dimanche 24 août 2008

Aude.

Il est 22h30 et je n'ai toujours rien écrit.

Je me suis égaré dans la lecture d'autres billets, chez ceux que je visite chaque soir et qui me manqueraient si je n'allais pas y voir. Douce errance, en fait, par la diversité des sujets abordés, la différence des styles, des personnalités affleurant derrière les mots. J'y ai parfois glissé quelques commentaires. J'ai lu des mails envoyés chez moi, touchants, sincères, remplis d'amitié et de tendresse, j'ai répondu à tous, lentement, dans la vérité.

Un blog n'est qu'un blog, bien sûr. On y apparaît sans doute déformé, parcellaire, un peu fardé pour embellir la face ou la cacher. Mais ce qui transparaît ne peut être anodin: c'est bien de nous dont il s'agit. Le portrait est retouché mais le modèle est le même, vu de dos ou en pleine lumière. Sinon, pourquoi écrire?

J'aime ces échanges, que je ne connaissais pas il y a un an. Comment expliquer que moi qui suis plutôt pudique de tempérament (je ne parle pas du corps), je n'éprouve aucune réticence à écrire ici sur moi, sur ce qui me préoccupe, sur ce qui fait mes joies ou qui me tracasse? Je n'en sais rien, et je m'en moque.

Est-ce une nouvelle forme d'échange? La communication directe rendue difficile par la rapidité de la vie, par la peur de ne pas être conforme à la norme, par les stéréotypes que chacun se sent obligé de respecter dans son paraître, se confie-t-on plus facilement derrière le rideau de l'écran, à des inconnus que, pour la plupart, on ne rencontrera jamais? Je le pense. N'est-on pas souvent plus en veine de confidences devant un homme rencontré dans un train, le temps bref du voyage, et qui, le convoi arrêté, disparaîtra à jamais au détour du quai, que devant un proche, famille ou ami?

J'ai souvenir ainsi d'un retour à Lyon, depuis Grenoble, en auto-stop, alors que j'étais étudiant. A la sortie de la ville, une femme s'était arrêtée pour me prendre à son bord. Elle n'allait pas à Lyon mais me proposait de m'avancer un peu sur mon chemin. La conversation s'engagea rapidement, sur la littérature très vite. La conductrice me confia écrire de la poésie et, à ma demande, accepta de me réciter quelques-uns de ses vers.

Quand nous arrivâmes à l'endroit de la route où elle devait me déposer pour prendre, elle, une autre direction, elle me proposa une chose insensée: nous allions passer rapidement chez elle, à la Côte-Saint André, car elle y attendait un courrier urgent, puis elle m'emmènerait jusqu'à Lyon. Cela nous permettrait de poursuivre l'échange. J'eus un instant la peur d'être mangé tout cru, moi avec mes dix-neuf ans par cette "vieille" qui avait sans doute dépassé la trentaine. Mais j'ai toujours aimé le risque.

Quand nous arrivâmes à Lyon, nous étions devenus intimes. Nous savions presque tout sur nos vies réciproques et, ce qui restait à dire, nous prîmes le temps de le murmurer autour d'un plat dans la pizzeria proche de la cité universitaire où je logeais.

En fin de soirée, elle me recopia sur un bout de la nappe un de ses poèmes qu'elle me dédicaça, elle ne monta pas dans ma chambre, nous échangeâmes sans doute un chaste baiser sur la joue (mais de cela je ne suis même pas sûr), elle reprit sa voiture et disparut au premier virage. Je ne l'ai jamais revue. Je sais simplement que c'est une des plus belles soirées de ma vie. J'avais connu là une qualité dans l'échange rarement approchée car totalement gratuite et fugitive.

Aujourd'hui, je me rappelle encore son prénom: elle s'appelait Aude.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce sont ce que j'appelle les belles rencontres

Anonyme a dit…

me souviens une fois , avoir ete pris en stop par un routier....euh non ... y'a pas d'rapport, l'etait pas vraiment pô vraiment poète... m'enfin c'etait un échange ...marquant!
;-)

Calyste a dit…

De celles que l'on oublie pas, Olivier.
Merci, Piergil, pour la chanson. Et bonne route!

Anonyme a dit…

On ne pratique plus autant de stop que dans ma jeunesse et pourtant j'en garde quelques bons souvenirs ( Meuh nan!! pas d'ce genre!!)Tiens une anecdote (réelle cette fois) j'avais pris un jeune homme (en stop! pardis)charmant( bin tant qu'à faire!) et on avait pas échangé 3 phrases qu'il s'endort la tête sur mon épaule et il est resté ainsi pendant 1heure! tandis que je m'appliquais à ne pas le réveiller en conduisant. j'avais trouvé touchant et troublant cet abandon, comme si on était soudain intime.... et nan j'en ai pô profité!! ;-))...juste un passant...

Anonyme a dit…

C'est une très belle "histoire", une anecdote fugace mais terriblement importante comme je les aime et que tu partages avec nous dans l'essence. Vive l'écriture.
Veinard. Ca donnerait presque envie de faire du stop !

Calyste a dit…

Oui, de celles qui ne s'oublient pas.
Mais je doute que le stop apporte les mêmes joies maintenant!