L'Ile d'un autre, où un homme pénètre par effraction dans la maison d'un inconnu, a fait ressurgir en moi un souvenir .
Je
vivais encore chez ma grand-mère, je devais avoir six ou sept ans et
Yvon était mon compagnon de jeux. Les autres étaient ou trop vieux ou
trop jeunes. Parfois aussi, ils ne se mélangeaient pas ou ne nous
intéressaient pas. Dans les vieilles, il y en avait pourtant une que
nous aimions bien. Elle s'appelait Suzanne (je l'ai revue il y a
quelques années lors d'un enterrement au bourg), mais nous l'appelions
Loulousse, je ne sais pas pourquoi.
Ses parents
habitaient tout près, dans cette enclave du "château" où se déroulaient
tous nos jeux. Pas de donjon ni de remparts dans ce château, de simples
maisons où vivaient essentiellement des mineurs et leurs familles. Mais
on disait qu'autrefois, à cet endroit, s'élevait un château. Est-ce pour
cette raison que la place du hameau s'appelle pompeusement la place
Marquise ?
Du logis de ces gens-là, je ne connaissais
que la cuisine où, parfois, Loulousse, jouant à la "petite mère", nous
invitait à manger quelques gâteaux secs, en cachette de ses parents au
travail. Ce jour-là, alors que nous grignotions, elle fut appelée dans
la cour. Seuls, Yvon et moi, il ne nous fallut pas longtemps pour
pousser la porte de l'unique autre pièce : la chambre. Qui de nous deux
en eut l'idée, je ne sais pas. Probablement Yvon car moi, j'étais un peu
timoré à cette époque.
A peine entré, ce qui
m'assaillit immédiatement, ce fut l'odeur. Une odeur étrange, pas
désagréable mais inconnue, une odeur étrangère, une odeur d'étrangers.
Je me souviens seulement de cela, ni des meubles ni de l'agencement, ni
des motifs du papier peint (car il y en avait sûrement un), ni de ce que
dit Yvon : rien que l'odeur et le vertige qui me prit aussitôt, comme
si je m'étais penché sur un gouffre insondable. Je reculai comme je pus
jusqu'à la cuisine où Yvon me rejoignit vite : on entendait déjà les pas
de Loulousse sur les marches de l'escalier extérieur. Je devais être
pâle mais elle ne se rendit compte de rien.
Il m'est
parfois arrivé depuis de ressentir ce même vertige, ce même
éblouissement face à l'inconnu, dans des églises, devant un paysage ou
devant un tableau. Je n'ai jamais compris pourquoi.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
2 commentaires:
Ah voilà qui est peu commun. Le "vertige" de certains paysage ou édifice, je le conçois, même si ce n'est sans doute pas le vrai vertige lié à l'appréhension du vide où lorsqu'on a une chute de tension. Mais alors le vertige lié à une pièce ordinaire, même si tu étais enfant !...
Cornus : j'ai eu le même vertige une autre fois, en entrant dans la chambre de mes parents. Toujours les chambres. Si, pour moi, cela ressemble exactement à une chute de tension.
Enregistrer un commentaire