment s'appelait cette boîte d'Issanka? Je vous le donne en mille! Elle s'appelait le......Potomac. Frédéric et moi avons éclaté de rire. Les autres n'ont pas bien compris pourquoi mais qu'importe.....

mercredi 18 août 2010

Momentini

- Le poids des mots, parfois, même sans les photos: j'ai appris hier ce que pouvait aussi être un bouche-trou. On appelait ainsi autrefois en France le dernier enfant d'une femme. C'est mignon quand ça veut, hein?

- Vu hier deux épisodes (les deux premiers pour moi, mais en fait les numéros 5 et 6) de la série: Les Tudor. J'ai beaucoup apprécié. Outre le fait que cette période de l'histoire d'Angleterre m'intéresse, j'y apprends de nombreux détails que j'ignorais, les acteurs sont tous excellents et celui qui tient le rôle d'Henri VIII dans sa jeunesse se laisse regarder avec plaisir. En voyant la qualité de cette production (que m'avait déjà vantée Lancelot), je regrette d'autant plus l'arrêt de Rome, celle consacrée à l'époque de la fin de la République romaine, pour cause d'incendie des décors.

- Pendant les travaux, je ne prends pratiquement aucune photo. Ainsi aurais-je bientôt comblé mon retard dans le postage sur Flickr. Je ne pense pas à photographier les lieux tels qu'ils étaient avant rénovation. C'est plutôt bon signe, ça, il me semble.

- Chose assez rare ces derniers temps (quoique! ça revient un peu): je me délecte du roman que je suis en train de lire et dont je parlerai une fois terminé. J'ai même tendance, maintenant que les dernières pages approchent, d'en ralentir la lecture. Ça aussi, c'est très bon signe.

- Du voyage dans le Cantal, je n'ai pas tout dit, pour ne pas alourdir, parce qu'écrire, c'est long et aussi parce qu'il y a l'indicible: comment parler d'un bossu et ses chiens, seuls habitants d'un hameau que l'on traverse en auto et de ce visage marqué pour longtemps dans ma mémoire, le visage d'un idiot profondément humain? Comment parler du plaisir à ramasser des noisettes et à les goûter sur l'arbre, malgré les orties, malgré les pince-oreilles? Comment parler de la beauté de l'étal de viande dans la boucherie de Blesle et des joues si roses, si pleines de santé de la vendeuse qui vous offre en plus un large sourire? Comment parler des nuages, ces merveilleux nuages, mouvants et changeants, loin d'un stupide été? Comment dire la prétention d'un vendeur de livres, le mépris d'un autre qui les entasse à même le sol? Et les cierges éclairés aux autels des églises? La beauté d'une pierre que lèche le lichen? Comment dire? Et comment ne pas dire?

- De cet été, je n'ai presque pas vu un cartable. Comment ai-je fait pour échapper à cette malédiction? J'ai bien peur que cela ne dure pas!

- J'ai retrouvé une superbe carte postale en noir et blanc envoyée il y a longtemps par un ami exilé à Paris ( qui l'a et qu'il a adopté depuis, définitivement, semble-t-il): sur quatre rangs, dont le premier assis, des militaires bien rangés, képis vissés sur leur visage de trois-quarts, tous fort sérieux et immobiles. Et parmi ceux du premier rang, bien au milieu, la seule en manteau clair et chapeau dont on devine aisément que la couleur ne peut en être qu'unique, la reine mère d'Angleterre, déjà fort âgée, le visage tourné de notre côté et arborant un sourire d'un fraîcheur et d'une espièglerie rafraîchissante. Au dos, ces quelques mots: "Ah! Que j'aime les militaires!!!... leur uniforme et leur moustache..." L'éditeur, lui, avait préféré un titre un peu plus succinct mais tout aussi espiègle: "My Boys".

mardi 17 août 2010

Anna, tout simplement

Je viens de tromper George. Pour la première fois, j'ai trompé mon mari et je n'en éprouve aucun remords. Il a fallu vingt-cinq ans de mariage pour que je succombe. Vingt-cinq ans de passion, de soumission, de rêves à deux puis seule, vingt-cinq ans pour comprendre que j'existais aussi ailleurs que dans son ombre, que dans l'écho de sa voix. Il aurait pu me garder, il y avait si peu à faire pour que je reste à jamais la douce épouse obéissante, souriante et fade dont on dit, quand on la croise dans la rue: "Ah! Mais c'est chère Madame Wisley. Vous savez, l'épouse du docteur Wisley, le célèbre pneumologue. Quel beau couple ils forment, ces deux-là!" Quand on me voit, ce n'est pas moi que l'on aperçoit, c'est la notoriété de ce cher Docteur qui, pourtant, comme les autres, n'est jamais parvenu à guérir un cancer du poumon à petites cellules. Oui, il n'avait pas grand chose à faire pour me garder. Mais il était si sur de lui. Et de moi.

Cette chambre de motel, elle est ignoble, sans doute, avec son grand lit rouge et son fauteuil de la même teinte, sa table de nuit où, malgré les efforts du personnel de service, on distingue toujours les traces de brûlure des cigarettes de clients précédents. Combien de couples illégitimes sont-ils passés déjà au Western Motel, pour une seule rencontre, brève et décevante ou folle, ou bien régulièrement, pour abriter des corps à corps fougueux et minutés, parfois pour la nuit, en ultime cadeau? Combien de femmes, ou d'hommes, se sont-ils assis là où je suis, devant la baie vitrée dont les rideaux jaunes, une fois tirés, inondent la pièce d'une réverbération dorée? Combien, parmi eux, savaient, comme je le sais moi, que, dans le théâtre antique, le jaune est la couleur de la courtisane, de la convoitise?

Elle est ignoble et je m'y sens bien, en cet instant où les valises sont prêtes et attendent au pied du lit qu'il vienne les chercher pour les mettre dans le coffre de sa voiture. Je ne rentrerai pas chez moi, je ne partirai pas avec lui. Lui, il m'a servi à moi, à me décider, à être sûre de ce que je voulais. Je ne l'aime pas, comme je n'aime plus l'autre. Je n'ai que faire de l'amour en cet instant. Cet homme, dont j'ai déjà oublié le prénom, Peter peut-être, ou bien Steeve, mais quelle importance?, cet homme vient de me combler comme jamais je ne l'ai été. Mais ce ne sont ni ses mains aux phalanges de poils noirs, ni sa langue vorace et inquisitrice, ni son sexe trapu mais volontaire qui m'ont fait chavirer: la sensation d'être libre, enfin, libre et responsable. J'en aurai hurlé de bonheur.

Et lui a cru que tout venait de lui! Maintenant, mon corps est calmé. Qui me verrait assise sur ce lit, dans une posture sage et presque intimidée,ne pourrait imaginer les draps froissés, les cuisses écartées et les sueurs mêlées de la nuit. Curieusement, les monts, de l'autre côté de la route, ressemblent à mon corps si je m'étendais à nouveau sur le couvre-lit: des courbes sages et tranquilles qui ne palpitent plus, qui ne se battent plus pour enserrer l'autre, de la peau qui frissonne sous la première caresse du soleil levant.

Je ne rentrerai pas. Je ne sais encore où j'irai, mais même ce sentiment d'insécurité quant à l'avenir immédiat, mon avenir, me plaît. J'ai demandé à l'homme de me conduire à l'aéroport le pus proche. Je le lui ai demandé pendant le petit-déjeuner. De surprise, il en a renversé son verre de jus d'orange sur le drap. Que s'imaginait-il? Que j'allais quitter George pour finir ma vie avec lui? Mais ma vie, je ne la finis pas, je la commence. Elle est née, ma vie, dans la décision de cette nuit, prise pendant l'accouplement, alors même que mon corps gémissait sous les coups de boutoir de mon partenaire. Il a eu la décence de ne pas poser de questions, de ne pas essayer de me faire changer d'avis. Simplement, dans la façon dont il m'a regardé en sortant de la pièce pour aller régler la chambre, j'ai compris qu'il m'avait déjà catalogué dans la catégorie des putains.

Mais qu'importe, n'est-ce pas? Dans quelques heures, je serai dans un avion pour je ne sais où, assise à côté de quelqu'un que je ne connaîtrai pas et qui ne me connaîtra pas, avec qui, peut-être, j'échangerai quelques mots anodins sur la beauté du spectacle d'en bas ou le mauvais whisky que l'on nous aura servi. Personne ne saura, dans cet avion, que je suis Anna Wisley, l'épouse de ce cher Docteur Wisley qui aura peut-être déjà découvert à ce moment-là que je ne reviendrai plus. Comment va-t-il s'y prendre pour expliquer mon départ tout en tâchant d'éviter le scandale? Je voudrais être mouche...

Mais qu'en ai-je à faire après tout? Je suis libre. J'ai mis ce matin ma robe rouge, peut-être à cause de la couleur du lit, peut-être parce que je sens en moi mon sang qui recommence à circuler, parce que le rouge fait ressortir la pâleur de ma peau et la blondeur de ma chevelure, ou simplement parce que c'est avec cette robe-là que j'ai la plus belle poitrine. Je ne veux pas plaire, je veux me plaire à moi, me séduire, me reconquérir comme lorsque j'étais enfant et que j'essayais de surprendre ma beauté en me retournant brusquement vers un miroir. Je suis libre et le soleil se lève. Maintenant, pour tous, je ne serai plus qu'Anna. Anna, tout simplement.

( D'après le tableau d'Edward Hopper, Western Motel, 1957)

lundi 16 août 2010

Magie, magie

Étrange, cette sorte de pouvoir magique qu'ont les mots. Magie de la poésie, bien sûr, qui, si je la cite en premier, n'est pourtant pas celle que je préfère, magie des sons, de la musique des phrases (comme il est dommage qu'étant français je ne puisse entendre celle de notre langue, si belle paraît-il! Mais je me rattrape avec l'italien), magie des voix qui les prononcent (que n'ai-je pas rêvé sur celle de Suzanne Flon!) ou qui les chantent ( Kathleen Ferrier, Alfred Deller et la divine Callas!), magie du rythme aussi mais le rythme des mots, n'est-ce pas tout le reste réuni?

Magie de la polysémie, avec laquelle on peut jouer indéfiniment, comme un enfant avec son train électrique, magie des rebonds dans le dictionnaire, quand on passe de l'un à l'autre sans voir le temps s'écouler parce que tout nous intéresse et qu'il est bon de tourner les pages à la recherche de la pépite convoitée, magie des jeux de mots, des à peu près, des quiproquos, magie de la forme des mots aussi, des rimes, des assonances, de la litote et quoi encore....

Pourtant ils possèdent aussi une autre magie, un peu moins lumineuse, un peu plus noire quand ils sont employés en les tordant, en les éloignant de leur route, en les chargeant d'un poids qu'ils n'ont pas à l'origine et dont ils ont parfois du mal à se remettre. Certains en disparaissent, morts de ne pas avoir pu se dégager de ce fardeau même tombé à terre. Ainsi qui oserait aujourd'hui employer le mot "francisque" sans penser immédiatement au régime de Vichy?

Il me semble que la société contemporaine a un don pour martyriser les mots. Je ne parle pas de ces mots transformés par une mauvaise prononciation généralisée ou des abréviations intempestives: toute langue a toujours évolué ainsi et c'est preuve au contraire de la vitalité gardée de la nôtre. Je parle de ceux à qui, sans en avoir l'air, on fait dire autre chose que ce qu'ils disent, ceux dont le sens premier est clair mais qui peuvent être les interprètes masqués (malgré eux) d'une tout autre pensée moins claire, celle-ci.

Un exemple qui m'a frappé ces jours-ci en écoutant les commentaires sportifs lors des Championnats d'Europe d'athlétisme à Barcelone ou de ceux de natation à Budapest: "Les Bleus ont remporté 21 médailles. les Bleus reviennent d'Espagne avec une brassées de victoires...". Les Bleus? Bien sûr, le bleu est la couleur de la France, et pas seulement en matière de sport. Bien sûr, c'est chez les sportifs de haut niveau la teinte dominante sur le maillot ou le survêtement. Bien sûr, étendre cette appellation à d'autres sports que le football permet cette année de faire un peu passer le goût amer de la pilule d'Afrique du Sud.

Mais pourquoi ne pas dire simplement, quelquefois, parfois, de temps en temps: les Français? Je vois d'emblée l'indignation monter dans les poitrines de certains: quoi! les Français? Cocorico, chauvinisme, esprit de clocher et nationalisme exacerbé! Mais, outre que le nom d'un pays et de ses habitants, quels qu'ils soient, n'a jamais été un gros mot pour moi, je ne vois pas en quoi nommer une équipe par la couleur de son maillot (d'ailleurs le bleu nous appartient-il en propre? Les couleurs n'étant pas myriades, tout le monde a-t-il droit à la sienne?) est mieux.

Dans l'Antiquité, les courses en char donnaient lieu à des paris entre spectateurs. Il y avait ceux qui soutenaient les bleus, justement pendant que d'autres leur préféraient les blancs ou les rouges, ou les verts. Deux couleurs étaient plutôt "supportées" (quelle horreur que ce mot en français dans le sens qu'on lui donne ici!) par l'aristocratie pendant que les deux autres avaient les faveurs de la plèbe. Ne me demandez pas lesquelles! Eh bien moi, c'est à ces spectacles violents et triviaux que je pense chaque fois que j'entends "les Bleus"!

Une dernière réflexion sur ce même sujet. Les modes passent et on inventera probablement bientôt une autre façon de nommer les équipes nationales, je ne me tracasse pas du tout pour ça. Qui, aujourd'hui, en tout cas dans les médias, emploie encore l'expression "les Verts", si célèbre quelques décennies en arrière, pour désigner l'équipe de football de St-Étienne? Rappelez-vous: dans le même registre de difficulté à prononcer le nom de la France, les politiques de la génération presque précédente disaient à longueur de temps, en pinçant les lèvres comme s'il venait de sentir un relent nauséabond: "ce pays". Pas mon pays, notre pays, mais ce pays! Bon analyste est toujours extérieur à son sujet, sans doute!!!

Pour finir, deux choses qui m'ont bien fait rire ce soir!
- un site de rencontres homosexuelles où les gens se présentent en dévoilant leur préférence dans l'action. On se classe en gros en trois catégories: actif, passif ou versatile (tantôt l'un, tantôt l'autre). Un jeune espagnol qui ne manque apparemment pas d'esprit, s'est insurgé contre ce dernier vocable: "Mais quoi, versatile! Je ne suis pas versatile, je suis réversible!". Bravo, jeune homme!

- le film de ce soir sur W9: Qui peut sauver le Far West?, production allemande de Michael Herbig. Totalement loufoque et déjanté. Une pitrerie pas toujours très fine mais drôle et sans prétention. Moi, j'aime.

dimanche 15 août 2010

Un village au fond d'une vallée

Je crois que l'on ne connaît pas quelqu'un si l'on ne sait rien de son enfance. Ce qu'il peut en dire lui-même, ce qu'on l'on peut en voir soi ou deviner est irremplaçable dans la construction d'une relation profonde avec l'autre. A travers ces ouvertures vers les premières années, on comprend mieux qui est celui ou celle que l'on a en face de soi et l'on est plus à même de l'apprécier correctement.

Nous sommes arrivés en début de soirée dans ce petit village du Cantal à la presque frontière de la Haute-Loire. Nous y attendaient P., l'ami d'enfance de Frédéric qui passait là quelques jours de vacances avec son compagnon, la sœur de celui-ci et un homme plus âgé, connaissance de longue date. J'avais, avant, vu les routes, les chemins, la rivière, l'église et le cimetière et je savais, en pénétrant dans cette vallée, que j'entrais dans quelque chose d'important, que l'on me faisait confiance au point de m'introduire dans ce qui nous est souvent le plus cher: le monde de l'enfance.

J'étais non pas intimidé mais un peu anxieux de voir comment tout allait se passer. Et tout se passa de la meilleure manière, entre un repas copieux et largement arrosé de rires et de vins, de discussions sérieuses aussi et de quelques souvenirs expliqués, avec parfois, par ci par là, un mot de patois qui fusait. Le lendemain, j'étais plus à l'aise avec tout ce que l'on me racontait, les personnages et leur décor étaient mieux en place dans mon esprit et, surtout, la convivialité du repas du soir m'avait complètement détendu. Les souvenirs se complétèrent: visite des hameaux, conversations avec les gens du pays, arrêt au bord de la rivière à truites, photo du vieux poêle qui trône encore au milieu de l'église... le monde de deux garçons qui se connurent à quinze ans.

Nous devions faire quelques courses pour le repas de midi. Nous décidâmes donc de pousser jusqu'à Blesle, village pittoresque où un monastère de femmes s'installa au IX° siècle et où se tenait une brocante ce vendredi 13. Au risque de paraître partial à certains, je dirais que, encore une fois, c'est l'église qui attira le plus mon attention avec, en particulier, un magnifique Christ roman, dans le bras nord du transept, qui m'en rappela un autre, catalan celui-ci, dans une chapelle du Haut-Allier, non loin de là donc.

Le départ fut marqué par un détour chez le garagiste, pour compléter le niveau d'huile insuffisant, et il fallut bien se résoudre à rentrer sur Lyon. Route sans trop de circulation mais rendue plus lourde par la bonne et longue soirée de la veille. Le circuit avait été rapide mais plein de bons moments, d'émotions et de tendresse.

Pietà, planèze et pont suspendu.

Je dirais que Saint-Flour est une ville qui se mérite. D'abord à cause de sa situation géographique (il faut vraiment vouloir y aller), ensuite à cause de son site, la route pour accéder au sommet de cette colline abrupte en faisant quasiment le tour, comme à Bergame en Italie. Le fleuron de cette petite ville de province est sans conteste sa Cathédrale Saint-Pierre, une des quatre cathédrales d'Auvergne, au style un peu austère dû au matériau de construction, une pierre volcanique, et aux deux imposantes tours carrées de sa façade qui lui donnent d'ailleurs, à mon avis, un petit côté anglican. A l'intérieur, la voûte gothique abrite quelques belles œuvres d'art, comme le Christ noir, une Pietà et le reliquaire protégeant les restes de Saint Flour. Près de l'entrée, sous le buffet d'orgues, on remarque à peine une fresque double représentant l'Enfer et le Purgatoire.

Un peu plus loin, une ancienne collégiale (XIV°) ayant pendant très longtemps (jusqu'en 1980) été transformée en halle , la Halle aux Bleds qui servait au commerce des grains de la planèze, le plateau basaltique de St-Flour, abritait les œuvres (peintures et sculptures) de Marguerite Janine Carpentier. Les sculptures, dont un buste de Jules Verne et une belle tête d'enfant, m'ont davantage intéressé que les tableaux. mais c'est une histoire de goût totalement personnelle. Frédéric semblait pourtant lui aussi partager cet avis.

L'après-midi se finit par une découverte pour moi: le viaduc de Garabit, imposant édifice de métal enjambant les gorges de la Truyère et construit par Gustave Eiffel en 1884, soit 5 ans avant la Tour parisienne du même nom. Sa mise en service en 1888 permit à la ligne de chemin de fer de traverser cette gorge escarpée devant laquelle nous prîmes un apéritif servi par un barman des plus "exotiques". Je dois la découverte de ce site à Frédéric, mais c'est la rencontre qui suivra dans la soirée et dans la journée du lendemain, rencontre que j'ai faite grâce à lui, qui m'a encore bien davantage touché de sa part.

vendredi 13 août 2010

Abbayes, châteaux-forts et système D.

Partir? Ne pas partir? Où aller? A combien? Plutôt avancer dans les travaux? Finalement, c'est vers Haute-Loire et dans le Cantal que nous avons mis le cap, Frédéric et moi. Découverte de nouveaux horizons et retour à des sites qui étaient pour moi de trop anciennes connaissances pour que je n'aie pas envie de les revoir, tel a été le programme de ces deux jours, auquel il faut ajouter tout un aspect convivial et amical qui n'en est pas la moindre part.

Temps menaçant au départ mais qui accepta vite de s'arranger, même si le vent du nord qui soufflait parfois était bien frais. Après avoir roulé un peu et aperçu de la route tous les rochers du Puy-en-Velay et la forteresse de Polignac, j'ai fait découvrir à Frédéric l'abbaye de Lavaudieu et ce qui reste de ce petit village médiéval. Les moutons ont laissé des traces de leur passage dans les rues en pentes qui descendent à la rivière. Un touriste dont la compagne prend une photo de l'église se précipite sur son sac qu'elle a laissé sans surveillance sur un muret. Avons-nous, tous les deux, des têtes aussi patibulaires ou bien est-ce encore un de ces imbéciles qui ne voit en l'autre qu'un prédateur?

Deuxième étape rapide: Domeyrat et son château féodal en voie de restauration. Contre toute attente, Frédéric y trouve des cigarettes. Je regrette, après la description qu'il m'en a fait, de ne pas l'avoir accompagné dans cette boutique d'une autre époque, avec bar adjacent et anciens présentoirs de bonbons. J'aurais même pu tenter d'y faire quelques photos, car ces endroits deviennent bien rares aujourd'hui et les personnes âgées qui les tiennes en passe de devenir immortels!

A la Chaise-Dieu, comme l'heure a tourné, nous décidons de manger avant de visiter l'abbaye où le célèbre festival de musique commence dans quelques jours. Nous ne serons, hélas, plus là pour y assister. Nous choisissons un restaurant le long de l'Abbatiale parce qu'il est peu fréquenté à ce moment-là. Seul un couple d'anglais finit de déjeuner, dont la femme nous renseignera sur la qualité des mets qui y sont servis. Frédéric me fait remarquer alors leur petite fille de trois ou quatre ans: il lui trouve, avec sa frimousse toute ronde et sa fine chevelure rousse flamboyante, une belle allure de bébé Cadum. Il n'a pas tort.

J'avais visité l'abbaye il y a très très longtemps et en gardais de nombreux souvenirs, dont certains totalement erronés. Ainsi, par exemple, la célèbre salle de l'Écho, où l'on peut chuchoter dans un angle, le visage contre le mur et être entendu de l'autre personne placée de la même façon dans l'angle diagonalement opposé, avait acquis dans mes pensées une dimension colossale qu'elle est loin de posséder. Si le bâtiment de l'abbatiale lui-même est en assez bon état, le cloître, en revanche, menace ruine dans certaines de ses parties que l'on s'est enfin décidé à restaurer.

A la fin de la visite, un besoin urgent m'oblige à revenir au restaurant pour profiter de leurs toilettes. Bien sûr, je n'imposerais pas ces détails scabreux si j'avais eu affaire à des toilettes ordinaires. Mais là, je n'en revenais pas. A tel point que j'ai fait une photo pour être bien sûr d'être cru. Lorsque vous tirez vers vous la porte pour entrer dans le petit coin, vous vous rendez compte qu'elle est reliée par un système de poulies et de sandows à la poignée de la chasse d'eau que vous actionnez ainsi à votre insu. Pas bête pour assurer au nouvel arrivant une cuvette toujours vide, mais pour l'esthétisme et le confort, il faudra améliorer!

Lorsque nous quittons ce plateau un peu sinistre de la Haute-Loire, le ciel est toujours aussi changeant et la température variable selon les apparitions (ou non) du soleil. La nouvelle direction prise est celle de Saint-Flour, dans le Cantal. Mais la suite de la relation de ces tribulations sera pour un autre soir (pas demain car nouvelle petite escapade, elle programmée depuis longtemps), la fatigue de la bonne soirée d'hier commençant à se faire un peu trop sentir. Dans les prochains épisodes, vous découvrirez Calystee tentant de faire le plus gracieux démarrage en côte avec la voiture de Frédéric, le même dégustant force fruits de mer bien arrosés et découvrant que, décidément, le monde est bien petit, nos deux lascars à la cueillette des noisettes, au vide-greniers, chez le garagiste, en conversation avec quelques bredins des hameaux des sommets. De quoi vous faire saliver en entendant la suite, non?

mercredi 11 août 2010

Bile, et comment s'en débarrasser.

- Il y a quelques jours, à un jeu télévisé, il a été posé la question suivante: "Dans quel stade les joueurs du PSG évoluent-ils?". Cette question ne comportait, pour ses rédacteurs, aucun humour. Moi, j'ai cru: ça se saurait si des joueurs de football évoluaient! Ou alors, cher monsieur Darwin, nous n'en sommes qu'aux tous premiers chapitres, que dis-je: au prologue!

- Une jeune femme avec une poussette pour bébé. Dans la bouche de la jeune femme, une cigarette. Dans la poussette, un bébé qui pleure. Fort. Elle, excédée, lui hurle dans les oreilles: "Attends une seconde! j'ai pas que ça à faire! (Ben oui, il faut aussi qu'elle tire sur sa clope!). Alors, elle fait le tour de la poussette, se met face au bébé et lui envoie un nuage de fumée à la figure. Quand, peu à peu, il réapparait derrière, il ne pleure plus: suffoqué ou déjà accro? A quand les bouts-filtres aux biberons?

- J'ai des voisins super mignons que j'aperçois chez eux par notre cour commune, qui se promènent à longueur de journée en mini-slips, exposant aux regards lubriques et concupiscents (non, pas moi, vous pensez bien!) jambes effilées et ventre plat. Heureux alors, Calyste? Juste un détail: nous ne dormons jamais à la même heure!!!

- Demain, départ pour un rapide tour au vert avec Frédéric. Itinéraire pas encore fixé définitivement. Ne plus voir ni cartons, ni pinceaux, ni tournevis, ni facturettes de Lerin-Merloy, ni poussière, ni, ni, ni... Des vacances, quoi!

Froid dans le dos et partout.

Maintenant, il n'y a pas que les bébés qui finissent au congélateur: les vieux prennent peu à peu le même chemin. Ainsi, à Lyon, quartier chic du sixième arrondissement, on a découvert le corps d'un homme que sa concubine avait tué il y a déjà plus de deux ans et qu'elle avait simplement mis au frais. Autrefois, lorsque je tordais la bouche devant une assiettée qui ne me convenait pas, ma grand-mère me disait: "Mange, tu ne sais pas qui te mangera!". Ce qu'elle n'imaginait pas, avant le repas, c'est la période de décongélation.

Citation

Dans le parc de la maison de George Sand, à Nohant-Vic:

Berlioz est pour les triples croches, je suis pour les liliacées, chacun son goût.

mardi 10 août 2010

Tu dors encore?

Christophe, en commentaire du billet précédent, me demande si je dors encore! Eh oui, un tel silence de la part d'un bavard du clavier comme moi, c'est tout de même assez rare. Eh bien non, Christophe, je ne dors plus. Je suis sous l'effet d'un coup de foudre (je plaisante), et assené par qui? Par Zeus lui-même. Non, pas celui que je connais depuis très longtemps dans mes manuels d'histoire ou de grec, celui qui fut sauvé par sa mère et élevé par une chèvre en remerciement de quoi il lui cassa une corne. Non, pas Jupiter tonnant, mais Zeus Antarès lui-même, celui qui clôt, à droite, ma liste de blogs accoutumés.

Zeus m'avait envoyé un mail pour me prévenir de son intention de venir passer quelques jours à Lyon qu'il ne connaissait pas et c'est ainsi que nous avons pu nous rencontrer. Rendez-vous fut pris sous la statue équestre de Louis XIV à Bellecour, ce qui fait toujours rire les lyonnais de souche mais s'avère finalement très pratique. Nous avons donc passé une bonne partie de l'après-midi à arpenter les rues du 5° arrondissement (St-Jean, Fourvière, St-Just, St-Georges) ainsi que du 2° où nous nous sommes retrouvés le soir pour dîner ensemble rue des Marronniers. Bonne journée donc avec ce blogueur que je connais, pour le lire, depuis maintenant presque trois ans et qui m'a fait un grand plaisir en me disant, presque sur un air de s'excuser, qu'il trouvait à Lyon un petit air italien.

Auparavant, c'était un dimanche à la campagne, avec toute une bande d'amis, autour d'un repas froid. L'après-midi, les plus courageux se mirent en route, malgré un soleil implacable, d'abord pour les Aqueducs du plat de l'Air, à Chaponost, puis pour une grande promenade à pied en direction de la vallée du Garon. D'autres, pendant ce temps, jouaient aux cartes à l'ombre d'un cognassier ou bavardaient tranquillement assis sous le cerisier. Beaucoup de rires, de bonne humeur et de complicité. Parti avec ma voiture de peur de ne pas être à l'aise avec les quelques personnes que je ne connaissais pas, je suis finalement rentré en même temps que les autres, tous gorgés de soleil et de bon vin.

Aujourd'hui, c'était plus sérieusement la suite de mes travaux. Tout le matériel est arrivé, il ne reste plus qu'à installer. Encore quelques jours de travail mais la cuisine commence à avoir belle allure.

En me relisant, je trouve assez cocasse de pouvoir écrire une phrase telle que: "Zeus m'avait envoyé un mail pour me prévenir de son intention de venir passer quelques jours à Lyon qu'il ne connaissait pas." Ce n'est vraiment pas donné à tous le monde! Ah! la chance que vous avez de me connaître!!!

dimanche 8 août 2010

Écrire pour ne rien dire

Comment parler de ma journée? Bien, très bien, pleine de soleil, de rires et de bien-être. Et demain, une autre m'attend, chargée aussi. Juste ce petit mot ce soir: je n'ai plus ni le courage, ni l'envie d'en écrire davantage, parce que je sais que, si je commence, j'en aurai pour longtemps. Et il faut que je dorme. A demain.

samedi 7 août 2010

La dague

Scorpion dans notre horoscope occidental, je savais être aussi dragon dans celui des chinois et castor chez les indiens d'Amérique. Ce matin, dans les strates de papiers accumulés au fil des ans et qui peu à peu prennent le chemin de la poubelle, j'ai retrouvé une carte envoyée de Paris par Pierre il y a bien longtemps, carte qui m'indique mon signe dans l'horoscope arabe (ou astrologie des armes): je suis dague. Décidément, je ne me sors pas des symboles phalliques. Voici ce qu'en dit le texte:

Saluons la Dague: l'illusionniste de notre horoscope. Attention, ce magicien est sombre. Fière, rebelle, la Dague est arme de complot et d'aventure. Assoiffés de conquêtes, vous respirez le goût du risque, le romantisme et l'agressivité. Grand esprit inlassable, imprégné de mystère, cette arme sans cesse mouvante sait au moment le plus serein déchirer l'azur et au moment le plus pathétique coaliser en mysticisme toutes les passions qui agitent en tourmente sa lame. Excessivement sensuelle, un lyrisme éperdu en quête de passions emplit sa vie sentimentale où la conquête est loi. La Dague aime le pouvoir dans l'ombre et son apparente désinvolture masque mal son sens aigu du tragique. La contradiction et la dramatisation sont la respiration :même de l'intelligence de cet aventurier qui laisse à ses intuitions la part belle, tant il aime céder aux envies soudaines. Pas de demi-mesures avec vous, les Dagues. Vous n'avez pas votre pareil pour dénicher le défaut de la cuirasse d'autrui... et frapper. Mal conseillée, la Dague aura tendance à se détruire et à entraîner les autres dans sa chute. Seule une Masse de Fer ou un Arc seront une compagnie bénéfique; Alors, Dague, votre sentiment aigu de solitude sera moins vif. (Texte: Edgard Bliss.)

Quelle littérature! Tiens! Bonne occasion pour employer un mot un peu oublié aujourd'hui: quel galimatias! " Coaliser en mysticisme toutes les passions qui agitent en tourment sa lame"! Je vais essayer et, promis, je vous dirai ce que ça donne!

vendredi 6 août 2010

Bonnes nouvelles

Oui, oui! des bonnes nouvelles!

- 1°) Mon évier est enfin arrivé chez Lerin-Merloy. Oui, celui qui devrait être déjà dans le coin de ma cuisine depuis une quinzaine de jours. L'employée est bien allée sur ses deniers à Saint-Étienne en récupérer un mais c'était le dernier et il était en mauvais état. Or cette jeune fille, qui a plus d'un tour dans son sac, a aussi un petit copain qui travaille à Grenoble. A Grenoble, il y a un Lerin-Merloy et dans ce Lerin-merloy, il reste des éviers comme celui que j'attendais désespérément. Et aujourd'hui, en fin de semaine, le gentil copain de la gentille employée de ces enfoirés de Lelin-Merloy a mis dans sa voiture l'objet de mes désirs (je parle du bloc de résine moulée) et l'a transporté jusqu'à Lyon. Elle est pas belle la vie! Quoique! Je devrais peut-être attendre, pour me réjouir, de l'avoir vu!.

- 2°) Je rassure Cornus: j'ai très bien dormi dans le nouveau sens ouest-est de mon lit. Mais il faut dire qu'hier soir, j'aurais dormi n'importe où, même debout! Et ce matin, en me levant, même pas surpris: je savais exactement où j'étais et dans quel sens! Même que, en sautant du lit, j'avais un peu mal dans les muscles des efforts de la veille. Mais juste un peu; Alors, elle est pas belle la nuit!

- 3°) Que faire à dîner ce soir à mes deux acolytes? Dès ce matin, l'idée s'impose à moi d'un repas italien, sans doute à cause de la bouteille de Campari achetée hier. L'entrée? Facile: prosciutto e melone, jambon et melon en VF. Mais ensuite? Pour des lasagnes, il fallait utiliser le four. Pas l'idéal dans une cuisine en travaux. Une pizza à commander au restaurant près de chez moi? Fermé, bien sûr, pendant le mois d'août. Et la qualité des autres, je ne la connais pas. Au supermarché Casino, je lorgne un peu du côté des surgelés mais rien ne me tente, et au rayon frais, rien qui s'apparente de près ou de loin à nos cousins transalpins. Alors quoi? Alors, je décide de relever le défi lancé ce matin par Jean-Claude qui, à ma question sur le plat principal, me répond le plus sérieusement du monde: "Tu n'as qu'à faire un osso bucco!". Moi qui ne savais pas cuisiner un œuf il y a deux ans! Alors, c'est parti: je repère le boucher que j'aime bien dans le magasin, je lui demande la recette, il me trouve la viande adéquate. Je ne sais pas comment fait cet homme pour être toujours clair et compréhensible mais moi, avec lui, je serais capable de devenir meilleur ouvrier de France catégorie boucherie. Bon d'accord, j'ai encore demandé une ou deux choses à Jean-Claude pendant la cuisson, mais le résultat était excellent, et ça j'en suis très content (voire un peu fier aussi!): mon premier osso bucco! Il ne reste rien ce soir dans la marmite, rien de rien. Preuve que l'on s'est régalé, non? Tiens, pour le coup, je lance sur ce blog un nouveau tag: cuisine. Il est pas bon, Caly...!

jeudi 5 août 2010

Sixteen et meubles lourds

Arte, cet été, consacre un certain nombre de soirées aux années soixante. Ce soir, un film noir et blanc de 1965, Le Knack ( le Truc) et comment l'avoir, de Richard Lester. Des lignes, des carrés, du noir, du blanc, des fenêtres qui s'ouvrent, des portes qui se ferment( photographiquement, je suis fan), un lit immonde coincé dans un escalier, une maison que l'on peint en blanc, trois garçons, une fille et des centaines de demoiselles au look très sixteen en file devant l'Albert Hall en attendant leur idole (le séducteur des trois) ou dans son escalier, patientant pour avoir le privilège d'entrer dans sa chambre. Et puis un humour décalé (c'est une production britannique!) que j'aime et qui n'a plus aujourd'hui aucune chance d'exister, il me semble, comme lorsque la jeune fille cherche, au début du film, le Foyer Féminin Chrétien et se retrouve, incrédule, devant Buckingham Palace ou lorsque, devant la même inanimée, un des trois se demande si les filles ont le pouls au même endroit que les garçons.

Mais je n'ai vu ce film que par intermittence, endormi que j'étais souvent sur mon canapé tandis que la télévision continuait à diffuser ses images pour rien. Ce soir, Calyste est grandement fatigué: en plus des travaux de la cuisine, j'ai suivi les conseils de Frédéric et changé un certain nombre de meubles de place, en particulier dans ma chambre. Un peu sceptique au départ, je dois avoué qu'il avait raison et que la nouvelle disposition est plus aérée et plus agréable. Reste à savoir comment je vais dormir cette nuit avec mon lit dans l'autre sens. Je crois qu'après avoir manipulé à deux des centaines de livres, cela ne devrait pas être trop difficile! Good night!

(PS: juste pour dire que dans le film de ce soir apparaissaient pour la première fois Charlotte Rampling, Jane Birkin et Jacqueline Bisset. Du beau monde, tout de même. Morphée s'est arrangé, hélas, pour que je n'aperçoive que Jane!)

mercredi 4 août 2010

Du jour au lendemain

Sans leur attribuer un quelconque sens caché au profane qu'il faudrait absolument décrypter pour avancer sur son chemin de vie, je constate pourtant souvent d'étranges coïncidences. Ainsi, lundi, j'ai vu le western d'Howard Hawks, La Captive aux yeux clairs dont le titre original est The Big Sky. Or hier soir, après avoir terminé la lecture de gaudé, j'entame un nouveau roman, Indian Creek, de Pete Fromm, dont je parlerai plus tard, et que lis-je en page 16 ?
La lecture de The Big Sky de A.B. Guthrie me plongea dans une sorte d'hébétude, je m'imaginai devenir un nouveau Boone Caudill (un des héros du film) que le monde ébahi allait bientôt découvrir.
(...) Assez vite, je commençai à me fabriquer une paire de mocassins à la façon des Indiens Flathead
(Têtes plates), mais je prétendais en secret qu'ils étaient Blackfeet, car les Blackfeet (ça ne vous rappelle rien, les Blackfeet, Pieds-Noirs) étaient plus redoutables.
Pour les vacances de printemps, Rader, son ami Sponz, moi et quelques autres, tous entassés dans le deerslayer, partîmes faire un séjour dans les Tétons
( cadre naturel servant de décor au film). Nous fîmes griller du poulet sur un feu interdit et bûmes du whisky bon marché comme le font dans les livres les hommes des grands espaces.
Voilà au moins un roman pour lequel je n'aurai aucune peine à imaginer les grandioses paysages.
(Les parenthèses dans le texte en italiques sont de moi.)

La Porte des Enfers

Laurent Gaudé est un auteur dont, en général, j'apprécie les romans. Je viens de découvrir (ou de redécouvrir si je l'avais oublié) qu'il n'a que trente-huit ans. Je dis "que" car il me semble à chacune de mes lectures qu'il est proche souvent des classiques, en passe lui-même d'un devenir un.

La Porte des Enfers ne m'a pas déçu non plus, bien au contraire, même si mon préféré de cet auteur reste celui qui me l'a fait découvrir: La Mort du roi Tsongor. Dans ce roman évoquant déjà dans son titre toute une mythologie côtoyée au cours de mes études de Lettres Classiques, il y aborde de façon originale et en même temps parfaitement classique, comme je viens de le dire, le thème de la mort d'un être cher que l'on va chercher aux Enfers pour le ramener à la lumière de la vie. Ici, c'est un père qui fait le voyage pour retrouver son fils tué par hasard à six ans dans un règlement de compte entre bandes mafieuses rivales.

Le décor du drame, bien sûr, c'est Naples, la ville de la mort par excellence, à l'ombre du Vésuve, qui la cache derrière une exubérance trompeuse. Le Porte à emprunter est ici, dans la ville, et c'est un groupe d'"éclopés" qui décidera d'envoyer deux d'entre eux explorer les Ténèbres. Ces éclopés, ce sont Garibaldo, le patron d'un petit bar qui sait préparer un café pour chaque occasion, Don Mazerotti, le vieux curé barricadé dans son église, en rupture avec Rome, et qui a creusé un souterrain pour s'échapper jusqu'au café d'en face, le professeur Provolone, grand érudit qui ne déteste pas à l'occasion se faire rosser nu par des voyous du port. Il y a aussi Grâce, le travesti et prostitué noir au grand cœur et Matteo, le chauffeur de taxi que la mort de son fils a privé de toute raison d'exister.

Belle écriture, avec des réminiscences antiques suffisamment fines pour qu'elle ne pèsent pas, personnages archétypiques à l'existence desquels on peut cependant croire. Ce livre est, pour moi, une réussite, voyage alliant la réalité napolitaine contemporaine et les mythes de cette Italie du sud pétrie de culture hellénique.

"Vous vous demandez pourquoi je fais cela... n'est-ce pas?... J'imagine que oui... Vous vous souvenez de la conversation que nous avions eue la dernière fois...? La mort qui se loge en nous... l'impression d'être une ombre parfois... oui, exactement cela...une ombre.... sans vie... Dans des instants-là, voyez-vous, quand ils frappent et rient avec sauvagerie, lorsque je sens leurs muscles joyeux sur moi... je vis. C'est étrange à dire. Mais je vous assure. Je me sens, oui, je ne sais pas le dire autrement... précieusement en vie.
(...) La société d'aujourd'hui, rationaliste et sèche, ne jure que par l'imperméabilité de toute frontière mais il n'y a rien de plus faux... On n'est pas mort ou vivant. En aucune manière... C'est infiniment plus compliqué. Tout se confond et se superpose... Les Anciens le savaient... Le monde des vivants et celui de morts se chevauchent. Il existe des ponts, des intersections, des zones troubles... Nous avons simplement désappris à le voir et à le sentir."

lundi 2 août 2010

Tri sélectif



Mes placards se vident, mes poubelles se remplissent. C'est étonnant, finalement, comme une bonne grosse part de vie, ça tient en si peu de place quand on la déchire.

La Captive aux yeux clairs

Le lundi, c'est le jour du western sur Arte. Aujourd'hui, on donnait La Captive aux yeux clairs, de Howard Hawks (1952) avec Kirk Douglas.

Ici, pas de grands canyons mais une rivière à remonter, le Missouri, jusqu'au pays des Pieds-Noirs à qui l'on va rendre la fille de l'un des principaux chefs en échange d'un lucratif commerce de peaux échappant au contrôle de la Compagnie des Peaux et Fourrures. Pas de déserts torrides mais des forêts giboyeuses où apparaitront bientôt les méchants, la tribu des Aigles sur le pied de guerre. Une histoire de grande amitié entre deux hommes que risque de compromettre l'amour pour la même femme. Thème classique et fort bien mis en actions ici.

Pourtant, je reste un peu sceptique sur la façon dont sont traduits en français les titres et les noms des personnages principaux. Ici, on atteint des sommets. Ainsi le titre original de La captive aux yeux clairs est The Big Sky, autrement dit Le Ciel Immense. Peu de rapport apparent donc. A moins que ce titre ne fasse écho au nom anglais de la captive indienne (qui d'ailleurs n'est pas captive), Teal Eye, que l'on peut traduire par Œil de Turquoise. Oui mais voilà, dans la version française, cette belle ténébreuse s'appelle.... Gazelle. Or, que je sache, il n'y a jamais eu de gazelle à l'état naturel en Amérique. Je crois me souvenir que ce charmant animal vit en Afrique et en Asie. Heureusement pour nous, le film date de 1952, dix ans avant les accords d'Evian, sinon je ne sais pas le nom qui aurait été choisi pour la tibu d'origine de la belle indienne!

dimanche 1 août 2010

Bureau, la nuit

Comment lui dire? Comment lui faire comprendre? Il a l'air malin avec sa raie dans les cheveux, impeccablement tracée, comme celle d'un premier communiant tout ému de sa première hostie. Ses cheveux blonds, presque blancs, que je voudrais ébouriffer en y emmêlant mes deux mains. Tiens, en ce moment, je n'aurais qu'à m'approcher un peu. Il ne s'en rendrait pas compte, il est trop absorbé par la lecture de cette lettre qui le fait rester si tard au bureau.

Je viendrais près de lui, tout près à le toucher, à respirer son parfum où je décèlerais sans doute une touche légère de transpiration, car il n'a pas ôté sa veste de la journée. Pourquoi être toujours ainsi engoncé dans cet éternel costume trois pièces gris? Lorsque je lui effleurerais la chevelure, il tournerait, surpris, son visage vers moi. Ses yeux verts frémiraient d'interrogations, eux qui n'ont jamais remarqué que j'étais une femme.

Non, pas une femme, sa secrétaire: "Holmes, où avez-vous mis le dossier Stuart? Je l'avais pourtant laissé sur le haut de la pile, hier soir! Holmes, regardez dans le meuble-classeur et sortez moi tout ce que vous trouvez sur les époux Stringblock. Vous vous souvenez, nous les avons eu comme clients il y a deux ans." Poli, appréciant la plupart du temps mes capacités d'organisation et mon travail rapide et soigné, mais comme on le ferait d'une machine bien huilée. Je suis sûre qu'il ne sait pas, lui, la couleur de mes yeux.

Et lorsqu'il se retournerait, surpris et sans doute un peu choqué de mon geste fou, il y devinerait ma passion, cet amour qui est né dès que je l'ai vu, au premier jour, et n'a pas cessé depuis. Presque dix ans que nous travaillons ensemble, dix ans que je lui consacre ma vie, sacrifiant mes soirées s'il me le demande, dix ans que nous sommes plus proches que mari et femme, dix ans qu'il ne me voit pas, dix ans qu'il disparaît en fin de semaine et que je passe mes dimanches seule, à attendre le lundi pour ouvrir la porte du bureau et guetter son arrivée, toujours un peu après moi. "Bonjour, Holmes. Passé un bon dimanche?" Mais il n'écoute jamais la réponse. Il est déjà assis, déjà un papier à la main.

Il n'aurait pas encore compris que je lui aurais déboutonné son gilet et desserré l'abominable cravate stricte qui lui serre le cou et que je l'aurais embrasser tendrement, goulument, sauvagement, passionnément, tout à la fois, parce que dix ans d'arriérés, une fois la bonde enlevée, ça ne se gère pas si facilement. Il n'y a plus que nous dans l'immeuble. Le dernier client est parti depuis plus d'une heure déjà. J'ai replacé bien droit le clavier de ma Remington. Il m'a dit que je pouvais partir, qu'il n'avait plus besoin de moi, qu'il finirait tout seul. J'ai prétexté la recherche d'un dossier qui m'échappait et que je devais traiter le lendemain à la première heure.

Il n'écoutait déjà plus. Se rendait-il seulement compte que j'étais encore là? La fenêtre à guillotine est ouverte et la brise fait gonfler la toile du rideau à moitié baissé. En bas, des étages plus bas, on perçoit les rumeurs de la ville. Tous ces gens qui quittent leurs bureaux et rentrent chez eux retrouver enfants et conjoints. Moi, rien. Je n'ai que lui. Aujourd'hui, en sortant du métro, j'ai décidé de lui parler. Ce matin, j'avais passé, sans intention pourtant, ma robe bleue moulante, celle qui met le mieux en valeur mes formes généreuses. J'étais prête. Il fallait que ce soit aujourd'hui. Si je reculais devant l'obstacle, jamais plus je ne pourrais le franchir.

Et maintenant, je suis comme une gourde, accoudée à ce tiroir de classeur, à chercher trop longuement ce document que je sais avoir caché au fond de mon tiroir. Peut-être ne faut-il pas brusquer trop les choses. Je risque de l'effrayer en agissant trop familièrement. M'approcher de lui, oui, mais en douceur et tâcher de le distraire de sa lecture. D'ailleurs qu'est-ce que c'est que cette lettre? Et là, maintenant, il la pose sous la lampe. Je croyais qu'il avait fini et allait se lever. Mais non, il reste immobile, les yeux dans le vague. Je le vois de profil et je n'ose croire à ce que je devine: il pleure. Une larme est tombée sur le buvard et son dos tremble légèrement. En tendant le cou, je peux voir les derniers mots de cette missive. Une belle écriture, à l'encre bleu nuit, une calligraphie détachée que je peux sans peine déchiffrer. La dernière phrase, en tout cas, qui me crucifie: "Je te quitte, Roy."

Et c'est signé James. Je ne lui parlerai pas ce soir.

( D'après le tableau d'Edward Hopper, Office at night, 1940)