jeudi 31 mars 2016

Transistor

Plume, en évoquant des souvenirs radiophoniques, m'en a remémoré un datant de la dernière année passée en famille avant que je ne débarque à Lyon, au début des années soixante-dix donc.

Mes parents, je ne sais pas à quelle occasion (mais il en fallait une, c'est sûr) m'avaient offert une petite radio, un transistor comme on disait à l'époque, tout mignon, tout beau, très design et que j'adorais. La veille de notre dernier départ en vacances, ma petite sœur, sans le faire exprès, l'avait fait tomber et j'avais pris contre elle une énorme colère.

Le premier jour des vacances, ma petite sœur est morte, hydrocutée. Pendant très longtemps, je n'ai pu supporter l'idée de l'avoir agressée alors qu'il ne lui restait que si peu à vivre. J'ai mis très longtemps à ne plus m'en sentir coupable, même si personne, jamais, ne m'a reproché ma colère.

Après les vacances, je suis entré en fac à Lyon. Je quittais ma famille dans un moment difficile. L'arrivée à Lyon le fut aussi pour moi : une ville que je connaissais à peine, où ceux qui m'entouraient à Saint-Étienne me voyaient m'installer avec réticence, la solitude, l'étroitesse d'un chambre en cité universitaire (moi qui n'avais connu que de grands espaces, même si peu confortables).

J'avais emporté avec moi mon petit poste qui consentait parfois à fonctionner si on le secouait de la bonne manière. C'était ma seule véritable compagnie avec les portraits de famille (ancêtres jamais connus compris) que j'avais punaisés aux murs nus et qui furent décollés par la femme de ménage parce qu'il était interdit d'afficher quoi que ce soit en dehors d'un petit panneau de liège ridicule). Seul lien donc avec ma vie antérieure que je fuyais en même temps que je ne voulais la laisser disparaître.

Un jour, par hasard, je parlai de ce poste à une étudiante qui suivait les mêmes cours que moi. Son père était dans l'électricité et savait bricoler. Elle me proposa de le lui confier pour voir ce qu'il pouvait faire. J'hésitai car je la connaissais à peine puis finis par me laisser convaincre. Quelques jours plus tard, elle me le rapportait, réparé.

Je l'ai gardé encore longtemps. Je ne sais plus ce qu'il est devenu. Comment ai-je pu oublier ? Sic transit....

4 commentaires:

Cornus a dit…

J'aime beaucoup cette note, qui laisse beaucoup transparaître le Calyste qu'on imagine à l'époque et sa fragilité. Et aussi parce qu'on y voit par endroits des parcelles de soi-même. Et encore des temps modestes où cela paraissait par certains aspects plus difficile qu'aujourd'hui, mais par d'autres points de vue, plus simple.

Valérie de Haute Savoie a dit…

J'ai aussi un souvenir douloureux de la dernière fois où j'ai vu mon frère, sans doute la seule chose que je regretterai éternellement.

plumequivole a dit…

Il dit bien, Cornus.

Calyste a dit…

Cornus : ce que tu écris me touche beaucoup.

Valérie : il faut parfois se pardonner à soi-même.

Plume : merci à toi aussi.