J'ai terminé ce livre de Michel Déon profondément ému. Je ne peux plus rien lire sur la Grèce sans penser à cette Mare Nostrum , berceau de nos civilisations, où flottent journellement des cadavres d'enfants, d'hommes et de femmes fuyant l'atrocité et abandonnés à leur sort. Les requins se porteront bien cette année encore.
Le Balcon de Spetsaï, ce sont les chroniques d'un séjour de Déon et sa femme, six mois sur cette île face au Péloponèse et proche d'Hydra. Une île encore sauvage dans ces années 59/60 et peu fréquentée par les hordes de touristes. Chroniques du petit peuple du port, du plaisir d'un vin résiné et de poissons frits au citron. Histoire de tous les jours, loin de l'Hellade mythique où l'on tente encore d'enfermer ce pays.
L'Italie et la Grèce sont mes deux berceaux naturels, mes deux nécessités, que j'aborde cependant d'une tout autre façon l'un de l'autre. L'Italie est mienne, je l'ai conquise autant qu'elle m'a conquise, en douceur, comme une mère retrouvée, un port que j'aurais quitté depuis longtemps et où, de retour, je me sens chez moi, à l'abri des vents et des tempêtes.
La Grèce, elle, a souvent résisté : je me souviens des premières tentatives avortées pour la connaître, de la joie enfantine de fouler son sol la première fois. Enfantin aussi mon enthousiasme en voyant apparaître, au fond de la rue que suivait le bus, la colline de l'Acropole.
Mais la Grèce était ailleurs, dans les montagnes d’Épire de Metsovo, dans une gare routière où je découvris pour la première fois les airs orientaux de sa musique, dans le Magne où une femme nous offrit un panier de figues fraîches ou à Trézène où l'on nous fit don d'une petite branche de fleurs odorantes, dans cet âne assoiffé au bord de la route à qui nous offrîmes ce qu'il restait d'une pastèque.
L'Italie est une maîtresse qui se donne, la Grèce une sauvageonne qui résiste.
Ému aussi par dessus tout, dans ces chroniques, par les quelques pages consacrées à Olympie au printemps, à la saison où je l'ai connue, ruines envahies par les fleurs sauvages auprès desquelles, depuis toujours, coulait paresseusement l'Alphée. Comment peut-on être à la fois dans son lit et à l'ombre d'éboulis de colonnes de temples ? Ces quelques pages sont sans doute ce que j'ai lu de plus beau dans ma vie.
(Michel Déon, Le Balcon de Spetsaï, in Pages grecques. Ed. Gallimard.)
jeudi 24 mars 2016
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2 commentaires:
Eh bien, quelles déclarations d'amour.
Cornus : absolument, et de l'amour qui dure !
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