Alors que, samedi soir, j'arrive tout près de l'opéra, mon portable sonne. C'est M. qui me dit que, malade, elle ne viendra pas. D'ailleurs, il fait très froid et j'ai moi-même du mal à me réchauffer malgré mes trois-quarts d'heure de marche. Pendant que je parle avec M., une femme s'arrête non loin de moi.
D'abord, je ne fais pas attention mais, comme elle me regarde plusieurs fois, je commence à me poser des questions. Elle n'a pas du tout l'air d'une prostituée (ou alors le genre bourgeoise qui arrondit ses fins de mois). D'ailleurs, il n'y en a plus guère dans le quartier maintenant. Une ancienne mère d'élève alors ? Mais, tout en terminant la conversation, j'ai beau me creuser la tête, ce visage ne me dit rien du tout.
Elle a une bonne cinquantaine, blonde, mince, habillée élégamment et chaudement. Lorsque je raccroche, elle se rapproche encore et m'adresse la parole. Avec une extrême politesse, elle me raconte que, à cause des manifestations de gilets jaunes, il n'y a pas de métros, qu'elle doit rentrer chez elle, qu'elle est déjà très en retard, que son mari va s'inquiéter et que son portable est en panne de batterie. Aurais-je la gentillesse de lui permettre d'appeler sur le mien son époux pour le rassurer ?
J'ai l'extrême politesse : ce n'est pas le genre à partir en courant en embarquant mon téléphone.
Le mari répond, il viendra la chercher en voiture. Alors qu'elle me remercie encore, je lui demande d'où lui vient le léger accent que j'ai perçu dans sa façon de s'exprimer. Elle est allemande. S'ensuit une conversation sur mes déboires dans l'apprentissage de cette langue et la difficulté de trouver sur Lyon un endroit sérieux et pas hors de prix pour y prendre des cours. De son côté, elle voudrait apprendre l'italien. Son mari et elle sont danseurs de tango argentin et, dans leurs nombreux voyages, ils ont souvent l'occasion de rencontrer des gens de la botte, ce qui lui a donné envie de les comprendre plus facilement. En guise de boutade, je lui dis que nous étions faits pour nous rencontrer : je pourrais lui donner des cours d'italien et elle des cours d'allemand !
Mais ma plaisanterie a l'air de la chiffonner un peu. Y verrait-elle une invite à demi-mots, ce qui n'est pas, bien entendu ? Peu après, en me renouvelant ses remerciements, elle reprend son chemin vers le lieu de rendez-vous avec son époux et moi le mien vers l'opéra, avec, aux lèvres, un léger sourire pour avoir gêner une femme avec une proposition qui n'en était pas une. J'aime ces rencontres de hasard.
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3 commentaires:
Ach Monsieur Kalyste ! On ne blaisante pas avec les gnädigen Frauen !!
Voilà qui est bien cocasse !
Jérôme : ma maman m'l'avait pas dit.
Cornus : j'aime bien, parfois, l'inattendu.
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