Ce matin, Maria est venue. Trente-cinq ans ou plus que je la connais. Au début, ça n'a pas été facile entre nous: deux orgueils qui s'opposaient, le gaulois et l'espagnol. Aujourd'hui, elle m'est très proche, sans que jamais nous ne nous soyons fait beaucoup de confidences. Matériellement, elle est là, toujours. Et je sais qu'une de ces prochaines années, elle n'y sera plus.
Ce matin, elle avait mis un bonnet de laine noir. C'est la première fois en tant d'années que je la vois chapeautée. Elle vieillit, Maria. Sa coiffure lui avait aplati les cheveux et avait fait apparaître, au sommet du crâne de larges racines blanches et un morceau de cuir plus blême encore. Elle porte les habits qu'on lui donne, à droite à gauche, préférant investir ce qu'elle gagne dans le bien-être de ses enfants.
Elle rit, nous rions souvent, de rien, de bêtises. Parfois, le ton se fait plus grave lorsqu'elle me parle de son mari, de sa famille en Espagne, de son arrivée en France, petite jeune fille perdue dans les gares dont elle ne savait pas lire les panneaux. Maria ne sait toujours pas lire. Je lui ai souvent proposé de lui apprendre, elle a toujours refusé, s'estimant trop bête pour ça. Elle compense, avec une intelligence remarquable.
Elle me fait penser à l'héroïne de cette nouvelle de Flaubert, Un Cœur simple, Félicité. Un prénom qui lui irait bien, tant elle regarde la vie toujours avec un œil amusé et joyeux. Elle m'agace parfois, je l'agace aussi et nous nous le disons avant d'éclater de rire.
Un être rare, Maria.
mercredi 15 février 2012
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2 commentaires:
Loulou, c'est toi ?
Christophe: pas encore empaillé! Enfin, je ne crois pas...
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